Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
D

druide,

nom donné par les Romains aux prêtres gaulois.

Nos connaissances sur la religion celtique et ses prêtres sont très limitées, puisque nous ne disposons que de rares et courtes inscriptions et d'un certain nombre de figurations, difficilement interprétables. Notre principale source d'information repose donc sur les témoignages des auteurs grecs et romains. Or ces derniers, et notamment César, ont plaqué leurs croyances, qu'ils estimaient universelles, sur la réalité celtique, assimilant les dieux celtes aux dieux romains et insistant sur les traits « barbares » de la religion des vaincus - surtout, sur les sacrifices humains. Rien ne prouve d'ailleurs qu'il y ait eu unité de croyances et de cultes à travers l'ensemble des peuples gaulois. Il semble néanmoins que les druides aient généralement bénéficié d'un statut social élevé, comme celui de l'aristocratie foncière et guerrière, à laquelle ils appartenaient sans doute. Ils étaient organisés en collèges, que l'on a parfois pu rapprocher de ceux des brahmanes hindous ou des flamines romains. C'est au sein de ces collèges qu'étaient transmises les croyances, dont la transcription écrite était, comme en Inde, interdite. Ils intervenaient également dans les différends entre individus ou entre peuples. Leur poids social et idéologique était suffisamment fort pour que toute activité leur ait été interdite dès le règne d'Auguste.

Drumont (Édouard),

écrivain journaliste et homme politique (Paris 1844 - id. 1917).

Petit-fils d'ouvrier, fils d'un modeste employé à l'Hôtel de Ville de Paris, animé par une vocation d'écrivain, Drumont mène la vie d'un journaliste besogneux avant d'acquérir la célébrité comme polémiste. Ayant amassé pendant plusieurs année une documentation sur les juifs de France, il publie en 1886 un pamphlet à prétention sociologique : la France juive, essai d'histoire contemporaine. Un article d'Alphonse Daudet dans le Figaro permet une large diffusion de l'ouvrage qui, en deux ans, se vend à 100 000 exemplaires. La thèse exposée répond à l'angoisse d'une France entrée dans une crise économique et sociale depuis environ une dizaine d'années : les juifs, physiquement et psychologiquement décrits, travaillent à la ruine de la France en l'exploitant. Conjuguant plusieurs types de préjugés antisémites, notamment l'antijudaïsme catholique et une certaine forme d'anticapitalisme socialiste, Drumont professe à la fois un attachement au catholicisme et une sensibilité socialiste. Toute sa carrière est désormais vouée à l'antisémitisme. Les ouvrages se multiplient (la Dernière Bataille, Nouvelle étude psychologique et sociale en 1890, le Testament d'un antisémite en 1891). En 1889, il fonde la Ligue nationale antisémitique, qui s'avère rapidement être un échec. Mais, en 1892, il lance un journal, la Libre Parole. Ce quotidien, consacré à la dénonciation de la « corruption juive » dont Drumont voit la plus parfaite illustration dans le scandale de Panamá (1892), tire à 200 000 exemplaires dès 1893. Il joue un rôle décisif durant l'affaire Dreyfus : le 1er novembre 1894, c'est dans les colonnes de la Libre Parole qu'est annoncée la prétendue culpabilité du capitaine. La vindicte de Drumont parvient à échauffer les esprits. Des violences s'exercent contre les juifs en son nom. Des pogroms sanglants éclatent même à Alger, où il est élu député en 1898. Lui-même ne rechigne pas à la confrontation physique. Amateur de duels, il est conduit sur le pré à la suite d'une algarade avec Georges Clemenceau.

Après 1900, l'étoile de Drumont commence à pâlir. Les tirages de la Libre Parole s'effondrent, et le journal disparaît en 1910. Drumont est vite oublié mais son influence a marqué plusieurs grandes figures, de Maurice Barrès à Charles Maurras. Dans l'entre-deux-guerres, le titre de son journal est repris et, dans la Grande Peur des bien-pensants (1931), l'écrivain catholique Georges Bernanos consacre à Édouard Drumont un essai retentissant, où il rend compte de toute l'admiration qu'il porte au polémiste.

Dubois (Guillaume),

cardinal et homme politique (Brive-la-Gaillarde, Corrèze, 1656 - Versailles 1723).

Fils d'un apothicaire pauvre, il fait ses études à Paris, au collège Saint-Michel, et devient précepteur. Sa fortune commence lorsqu'on lui confie l'éducation du duc d'Orléans, futur régent, dont, en 1692, il arrange habilement le mariage avec Mlle de Blois, fille légitimée de Louis XIV. Dès lors, il va cumuler titres et honneurs : il est nommé conseiller d'État en 1716, puis secrétaire d'État aux Affaires étrangères en 1718 ; en 1720, il reçoit l'archevêché de Cambrai et, l'année suivante, est créé cardinal, avant d'accéder à la fonction de « principal ministre » en 1722. À la même époque, il est admis à l'Académie française, et nommé président de l'Assemblée du clergé.

Grand travailleur et fin diplomate, Dubois a marqué profondément la politique de la Régence, tant sur le plan extérieur qu'intérieur. Pour renforcer la paix d'Utrecht, il signe à La Haye une alliance avec l'Angleterre et les Provinces-Unies contre l'Espagne (1717), alliance à laquelle se rallie l'Autriche en 1718. En 1720, après une courte guerre, il contraint Philippe V d'Espagne à renvoyer son ministre Alberoni, à renoncer définitivement à ses droits sur le trône de France, et à adhérer à la Quadruple-Alliance. Les jalons d'une paix européenne durable semblent posés.

En politique intérieure, son œuvre n'est pas moins grande, puisqu'il supprime la polysynodie (système mis en place par le Régent, et consistant à remplacer les secrétaires d'État par des conseils), rappelle en 1723 le Conseil d'en haut (où siègent le roi, le duc d'Orléans, le duc de Bourgogne, Villars, Fleury et lui-même), et rétablit un pouvoir monarchique autoritaire. Enfin, son ère ministérielle est marquée par un retour à la lutte contre le jansénisme. En 1720, Dubois n'hésite pas à exiler les parlementaires, pour les contraindre à enregistrer la bulle Unigenitus condamnant la religion prêchée par Jansénius.

Saint-Simon donne de Dubois l'image d'un homme habile, très ambitieux et déterminé. Pourtant, son œuvre est de courte durée : les hostilités reprennent rapidement en Europe, et le jansénisme restera, pour les parlementaires du XVIIIe siècle, un moyen de pression sur la monarchie.