Verdun (bataille de) (suite)
De l'horreur à la mythologie nationale.
• « Qui n'a pas fait Verdun n'a pas fait la guerre » (commandant d'Arnoux) : cette emphase pourrait passer pour une recréation idéologique d'après-guerre. Et, pourtant, tous les témoignages s'accordent : quelles que soient les conséquences personnelles, souvent opposées, que les combattants en auront tirées - du pacifisme le plus résolu au nationalisme cocardier, de la vocation religieuse à la perte de la foi -, la bataille de Verdun les a marqués d'une manière décisive. « Ce nom de Verdun représente désormais, déclare Raymond Poincaré, président de la République, lors d'une allocution le 13 septembre 1916, ce qu'il y a de plus beau dans l'âme française. Il est devenu synonyme synthétique de patriotisme, de bravoure et de générosité. »
Durant les années 1920 et 1930 est érigé à Verdun un immense ensemble commémoratif, où cimetières militaires, monuments aux morts et surtout l'ossuaire-chapelle de Douaumont (inauguré en 1927 par le maréchal Pétain) rappellent le sacrifice des soldats. Chaque année, des anciens combattants se rendent en pèlerinage sur les lieux. En même temps, toutes les communes de France donnent le nom de Verdun à une rue ou une place, le gravent sur leur monument aux morts, rapportent dans une urne un peu de la terre sacrée : horreur et gloire mêlées contribuent à pérenniser le souvenir de la bataille dans la France d'après-guerre. C'est probablement en 1940 que l'on prendra la mesure du terrible désastre qu'a constitué Verdun. Si, dans la France traumatisée par la défaite et par l'exode, le « maréchalisme » est si largement répandu, n'est-ce pas que « Pétain-Verdun » - celui qui aimait ses hommes, ce qui revenait à aimer la France - jouit d'un grand prestige populaire ? 1940 s'inscrit incontestablement dans le souvenir mythifié et horrifié de la bataille de Verdun.
En 1984, François Mitterrand et Helmut Kohl, main dans la main à Douaumont, symbolisent la réconciliation franco-allemande. En 1996, Jacques Chirac, entouré de jeunes gens venus de toute l'Europe, proclame à Verdun que l'Europe en paix est devenue une réalité.