droit reconnu aux citoyens de voter pour élire leurs représentants ou pour exprimer leur volonté dans les décisions politiques.
Quand le suffrage est censitaire - système adopté au début de la Révolution -, l'électorat est restreint par des conditions de fortune. En revanche, le suffrage universel ne comporte pas d'exclusive liée à l'argent : c'est le système électoral établi en France pour les hommes depuis 1848, puis pour les femmes depuis 1944.
Sous l'Ancien Régime, certains Français peuvent voter, à de rares occasions, pour élire les représentants des trois ordres du royaume (clergé, noblesse, tiers état) aux états généraux. Mais ces assemblées se tiennent uniquement sur convocation royale - il n'y a aucune réunion des états généraux entre 1614 et 1789 - et la souveraineté n'est nullement partagée entre le roi et ses sujets. En déclarant que la souveraineté appartient à la nation, les révolutionnaires font du suffrage l'un des attributs de la citoyenneté.
L'établissement du suffrage censitaire par la bourgeoisie révolutionnaire.
• Cependant, dès octobre 1789, les constituants réservent le droit de vote aux citoyens masculins qui payent une certaine somme d'impôt (appelée « cens » au XIXe siècle). Une césure est établie entre citoyens « actifs » et « passifs ». En outre, le suffrage est à deux degrés : les citoyens actifs, qui acquittent un impôt direct égal à trois jours de travail (1 à 3 livres), élisent les électeurs ; ceux-ci doivent payer une contribution équivalant au moins à dix jours de travail (5 à 10 livres) et élisent les députés, qui eux-mêmes doivent être des propriétaires imposés d'un marc d'argent (53 livres). La proportion d'actifs, inégale suivant les lieux, est plus élevée à la campagne, où les municipalités fixent parfois un cens très bas. Selon une estimation globale établie par l'historien Patrice Gueniffey, les actifs auraient représenté environ les deux tiers des hommes adultes, les électeurs 27 % et les éligibles 13 %. En 1789, les députés ne lient pas le droit de suffrage à la couleur de la peau ; mais, en 1791, les hommes libres de couleur en sont privés dans les colonies - ils peuvent l'exercer en France, dans le cadre censitaire. Ce dernier est modifié par la Constitution de 1791, qui supprime le cens d'éligibilité (marc d'argent) pour permettre à certains éléments de la bourgeoisie d'accéder à la fonction de député, mais réduit très nettement le nombre des électeurs (un impôt égal à la valeur de 150 à 200 jours de travail est désormais requis).
La majorité des constituants considère que l'exercice des droits politiques suppose une indépendance de la personne, ce qui ne serait pas le cas des mineurs, des femmes, des domestiques, supposés soumis à l'influence de leurs parents, maris ou maîtres. De plus, l'idée est largement répandue que seuls les possédants ont un réel intérêt à la chose publique : « Ceux-là seuls qui contribuent à l'établissement public sont comme les vrais actionnaires de la grande entreprise sociale » (Sieyès). Les plus pauvres sont donc exclus du droit de suffrage ; le cens est même perçu comme un facteur de progrès et d'émulation, devant inciter les citoyens passifs à s'enrichir par leur travail pour s'intégrer dans le corps électoral.
L'exclusion des femmes et des domestiques ne soulève guère de protestations. En revanche, la gauche critique les mesures censitaires, jugées incompatibles avec le principe d'égalité énoncé dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : Robespierre assure qu'elles sont « anticonstitutionnelles et antisociales » et représentent la « violation la plus manifeste des droits de l'homme ». Les clubs et les sans-culottes font campagne contre le cens, qui est supprimé le 10 août 1792, après la chute de la monarchie.
Extensions et restrictions du suffrage.
• Pour la première fois en France, une élection, celle de la Convention (septembre 1792), est faite au suffrage universel masculin (limité par l'obligation d'une année de résidence). La Constitution de 1793 donne le droit de vote à tout citoyen âgé de 21 ans, domicilié depuis six mois dans le canton. La loi du 4 février 1794, qui supprime l'esclavage, étend le suffrage universel à « tous les hommes, sans distinction de couleur, domiciliés dans les colonies », tous « citoyens français ». Le droit de vote reste cependant un apanage masculin, contesté seulement par quelques femmes en 1793.