Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Rabaut Saint-Étienne (Jean-Paul Rabaut, dit),

homme politique, (Nîmes 1743 - Paris 1793).

Fils d'un pasteur calviniste, Jean-Paul Rabaut fait ses études en Suisse. Consacré au séminaire français de Lausanne en 1764, il rentre en France pour seconder son père, à Nîmes. Les persécutions religieuses à l'égard des protestants sont alors moins fortes, mais l'arsenal répressif de l'Ancien Régime demeure. Rabaut œuvre pour l'égalité des droits de toutes les confessions et, en 1785, il est délégué à Paris pour défendre ses coreligionnaires. Cependant, l'édit de tolérance de 1787, qui accorde un état civil aux protestants, ne le satisfait pas.

Élu député du Tiers aux états généraux de 1789, il se range aux côtés des réformateurs tout en restant fidèle à Louis XVI. Il s'évertue, sans succès, à obtenir une totale liberté de culte dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Puis il consacre l'essentiel de ses travaux à la préparation de la Constitution de 1791, ce qui le porte à la présidence de l'Assemblée en mars 1790.

La fuite de Varennes n'ébranle pas sa confiance en la monarchie constitutionnelle, et il quitte momentanément le Club des jacobins pour celui des feuillants. Lorsque les constitutionnels se séparent, Rabaut Saint-Étienne reste à Paris. Il y rédige un Précis historique de la Révolution française ; défenseur de la liberté de la presse, il participe également à la rédaction de la Feuille villageoise et écrit dans plusieurs journaux. Il rejoint de nouveau les jacobins et se rapproche des brissotins. Les premiers désastres militaires et l'attitude du roi font évoluer ses convictions : en août 1792, il se dit favorable à un gouvernement républicain.

Élu député de l'Aube à la Convention nationale en septembre 1792, il soutient les décisions des girondins. Mais les luttes politiques qui divisent la Convention le désolent. Lors du procès du roi, il affirme son modérantisme, se prononce pour l'appel au peuple et le sursis. Sa prise de position n'empêche pas son élection à la présidence de l'Assemblée, le 23 janvier 1793. Dans la presse, il s'exprime en faveur d'une meilleure répartition des fortunes mais sans avoir à recourir à des méthodes autoritaires ou violentes.

Au printemps 1793, la lutte entre la Montagne et la Gironde est à son comble. Rabaut est membre de la commission extraordinaire des Douze qui tente d'enrayer le pouvoir grandissant de la Commune de Paris. Le 2 juin, il fait partie des vingt-neuf députés girondins décrétés d'arrestation. Réfugié en province, il encourage la révolte fédéraliste. Arrêté le 5 décembre 1793 et envoyé devant le Tribunal révolutionnaire, il est exécuté le jour même.

Rabelais (François),

écrivain (La Devinière, près de Chinon, 1483 ou 1484 - Paris 1553).

Si les personnages et les épisodes de l'œuvre rabelaisienne sont devenus, au fil des siècles, des repères « mythologiques » de la culture nationale, l'existence de leur créateur continue, pour une large part, à se dérober aux recherches érudites.

Prêtre, moine, médecin et ... écrivain.

• « Ce que nous en savons le mieux, écrivait Michelet, c'est qu'il eut l'existence des grands penseurs du temps, une vie inquiète, errante, fugitive. » On sait que l'éducation du jeune Rabelais est confiée aux moines, et l'on suppose qu'aux alentours de 1510 il est novice dans un couvent de cordeliers près d'Angers. Vraisemblablement ordonné prêtre dans les années qui suivent, il s'initie aux langues anciennes et adresse au célèbre humaniste Guillaume Budé, en 1521, une lettre respectueuse qui nous apprend qu'il est moine franciscain au couvent de Fontenay-le-Comte. Budé encourage l'activité littéraire et philologique du néophyte, mais, en 1523, les supérieurs de Rabelais, sensibles au vent d'obscurantisme qui souffle de la Sorbonne, lui confisquent ses livres de grec. Il passe alors chez les bénédictins, moins fermés aux innovations culturelles. En 1528, il abandonne le froc pour l'habit de prêtre séculier. Deux ans plus tard, il est inscrit sur le registre des étudiants de la faculté de médecine de Montpellier. Commence alors une période d'intense activité éditoriale, qui témoigne d'une curiosité encyclopédique. En 1532, il publie une traduction latine des Aphorismes d'Hippocrate, puis les Epistres médicinales de l'Italien Manardi. Nommé médecin à l'hôtel-Dieu Notre-Dame de la Piété du Pont-du-Rhône, il publie Pantagruel vraisemblablement à la fin de la même année, sous le pseudonyme d'Alcofribas Nasier (anagramme de François Rabelais). En 1533, l'ouvrage est condamné par la Sorbonne pour obscénité. Le cardinal Jean du Bellay prend alors Rabelais sous sa protection et l'emmène à Rome comme médecin et secrétaire. Rabelais y réédite la Topographia antiquae Romae de l'érudit milanais Marliani. De retour à Lyon en 1534, il publie Gargantua et la Pantagruéline Prognostication. Reçu docteur en médecine à la faculté de Montpellier en 1538, il exerce désormais dans cette ville. L'imprimeur et humaniste Étienne Dolet écrit alors que Rabelais est l'« un des meilleurs médecins du monde ». En 1543, Pantagruel et Gargantua sont censurés par le parlement de Paris à la demande des théologiens. Le Tiers Livre, qui paraît à Paris en 1546, est immédiatement condamné par la Sorbonne. Rabelais quitte alors la France pour Metz, ville d'Empire, qui lui offre un poste de médecin. En 1547, il accompagne une nouvelle fois à Rome, le cardinal Jean du Bellay qui lui fait conférer les cures de Meudon et de Saint-Christophe-du-Jambet quelques années plus tard. En 1552, paraît le Quart Livre, également vite censuré par les théologiens. L'année suivante, Rabelais meurt après avoir résigné ses deux cures. L'Isle Sonnante - seize chapitres du futur Cinquième Livre - est publiée en 1562, et deux ans plus tard paraît l'intégralité du Cinquième Livre, dont la paternité reste aujourd'hui encore sujette à discussions.

Verve, fantaisie et sagesse.

• Effervescente, chaotique et multiforme, jouissant de hautes protections et frôlant sans cesse les flammes du bûcher, l'existence de Rabelais est sans doute la meilleure introduction à une œuvre qui se dérobe à toute signification univoque. Si les histoires des géants et de leurs compagnons - Panurge, Frère Jean des Entommeures - se sont inscrites avec une telle force dans la mémoire collective, c'est qu'elles gardent, par-delà les sages morceaux choisis auxquels la tradition scolaire les a trop souvent réduites, une insolence verbale et une puissance de questionnement intacte. Après la relative éclipse des siècles classiques, l'esprit de Pantagruel et de Gargantua n'a cessé de souffler sur les grands créateurs de la littérature française - Victor Hugo, Balzac, Céline et Claudel. L'adjectif « rabelaisien », passé dans le langage courant pour qualifier une verve truculente, apparaît finalement restrictif au regard d'une œuvre dans laquelle Michelet voyait l'Iliade et l'Odyssée du patrimoine littéraire français.