Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
S

Sarraut (Albert),

homme politique (Bordeaux 1872 - Paris 1962).

Albert Sarraut est l'un des représentants du fief radical-socialiste du Sud-Ouest, organisé autour du journal la Dépêche de Toulouse, que dirige son frère Maurice. Il siège comme député de l'Aude de 1902 à 1924, puis comme sénateur de 1926 à 1940. Dès 1906, il est sous-secrétaire d'État à l'Intérieur. Son nom est associé à la politique coloniale de la IIIe République, qu'il représente comme gouverneur de l'Indochine de 1911 à 1914, et de 1916 à 1919, puis comme titulaire du portefeuille des Colonies dans les ministères du Bloc national entre 1920 et 1924. Le plan Sarraut d'avril 1921 préconise un vaste programme d'investissements économiques et sociaux qui n'est pas réalisé dans son intégralité, mais qui fait alors référence. Albert Sarraut est de nouveau ministre des Colonies entre juin 1932 et octobre 1933. Il est l'auteur de la Mise en valeur des colonies françaises (1922) et de Grandeur et servitudes coloniales (1931).

Investi comme président du Conseil en octobre 1933, ce modéré reste au pouvoir un mois seulement, se heurtant aux critiques des radicaux de gauche. En janvier 1936, il est de nouveau appelé à la tête du gouvernement pour assurer le bon déroulement de la campagne électorale qui va porter le Front populaire au pouvoir. Il assiste alors impuissant à la remilitarisation de la Rhénanie. Une nouvelle fois ministre de l'Intérieur, de 1938 à 1940 - un portefeuille qu'il avait détenu de juillet 1926 à novembre 1928, dans le gouvernement d'« union nationale » de Poincaré, puis au lendemain du 6 février 1934 -, il est écarté du gouvernement par Paul Reynaud, en juin 1940 ; il vote les pleins pouvoirs au maréchal Pétain mais se tient à l'écart du régime. Son frère Maurice est tué par la Milice en 1943. En 1951, il est élu président de l'Assemblée de l'Union française, mais ses pouvoirs sont limités.

Sarre (question de la),

différend entre la France et l'Allemagne concernant le rattachement à l'un ou à l'autre pays de la région minière de la Sarre.

Après la Première Guerre mondiale, Clemenceau, alors président du Conseil, demande l'annexion de ce territoire à la France en faisant prévaloir des droits historiques (Sarrelouis fut fondée par Louis XIV en 1680, et cédée à la Prusse en 1815). Cette revendication est rejetée par les Alliés, mais le traité de Versailles (1919) octroie à la France la propriété des mines de charbon, tandis que l'administration du territoire est confiée à la Société des nations (SDN) jusqu'en 1935, date à laquelle les Sarrois doivent choisir par plébiscite entre trois solutions : le maintien du régime international, le rattachement à la France ou le rattachement à l'Allemagne. Les électeurs s'étant prononcés, le 13 janvier 1935, pour cette dernière option (90,8 % des voix), la Sarre est placée sous la souveraineté du Reich, qui rachète les mines à la France.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la Sarre est placée dans la zone d'occupation française, et, en 1947, devient un territoire autonome rattaché par une union douanière à la France, laquelle est responsable en outre de la Défense et des Affaires étrangères. Obstacle à la construction européenne, ce statut est révisé au profit d'un statut européen prévoyant le maintien de l'union douanière franco-sarroise (accords Mendès France-Adenauer du 23 octobre 1954). Mais ce compromis est rejeté par 67,7 % des votants lors du référendum du 23 octobre 1955. La Sarre est donc rattachée à la République fédérale d'Allemagne, l'intégration politique étant réalisée le 1er janvier 1957 (la Sarre devient alors un Land de la RFA), et l'intégration économique étant achevée le 5 juillet 1959, par l'abolition de l'union douanière franco-sarroise.

Sarrien (Jean-Marie Ferdinand),

homme politique (Bourbon-Lancy, Saône-et-Loire, 1840 - Paris 1915).

Fils d'un tanneur devenu maire de Bourbon-Lancy, il fait des études de droit et exerce la profession d'avocat à Lyon, avant de commencer une carrière politique classique de notable républicain : maire de sa ville natale en 1871 et conseiller général, il est un temps révoqué par le gouvernement d'Ordre moral du duc de Broglie, puis devient député de Saône-et-Loire en 1876.

Constamment réélu par la suite, ce radical modéré est membre de plusieurs gouvernements dans les années 1880 et 1890 : ministre des Postes dans le cabinet Brisson, de l'Intérieur dans les cabinets Freycinet, Tirard et Bourgeois, il est garde des Sceaux en 1898 en pleine affaire Dreyfus, dans le gouvernement Brisson, marqué par l'affaire du « faux » dû au colonel Henry. À partir de 1902, durant le ministère Combes, il est président de la Délégation des gauches : cette institution originale formée de délégués élus par leurs groupes parlementaires sert d'organe directeur à la coalition gouvernementale du Bloc des gauches. Vice-président de l'Assemblée, il est appelé en 1906 à former le gouvernement. Il y nomme des figures marquantes (Poincaré aux Finances ; Clemenceau et Briand - ministres pour la première fois -, respectivement à l'Intérieur et aux Affaires étrangères), et lui-même paraît effacé. Son œuvre n'est pourtant pas négligeable : application libérale de la loi de séparation des Églises et de l'État, défense des libertés syndicales, projet d'impôt sur le revenu. Mais fatigué et malade, Sarrien cède bientôt le pouvoir à Clemenceau, dont il a favorisé la grande rentrée politique.

Personnage moqué malgré ses qualités (les mots de Clemenceau sont cruels : « Ça ?... Rien » ; « La borne à laquelle on attache le char de l'État »), Sarrien est le type même du républicain modéré, apôtre du régime de la représentation, qui, sans avoir adhéré au Parti radical, fondé en 1901, incarne le radicalisme des petits notables ruraux, tel que l'a décrit Albert Thibaudet.

Sartine (Antoine Raymond Jean Gabriel de),

comte d'Alby, homme politique (Barcelone 1729 - Tarragone 1801).

Fils d'un intendant français de Catalogne au service de Philippe V, Sartine devient conseiller au Châtelet en 1752, lieutenant criminel en 1755, puis lieutenant général de police de Paris en 1759, fonction qu'il occupe pendant quatorze ans. Il fonde alors la police moderne. Le « cabinet noir » préfigure les Renseignements généraux, et ses services veillent sur la capitale : approvisionnement de la ville, amélioration de l'éclairage et nettoiement des rues, fermeture des tripots, ouverture de maisons de jeu taxées au profit du fisc.