Gambetta (Léon), (suite)
Le « commis voyageur » de la République.
• La Commune marque une étape importante dans son évolution politique. Réfugié à Saint-Sébastien, en Espagne, il est surpris par la violence des événements, et commence à penser que la république ne pourra s'installer de façon durable que si elle est présentée au plus grand nombre comme un régime paisible, libéré des excès extrémistes. Réélu à l'Assemblée en juillet 1871, il sillonne la France pour promouvoir l'idéal républicain, et fonde, en novembre, un quotidien, la République française. Le 26 septembre 1872, à Grenoble, il explique avec éloquence que, pour s'enraciner, la république doit s'appuyer sur « une couche sociale nouvelle » : la classe moyenne, qui émerge. Renonçant à la stratégie de rupture inscrite dans les programmes radicaux de la fin du Second Empire, il prend progressivement la tête d'un courant « opportuniste » qui cherche des alliances au centre pour installer le régime : les réformes doivent être entreprises avec prudence, sans brusquer l'opinion. Il s'attire ainsi les foudres de ses anciens amis radicaux, tel Clemenceau, aux yeux desquels il passe pour un « renégat ». Cependant, il reste un républicain fervent, comme en témoignent son anticléricalisme et son désir d'émanciper les paysans des tutelles nobiliaires. Sa stratégie d'alliance politique avec le centre le conduit à accepter les lois constitutionnelles de 1875, critiquées par les radicaux, en particulier celle qui crée le Sénat, « grand conseil des communes de France ». Néanmoins, Gambetta est en tête du combat, lors de la crise du 16 mai 1877, quand il s'agit de défendre la république face à la dernière grande tentative de restauration monarchique ; au cours de la campagne électorale, il lance au président Mac-Mahon, qui a dissous la Chambre, une adresse promise à la postérité : « Quand la France aura fait entendre sa voix souveraine, il faudra se soumettre ou se démettre. »
Le rendez-vous manqué avec le pouvoir.
• Principal chef du parti républicain victorieux aux élections législatives de 1877, il dirige le groupe de l'Union républicaine à la Chambre des députés (tandis que Jules Ferry crée celui de la Gauche républicaine). Il semble désormais admis qu'il doive gouverner. Pourtant, le président Jules Grévy, inquiet, tout comme nombre de ses amis politiques, de sa popularité et de son tempérament autoritaire, lui refuse la présidence du Conseil. Gambetta se contente donc de celle de la Chambre des députés, à partir de 1879. Ce n'est qu'après la victoire éclatante de l'Union républicaine aux élections de 1881 que Grévy lui demande de former un gouvernement. Le « grand ministère » - appelé ainsi par dérision, puisque aucun des hauts responsables politiques du pays n'a souhaité y participer - est constitué le 14 novembre. Il regroupe des hommes jeunes, encore peu connus, tels Waldeck-Rousseau, Paul Bert ou Félix Faure, et dure moins de quatre-vingts jours. Attaqué à gauche pour ses velléités coloniales, et à droite pour son désir de nationaliser les chemins de fer, peu soutenu par ses propres amis opportunistes, Gambetta tombe sur la question du scrutin de liste : depuis longtemps, il a envisagé de stabiliser les institutions en renforçant l'exécutif, et en limitant la pratique du clientélisme des députés. Il est renversé le 27 janvier 1882, victime de la crainte que son charisme ne le transforme en dictateur. Il meurt quelques mois plus tard, des suites d'une blessure accidentelle. On lui fait des funérailles nationales