France (territoire de la). (suite)
La prédominance économique des grands bassins.
• Ces montagnes offrent un contraste net avec le vaste domaine de plaines, plateaux et collines des bassins sédimentaires, qui s'étendent sur plus de la moitié du territoire. Ces profondes cuvettes du socle hercynien, inférieures à 200 mètres d'altitude, sont largement ouvertes sur l'Atlantique. Les différentes nuances du climat océanique (doux et humide) ont ici modelé des paysages assez verdoyants, favorisé une agriculture variée, engendré de vastes forêts de feuillus. Les grandes vallées fluviales qui les traversent (Seine, Loire, Garonne) et l'absence d'enclavement dû au relief y ont facilité les communications et, par là même, la modernisation. Le Bassin parisien est l'exemple type d'une vaste région structurée par un réseau étoilé et centré, à la convergence de grandes vallées qui marquent l'emplacement de la capitale. À un moindre degré, Bordeaux et Toulouse sont les deux « noyaux » du Bassin aquitain. Les populations, les grandes villes, les régions d'intense activité industrielle, les campagnes aux cultures intensives, occupent plus que jamais ces espaces occidentaux et septentrionaux, dont les grandes vallées et les littoraux constituent les milieux de loin les plus attractifs, les plus densément peuplés.
Effets spatiaux de l'industrialisation et de la centralisation.
• Alors qu'au XIXe siècle la répartition des activités et des hommes sur le territoire est assez homogène, la révolution industrielle rompt cet équilibre. Les régions purement agricoles s'appauvrissent tandis que les régions minières s'enrichissent (Nord, Bassin lorrain...). L'industrie y fait vivre des populations de plus en plus nombreuses, logées dans de nouveaux quartiers ouvriers construits à proximité des usines. Désormais, le territoire français oppose, de part et d'autre d'une ligne fictive Le Havre-Marseille, une France du Nord-Est riche, industrielle et urbanisée, et une France du Sud-Ouest beaucoup plus pauvre, marquée par une économie rurale familiale. À l'intérieur de la France la plus dynamique, une ville domine de plus en plus le reste du pays : Paris. En effet, au cours du XXe siècle, la centralisation parisienne renforce ses effets géographiques. La capitale remodèle le paysage agraire à sa périphérie et fait converger vers elle les axes majeurs de transport. En regroupant les principaux acteurs politiques du pays, elle réunit l'essentiel des acteurs sociaux et économiques de la nation. En 1950, elle concentre 80 % des sièges sociaux des entreprises et produit plus du quart de la richesse nationale. Dès 1947, Jean-François Gravier a dénoncé cette trop forte suprématie : la capitale a, selon lui, vidé la province de ses forces vives, situation résumée par la formule « Paris et le désert français ». La gestion du territoire doit être repensée.
La régionalisation : objectifs et problèmes.
• Le plus vaste des États européens (551 695 kilomètres carrés), Russie exclue, bénéficie de deux atouts majeurs : une position charnière entre la mer du Nord, l'océan Atlantique et la mer Méditerranée, une situation stratégique au sein de l'Union européenne. Toutefois, toutes les régions françaises ne bénéficient pas également de ces avantages géographiques. Aujourd'hui encore, le territoire national est pluriel, malgré les efforts mis en œuvre pour l'unifier.
Historiques, les provinces ont été découpées par la Constituante de 1789 en départements, puis ces derniers ont été regroupés par l'arrêté du 28 octobre 1956 en vingt-deux « régions de programme » ; naturelles, les régions sont subdivisées par l'INSEE en « petites régions agricoles », en fonction de qualités pédologiques ou agricoles. Économiques, les régions empiètent sur plusieurs espaces naturels ou rassemblent différentes anciennes provinces. La région du Nord regroupe ainsi la Flandre, l'Artois, le Hainaut et le Cambrésis. La région lyonnaise constitue ce qu'il convient d'appeler un espace économique, fortement structuré par une métropole, Lyon ; elle n'est ni naturelle - elle regroupe à la fois les plaines de la Saône et du Rhône, l'avant-pays alpin et le rebord du Massif central - ni historique, car elle se définit plutôt comme un carrefour d'influences diverses accumulées au cours des siècles.
La régionalisation du Plan, dans les années cinquante, vise à rééquilibrer l'espace au nom d'une plus grande solidarité nationale. C'est pour planifier et aménager le développement économique, pour réduire l'influence de la capitale, sans pour autant favoriser les aspirations régionalistes les plus revendicatives, que la carte de France est redécoupée en régions de programme. Cependant, cette nouvelle répartition territoriale peut être contestée. En effet, pour satisfaire les revendications de villes d'importance à peu près comparable, certaines régions ont été divisées, telle la Normandie, partagée en deux unités, l'une, la Haute-Normandie, autour de Caen, l'autre, la Basse-Normandie, autour de Rouen. En outre, le territoire des Régions administratives coïncide souvent mal avec celui de régions polarisées autour d'une grande métropole économique. Les aires d'influence de Bordeaux et de Toulouse débordent sur les Régions administratives voisines. À l'inverse, dans le Sud-Est, l'aire d'influence de Marseille ne couvre pas toute la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Parfois, les contradictions sont plus graves encore : alors que Nantes exerce son influence économique sur la façade atlantique voisine, elle dirige administrativement la Région Pays de la Loire, qui s'étend profondément à l'intérieur des terres puisque seulement deux départements (Loire-Atlantique et Vendée) sur cinq sont ouverts sur l'océan. Elle est exclue de la Bretagne, alors même qu'elle fut sa capitale historique. Quinze Régions portent le nom d'anciennes provinces, sans en respecter pour autant les limites. Les solidarités régionales s'expriment difficilement à l'intérieur d'un découpage artificiel, souvent trop indépendant des frontières culturelles. La Région Centre, ensemble composite qui regroupe, notamment, la Beauce, l'Orléanais, la Touraine et le Berry, n'a pas de véritable identité. La Corse, qui a obtenu son détachement de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur, est devenue une région de programme à part entière en 1970. Seuls peut-être le Nord-Pas-de-Calais et l'Alsace s'inscrivent harmonieusement dans les contours de leurs frontières administratives et économiques.