Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
N

Napoléon III (Charles Louis Napoléon Bonaparte), (suite)

L'empereur (1852-1870).

• Lorsqu'il accède aux honneurs suprêmes, Louis Napoléon a 44 ans. L'homme a déjà quelque peu vieilli, sa silhouette s'est empâtée et sa santé a subi quelques altérations durant sa captivité de Ham. Il demeure toutefois séduisant et use de ses charmes auprès de ses nombreuses conquêtes féminines en dépit de son mariage avec Eugénie Marie de Montijo, qui assure l'avenir de la dynastie grâce à la naissance du prince impérial, en 1856. Napoléon III est resté simple de manières, bienveillant, généreux, et ses qualités humaines contribuent à une popularité qui demeure grande tout au long du règne. Il a gardé toute sa curiosité intellectuelle, s'intéresse aux innovations technologiques et scientifiques. De son passé de conspirateur, il a conservé le goût du secret et de la dissimulation mais aussi celui des projets aventureux. Néanmoins, pragmatique, s'il recule devant les difficultés, il n'abandonne pas pour autant ses desseins. Il écoute les avis de ses conseillers mais demeure impénétrable, décidant seul avec quelque autoritarisme. Sans insister sur les diverses facettes de son action au sommet de l'État, il suffit de rappeler que l'empereur a donné le meilleur de lui-même dans les premières années de son règne, qu'il a multiplié les initiatives à la fin des années 1850 tant dans le domaine diplomatique qu'économique et qu'il jouit alors d'un grand prestige sur la scène internationale tout en parvenant à marginaliser les oppositions intérieures.

La détérioration de sa santé après 1864, conjuguée à un vieillissement un peu prématuré, semble avoir pesé sur la conduite des affaires. Il subit en 1865 la première atteinte de la maladie de la pierre (calcul dans la vessie) : cette altération l'empêche d'assurer une direction suivie des affaires gouvernementales, et le contraint à ajourner des décisions. Les incohérences de la politique française lors du déclenchement de la guerre franco-prussienne de 1870 trouvent en partie leur explication dans ce constat médical. L'empereur, qui souhaitait sans doute un arrangement pacifique, s'est laissé influencer par son entourage et par l'opinion publique parisienne, partisans d'une revanche sur la Prusse. Et c'est un malade qui se traîne sur les champs de bataille à la tête des armées françaises jusqu'au moment où le commandement en chef est confié au maréchal Bazaine par l'impératrice Eugénie, qui exerce la régence et s'oppose au retour de l'empereur à Paris. C'est une fin de règne shakespearienne qui attend celui-ci. Il tente de trouver la mort à Sedan pour sauver la légende napoléonienne. Cette fin héroïque lui est refusée.

Le souverain déchu (1870-1873).

• Après la capitulation de Sedan, Napoléon III est emmené en captivité en Allemagne. Il refuse toute négociation avec l'Allemagne alors que la République est instaurée à Paris, le 4 septembre, sans effusion de sang. Le 1er mars, l'Assemblée nationale élue le 8 février 1871 vote à la quasi-unanimité sa déchéance et celle de sa dynastie, et le déclare « responsable de la ruine, de l'invasion et du démembrement de la France ». Après la conclusion de la paix, l'ex-empereur rejoint son épouse et son fils en Angleterre dans la résidence de Camphen House, près de Chislehurst, où il réside jusqu'à sa mort. Sa santé se rétablit quelque peu en 1871 et 1872. Il projette alors, à la fin de l'année, un coup de force à partir de la Suisse, croyant en la possibilité de restaurer l'Empire. Mais il doit pour cela se faire opérer. L'intervention chirurgicale, commencée le 2 janvier 1873, tourne mal et, le 9 janvier, l'ex-empereur des Français décède dans la matinée. Ses funérailles ont lieu le 15 janvier en présence de plusieurs milliers de personnes, dont une importante délégation française, témoignant de la survie du bonapartisme, une fois oublié le choc de Sedan. La sépulture de Napoléon III a été transférée par son épouse à Farnborough en 1898, en même temps que celle de son fils, mort en 1879.

Napoléon (Jérôme Joseph Charles Paul Napoléon, dit le prince),

homme politique, cousin germain de Napoléon III (Trieste 1822 - Rome 1891).

Familièrement surnommé « Plon-Plon », le prince Jérôme, fils de l'ex-roi de Westphalie Jérôme Bonaparte, a incarné, sous le Second Empire, le bonapartisme de gauche, démocrate et anticlérical, favorable au principe des nationalités. Élu représentant de Corse, membre de l'Assemblée constituante, réélu dans la Sarthe en 1849, il siège sur les bancs de l'extrême gauche, condamne le coup d'État du 2 décembre 1851. Il n'en est pas moins nommé sénateur en 1852 et placé, par le décret impérial du 18 décembre 1852, en seconde position après son père, dans l'ordre de succession au trône, en cas d'absence de descendance directe ; d'où son amertume après la naissance du prince impérial, en 1856.

Grandes espérances et illusions perdues.

• Napoléon III lui confie une division en Crimée ; mais, après s'être illustré à la bataille de l'Alma, Jérôme fait défection pendant le siège de Sébastopol, à la suite de désaccords avec le commandant en chef. Ce choix lui vaudra d'être impopulaire dans l'armée. Nommé ministre de l'Algérie et des Colonies le 24 janvier 1858, il démissionne le 8 mars 1859, après s'être opposé à certains ministres sur l'étendue de ses prérogatives. Le 30 janvier 1859, il épouse la princesse Clotilde, fille aînée du roi du Piémont, Victor Emmanuel II. De ce mariage, qui le lie aux dynasties européennes, naissent trois enfants : Victor, Louis et Letizia. Dans les années 1860, le prince Napoléon est quelque peu marginalisé et ne se signale que par ses interventions violemment anticléricales au Sénat. Le discours d'Ajaccio du 15 mai 1865, au cours duquel il exalte l'Empire « libéral » de 1815 et donne du bonapartisme une version jacobine, lui vaut un désaveu officiel. Il se retire alors dans sa propriété de Prangins, en Suisse. L'empereur continue cependant de correspondre avec lui et, malgré un jugement sévère sur son comportement, semble lui avoir gardé son affection. Il l'associe ainsi à la campagne militaire de 1870.

Un prince républicain.