Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
I

Indochine (guerre d'), (suite)

Dans un premier temps, de 1947 à 1950, les gouvernements français engagent la reconquête militaire et politique. Mais le corps expéditionnaire, qui parvient à reprendre les principales villes du Viêt Nam, les grands axes de communication, les zones frontalières, prouve son incapacité à contrôler le pays tout entier. Car la géographie de la péninsule permet au Viêt-minh d'installer des bases et de mener la guérilla en bénéficiant de la sympathie de la population. L'installation au pouvoir des communistes à Pékin, en 1949, fait craindre l'enlisement de la guerre, car les Chinois promettent une aide illimitée au Viêt-minh.

Les projets politiques ont aussi leurs limites. Après Léon Blum, le président du Conseil Paul Ramadier croit possible de reprendre les négociations avec Hô Chi Minh. Mais la rupture avec les communistes en France, au printemps 1947, et la montée de la tension internationale incitent le gouvernement à choisir une solution « anticommuniste ». En décembre 1947, des discussions s'engagent avec l'ancien empereur Bao Dai. En juin 1948, les accords de la baie d'Along reconnaissent le Viêt Nam comme État indépendant, auquel « il appartient de réaliser librement son unité », adhérant, en tant qu'État associé, à l'Union française. Ces accords sont confirmés par ceux du 8 mars 1949. Des négociations analogues s'engagent avec le Laos et le Cambodge. Pourtant, les effets sont limités. Si Bao Dai proclame, en juillet 1949, la souveraineté de l'État du Viêt Nam, il ne possède pas les moyens d'asseoir effectivement son pouvoir tant est forte, sur l'ensemble du territoire, l'influence du mouvement viêtminh. Néanmoins, le 30 décembre 1949, la France renonce à sa souveraineté sur le nouvel État, avec lequel les États-Unis et la Grande-Bretagne engagent des relations diplomatiques quelques semaines plus tard, tandis que la Chine et l'Union soviétique reconnaissent la République démocratique du Viêt Nam.

L'internationalisation du conflit.

• Elle marque une deuxième étape dans le déroulement de la guerre d'Indochine. L'appui des communistes chinois au Viêt-minh permet en effet à l'armée populaire de la République démocratique de se renforcer. Par ailleurs, le déclenchement de la guerre de Corée, au début de l'été 1950, encourage le gouvernement américain à s'intéresser de très près aux affaires indochinoises. La péninsule devient un des enjeux de la guerre froide.

La guérilla militaire menée par le Viêt-minh remporte des succès indiscutables, d'autant que la solution politique incarnée par Bao Dai s'avère de plus en plus fragile et inadaptée. Dans un environnement défavorable, les gouvernements français s'enlisent dans une guerre lointaine, dont l'issue rapide paraît improbable. Pour en limiter les risques, ils essaient de « vietnamiser » le conflit en accordant à Bao Dai le droit de lever une « armée nationale vietnamienne ». Les surenchères nationalistes visant à conquérir des populations rétives se multiplient.

À la fin de l'année 1950, le général de Lattre de Tassigny tente de redresser une situation militaire très délicate. Si la « croisade du roi Jean » met un frein aux coups de force du Viêt-minh, la reconquête des territoires contrôlés par les milices est fort difficile, particulièrement dans le delta du Tonkin. De Lattre s'efforce d'accentuer la « vietmanisation » de la guerre en encourageant les jeunes Vietnamiens à se battre, au nom de la liberté et de l'indépendance, contre les communistes du Viêt-minh. Toutes ces tentatives ont des effets réels, mais limités dans le temps. Après la mort de de Lattre en janvier 1952, le général Salan poursuit dans la même voie et parvient à maintenir un certain équilibre des forces en 1952 et 1953. Mais la réussite demeure précaire et ne peut empêcher le « pourrissement de la guerre ».

Pour l'opinion française, le coût du conflit commence à paraître élevé. Dès 1950-1951, on en évalue le montant aux investissements nécessaires à la reconstruction de la métropole en 1945-1950. De Lattre rappelle le nombre des morts de la « bataille sans visage » : près de 40 000 hommes, dont 21 000 métropolitains. À la fin de l'année 1952, le président de la République, Vincent Auriol, souligne que les dépenses atteignent un montant deux fois supérieur à celui de l'aide Marshall. Les Français, qui se sont longtemps désintéressés des opérations lointaines, commencent à en mesurer les effets. Si les communistes combattent « la sale guerre coloniale », dès 1950 d'autres dirigeants politiques rejoignent des intellectuels, des journalistes pour dénoncer les erreurs et pour réclamer une négociation effective. C'est le cas de Pierre Mendès France ou de François Mitterrand, ancien ministre de la France d'outre-mer.

Pendant toute la durée de la guerre de Corée, les États-Unis fournissent les aides économiques et financières nécessaires, puisqu'il s'agit pour eux de défendre le monde occidental. Mais le gouvernement américain hésite de moins en moins à déplorer « les attitudes coloniales désuètes des Français » et l'aveuglement des politiques qui, à l'instar de Georges Bidault, veulent continuer le combat. À l'évidence, « vietnamiser » et « américaniser » la guerre ne fournit pas la solution militaire espérée et ne permet pas non plus de convaincre les États associés du bien-fondé de la participation au conflit. En effet, la défense des populations locales contre les menaces communistes ne justifie pas, à leurs yeux, la collaboration avec une puissance qui cache mal sa persévérance colonisatrice.

Vers une solution politique.

• La fin de la guerre de Corée, au cours de l'été 1953, précipite les prises de conscience et la recherche d'une solution politique. En effet, la Chine peut redéployer une partie de ses troupes vers la péninsule indochinoise et renforce ainsi son aide à l'armée populaire du Viêt Nam. La pression communiste s'accentue sur les États associés, notamment sur le Laos, atteint à son tour par la guérilla. Les Américains, qui n'entendent pas soutenir une guerre coloniale sans issue, multiplient les interventions auprès des autorités françaises pour qu'elles changent de stratégie. Au début de l'été 1953, le président du Conseil Joseph Laniel se rallie à une solution internationale. Il annonce son intention d'assurer l'indépendance et la souveraineté des trois États associés de la péninsule indochinoise.