nationalisme. (suite)
• Pourtant, un nationalisme diffus, issu du patriotisme républicain, maintient sa fidélité au régime, y compris chez de nombreux catholiques, particulièrement ceux des régions de l'Est, dont sont issus Jules Ferry et Raymond Poincaré. Ce nationalisme connaît un regain de vigueur après la crise marocaine d'Agadir (1911), qui provoque une vive tension franco-allemande. La majorité élue aux élections législatives du printemps 1914 n'est cependant pas nationaliste, puisqu'elle est plutôt hostile au service militaire de trois ans (1913), mais elle ne remet pas en cause cette loi. Attachement à la paix ne signifie pas refus des sacrifices nécessaires pour la défense de la patrie. Les principaux thèmes de l'idéologie nationaliste s'inscrivent dans le patrimoine commun à la veille de la guerre. Telle est la signification de l'« union sacrée » : le réflexe unanime est de se dresser contre l'agression injuste, non d'aller au-delà. Les doutes de 1916, les grèves et les mutineries de 1917 n'empêchent pas, en novembre 1917, le redressement spectaculaire de l'opinion publique, rassemblée pour la défense de la nation, sous l'égide de Clemenceau. La victoire renforce le courant nationaliste, mais elle demeure celle d'un ordre républicain et pacifique : la récupération de l'Alsace-Lorraine va de soi, ainsi que l'obtention d'un minimum de garanties assurant la sécurité de la France, mais les revendications des nationalistes d'extrême droite (détacher de l'Allemagne la rive gauche du Rhin, briser l'unité allemande) ne sont pas défendues par Clemenceau. Le triomphe de la majorité du Bloc national aux élections législatives de novembre 1919, si complexe et parfois si contradictoire au niveau local, traduit une sorte de consensus autour d'un nationalisme républicain, d'un patriotisme retrempé par la guerre, suffisamment mûr pour ne pas se laisser entraîner par les surenchères extrémistes. Il traduit une sorte de fusion entre le nationalisme républicain du style de la Ligue des patriotes et le nationalisme plus agressif des ligues de la fin du XIXe siècle.
Dernières mutations.
• Cette synthèse connaîtra de nouvelles ruptures lors des années 1930 et de la crise qui affecte le régime républicain. La guerre, la défaite et l'occupation en 1940 voient la résurgence éphémère du nationalisme contre-révolutionnaire d'Action française, du reste brisé et éclaté en plusieurs rameaux, dont certains se retrouvent dans la France libre. L'idée de nation a, elle aussi, éclaté à la faveur de cette guerre idéologique. Le gaullisme se veut, dès l'origine, rassembleur, et s'inscrit dans la tradition réconciliatrice du boulangisme, du bonapartisme, mais aussi de toute l'histoire de France, sans exclusive. Il a toujours eu contre lui une frange de nationalistes irréductibles, héritiers du maurrassisme, nostalgiques de Pétain et d'un catholicisme contre-révolutionnaire, qui salueront la défaite du général de Gaulle, en 1969, comme une délivrance. La résurgence du nationalisme d'extrême droite, sous la forme du Front national, n'est pas seulement un héritage du nationalisme de l'Action française ; il emprunte aussi à l'idéologie des régimes fascistes, dont il reprend à son compte les thèmes autoritaires, populistes, xénophobes et antisémites. Il cherche aussi l'appui des catholiques, mais ceux-ci se prêtent moins à cette alliance qu'au début du XXe siècle. Si ce nationalisme d'extrême droite reste limité, c'est que le sentiment national, édifié par la République depuis un siècle, est fondé sur un solide attachement à la paix civile, garant du maintien de l'union nationale.