Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

clubs révolutionnaires, (suite)

Quelle place pour une puissance rivale de l'Assemblée ?

• Mais cette forme d'exercice de la souveraineté se heurte à des résistances importantes dans le déroulement même de la Révolution. Le 29 septembre 1791, Le Chapelier affirme que la Révolution est terminée, la Constitution, fixée, et que ces sociétés populaires nées de « l'enthousiasme pour la liberté », qui « au temps des orages », avaient su « rallier les esprits, former des centres communs d'opinion, faire connaître à la minorité opposante l'énorme majorité qui voulait, et la destruction des abus, et le renversement des préjugés », sont devenues des facteurs de désordre. Il reproche en particulier aux Jacobins leur système d'affiliation en province, et la correspondance entretenue entre le club parisien et les sociétés populaires associées. Les clubs révolutionnaires posent, en effet, des questions fondamentales à la Révolution. Entre l'individu-citoyen et la nation représentée, y a-t-il place pour des groupes ayant une existence politique propre ? Sont-ils voués à soutenir le gouvernement, ou à le critiquer ? Cette critique doit-elle être erratique, ou organisée par la société mère ? L'opinion produite doit-elle être unanime, ou rendre lisibles les litiges ? Le débat sur les sociétés et les clubs s'est, de fait, focalisé sur le rôle spécifique des Jacobins. Lorsque, le 6 fructidor an III (23 août 1795), Jean-Baptiste Mailhe présente le rapport qui doit conduire à la dissolution des sociétés populaires et des clubs, ce sont eux qu'il vise essentiellement. Il leur reproche d'avoir été les agents de la Terreur, grâce à une grande homogénéité politique et administrative, acquise, à partir de juin 1793, au prix d'épurations successives ; il stigmatise ce réseau qui prétend être le peuple souverain et s'organise en « puissance rivale et oppressive de ses représentants ». Les clubs avaient fait preuve de conformisme révolutionnaire en l'an II, mais leur non-conformisme oppositionnel en l'an III les vouait à disparaître corps et âme.

clunisiens,

moines appartenant à l'ordre de Cluny, dont l'origine remonte à la fondation de l'abbaye du même nom, en 909.

Cluny devient rapidement une puissante abbaye, à la tête d'un ordre qui rayonne sur toute la chrétienté. Durant les Xe et XIe siècles, des circonstances propices et des personnalités exceptionnelles lui confèrent un prestige sans égal. C'est le temps des « grands abbés » : Bernon, Odon, Aymar, Maïeul, Odilon, Hugues de Semur. Mais, dès le XIIe siècle, Pierre le Vénérable est confronté aux premières difficultés économiques. Après une série de crises et de redressements au XIVe siècle, le repli se confirme au siècle suivant, malgré une tentative de réforme, en 1458. Bien qu'affaibli, l'ordre exerce néanmoins une influence jusqu'à la fin du Moyen Âge.

Les « coutumes » clunisiennes sont adoptées dans de nombreux monastères, ce qui n'implique pas forcément une subordination. Les liens sont d'abord spirituels ; l'ordre s'élabore lentement, et selon un modèle centralisé : l'abbé de Cluny est le responsable suprême, il nomme les prieurs à la tête des dépendances (prieurés), considérées comme les prolongements de l'abbaye mère. Aux XIIe et XIIIe siècles, des structures nouvelles se mettent en place : répartition des maisons - placées sous l'autorité d'un même supérieur - en provinces, chapitre général, visites annuelles des prieurés et de l'abbaye.

Les clunisiens suivent la règle de saint Benoît, mais en l'infléchissant dans le sens du recueillement, de la liturgie, et en favorisant la cléricalisation des moines. La journée, pour l'essentiel, est consacrée à l'office divin : prières liturgiques, psaumes, messes. Par souci de charité, l'ordre entretient de nombreux pauvres. Le travail intellectuel occupe une place éminente ; le travail manuel est, en revanche, peu pratiqué, ce qui suscite parfois des critiques.

Les clunisiens participent aux grandes entreprises ecclésiastiques, et n'excluent pas d'intervenir dans le fonctionnement de la société féodale, avec laquelle les moines vivent en symbiose. Le monachisme n'est-il pas un combat perpétuel contre le démon ? Cluny contribue à la propagation des mouvements de paix, et, en répandant la peur de l'Enfer, favorise pénitences, dons ou pèlerinages. Cluny est aussi à l'origine de la commémoration des défunts le 2 novembre. La spiritualité clunisienne exerce une grande influence non seulement sur la vie monastique, mais sur le clergé et l'ensemble des fidèles. Au XVIIe siècle, deux tendances s'expriment : « ancienne observance » et « étroite observance », celle-ci l'emportant à la veille de la Révolution ; mais c'est alors la fin de l'ordre clunisien.

Cluny (abbaye de),

abbaye bourguignonne fondée le 11 septembre 909, sous l'impulsion du duc d'Aquitaine Guillaume le Pieux et de l'abbé Bernon.

Elle est située dans le diocèse d'Autun, près de Mâcon. Dans une période marquée par la deuxième vague d'invasions vikings et par les troubles politiques de la fin de l'époque carolingienne, l'abbaye de Cluny est placée, dès sa fondation, sous la seule juridiction de Rome, échappant ainsi à l'ingérence laïque autant qu'à la hiérarchie ecclésiastique locale. Elle devient, au cours des Xe et XIe siècles, le principal foyer de renouveau monastique en Occident. Au début du XIIe siècle, l'ordre compte 1 184 établissements, dont 883 en France.

La construction de la première église abbatiale (Cluny I) est achevée par les successeurs de l'abbé Bernon et consacrée en 967. Mais, devant le succès grandissant de l'ordre, le bâtiment apparaît bien vite exigu. Aussi, l'abbé Mayeul entreprend-il la construction d'un deuxième édifice, qui est achevé en 981 (Cluny II, ou Saint-Pierre-le-Vieux). À peine un siècle plus tard, des agrandissements considérables sont entrepris par Hugues de Semur, qui commence la réalisation de Cluny III, construite entre 1088 et 1130. Pierre le Vénérable (1122-1157), quant à lui, se charge surtout de redresser les finances de l'abbaye, et poursuit les travaux de la nef encore inachevée. Il faudra attendre 1230 pour que l'ensemble soit définitivement terminé.