Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
E

enragés,

dénomination péjorative désignant, pendant la Révolution, ceux qui réclament des mesures sociales et économiques - voire politiques - radicales.

Elle a été utilisée par les aristocrates contre des patriotes, puis par les girondins modérés contre des jacobins ou des cordeliers. Mais l'expression consacrée s'applique ensuite aux porte-parole du mouvement sans-culotte, disqualifiés par les montagnards, de l'été 1792 au printemps 1794. Les principales figures des enragés sont le curé « rouge » Jacques Roux, les commis des postes Jean Varlet et Jean Théophile Leclerc, l'actrice Claire Lacombe et la commerçante Pauline Léon, ces deux dernières étant membres du Club des citoyennes républicaines révolutionnaires, créé en mai 1793.

Transfuges sociaux plutôt jeunes, ces personnalités s'identifient au mouvement populaire sans-culotte, sans en être issues socialement ni culturellement. L'égalité forme l'horizon essentiel de leurs revendications. Sensibles à la misère due à l'inflation et à la disette, elles ne cessent de réclamer, de mai 1792 à juin 1793, un maximum des prix du blé, le cours forcé de l'assignat, la peine de mort contre les accapareurs.

Leur influence grandit surtout pendant l'hiver 1792-1793, alors que la situation économique se détériore. En témoignent les pétitions des sections qui dénoncent la liberté du commerce des grains, et qui sont inspirées par l'ensemble des revendications des enragés. Cependant, la question sociale et économique du « droit à l'existence » n'est pas dissociée de la question politique ; Varlet rédige en décembre 1792 le Projet d'un mandat spécial et impératif aux mandataires du peuple, où il affirme qu'il faut faire pression sur les députés, que ces derniers aient ou non réuni les suffrages populaires, pour les inciter à lutter contre la pauvreté et à faire disparaître les trop grandes inégalités de fortune. Jacques Roux s'adresse aux femmes, pour qu'elles rejoignent les sans-culottes. En février 1792, ces revendications sont jugées par Marat comme « excessives », « étranges », « subversives de tout bon ordre ». Toutefois, à la veille de l'élimination de la Gironde, les montagnards concèdent un cours forcé de l'assignat, un prix maximum des grains à l'échelon départemental, et un emprunt d'un milliard auprès des riches. Le 25 juin, Jacques Roux, au nom des sections des Gravilliers et de Bonne-Nouvelle, du Club des cordeliers, vient pourtant lire à la barre de la Convention une pétition qui prend valeur de manifeste. Il admoneste les conventionnels : « Mandataires du peuple, l'insouciance que vous montreriez plus longtemps serait un acte de lâcheté, un crime de lèse-nation. » Désormais, les enragés constituent l'une des cibles de la Montagne : Jean Varlet et Jacques Roux (qui se suicidera en prison) sont arrêtés en septembre 1793 ; Jean Théophile Leclerc et Pauline Léon, en avril 1794. Varlet recouvre la liberté en novembre 1793, et ses compagnons, après Thermidor.

Ensérune,

importante place forte protohistorique de l'Hérault, habitée durant tout l'âge du fer.

Situé sur la commune de Nissan-les-Ensérune, près de Narbonne et de Béziers, l'oppidum d'Ensérune occupe une position stratégique, sur une colline qui domine la plaine d'une centaine de mètres, à proximité de la mer et des étangs, et le long d'une route antique qui deviendra la « voie domitienne ». Il est habité dès le VIe siècle avant J.-C. ; les maisons de cette période sont encore assez modestes et construites en terre. À partir de la fin du Ve siècle, un rempart de gros blocs de pierre est édifié, avec poternes et escaliers, et la pierre intervient aussi dans l'architecture domestique. C'est aussi le moment où la nécropole d'Ensérune, implantée à l'ouest de l'habitat, commence à être utilisée. Plus de cinq cents sépultures y ont été découvertes ; il s'agit de tombes à crémation, où les cendres du mort étaient déposées dans un vase, souvent importé du monde hellénique, et accompagnées de récipients, d'offrandes alimentaires (viandes et poissons) et, dans les tombes masculines, d'armes. Typiquement celtiques, celles-ci témoignent de l'arrivée des Celtes dans le midi de la France.

Au cours des siècles suivants, le site s'étend encore, l'habitat s'organise en damier, le rempart est plusieurs fois rebâti, tandis que l'influence de Rome, qui conquiert la région à partir de 125 avant J.-C., ne cesse de croître. Néanmoins, les inscriptions indiquent que c'est une langue ibérique qui continue à être utilisée. Un musée a été ouvert sur le site.

Entente cordiale,

nom donné au rapprochement franco-britannique mis en œuvre au début du XXe siècle et concrétisé par les accords du 8 avril 1904.

Mettre fin aux différends coloniaux franco-britanniques.

• À la fin du XIXe siècle, les rivalités coloniales entre la France et l'Angleterre s'exacerbent et menacent la paix européenne. Après l'incident de Fachoda (1898), la Grande-Bretagne rompt avec sa politique du « splendide isolement » et cherche à se rapprocher de l'Allemagne, mais échoue dans sa tentative d'alliance. L'épisode de Fachoda, puis la guerre des Boers (livrée, de 1899 à 1902, par les Britanniques contre les descendants des colons néerlandais établis en Afrique australe) suscitent une vive hostilité de l'opinion à l'égard de l'Angleterre. Vers 1902, toutefois, la France, qui a renforcé l'alliance scellée en 1893 avec la Russie, est prête à se rapprocher de Londres. Théophile Delcassé, ministre français des Affaires étrangères, croit en effet que l'on peut liquider les différends coloniaux franco-anglais. En outre, les milieux économiques souhaitent développer le commerce avec la Grande-Bretagne et le « parti colonial », obtenir l'accord britannique pour une éventuelle conquête française du Maroc. Au même moment, outre-Manche, l'opinion, inquiète des progrès économiques et navals allemands, se prononce de plus en plus pour un rapprochement avec la France.

Les conséquences de l'Entente.

• L'initiative est prise par la France en août 1902. Les négociations, accélérées par la visite du roi Édouard VII à Paris en mai 1903, aboutissent à un accord, le 8 avril 1904, dont la clause essentielle réside dans le « troc » Égypte-Maroc : la France renonce à contester la domination britannique en Égypte, et, en échange, l'Angleterre admet l'établissement éventuel d'un protectorat français sur le Maroc. Les autres clauses permettent de départager les zones d'influence française et britannique au Siam et aux Nouvelles-Hébrides, règlent la question des privilèges de pêche français à Terre-Neuve, et accordent à la France de petites concessions territoriales en Afrique noire. En somme, ces accords se présentent comme le simple règlement d'une série de différends coloniaux. Cependant, par le fait même qu'ils mettent un terme à la rivalité franco-anglaise, ils préparent la voie d'un rapprochement diplomatique durable, prélude à la formation d'un nouveau groupe de puissances. L'Entente cordiale sera appelée à se renforcer ; la Russie s'y associera par la signature d'un accord anglo-russe (1907), donnant naissance à la Triple-Entente, qui, elle-même, suscitera en 1912 le renouvellement de la Triple-Alliance, bloc européen antagoniste formé de l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie et l'Italie. Ainsi, la « révolution diplomatique de 1904 », tout en résorbant les rivalités franco-anglaises, inaugure une période de tension internationale.