Mun (Albert, comte de),
théoricien politique (Lumigny, Seine-et-Marne, 1841 - Bordeaux 1914).
Le principal porte-parole du catholicisme social au tournant des XIXe et XXe siècles est issu de l'aristocratie légitimiste. Élève de l'École militaire de Saint-Cyr (1860), officier en Algérie, il est fait prisonnier à Metz (1870) et détenu à Aix-la-Chapelle, où il rencontre René de La Tour du Pin. Libéré, il participe au printemps 1871 à la répression de l'insurrection ouvrière, révolutionnaire et anticléricale de la Commune de Paris. Cet épisode le convainc de la nécessité d'une régénération de la classe ouvrière par le catholicisme et l'oriente vers la réflexion sociale - issue des conférences Saint-Vincent-de-Paul, organisées à partir de 1833 par Frédéric Ozanam et Jean-Léon Le Prévost, et du Cercle des jeunes ouvriers, créé en 1864 par Maurice Maignen - et la théorie politique contre-révolutionnaire et antilibérale prônée par le député catholique de Belfort Émile Keller. En décembre 1871, aux côtés de La Tour du Pin et Maignen, il fonde l'œuvre des Cercles catholiques ouvriers. Appuyés par les milieux légitimistes et l'épiscopat, les Cercles catholiques, dont Albert de Mun est devenu secrétaire général, connaissent un rapide développement : on en compte 150 regroupant 18 000 membres (dont 12 000 ouvriers) en 1875, et 375rassemblant 45 000 membres (dont 38 000 ouvriers) en 1878.
Candidat catholique et légitimiste aux élections de 1876 à Pontivy (Morbihan), de Mun y est constamment réélu jusqu'en 1893. Il participe, à ce titre, à la direction politique du parti monarchiste, depuis l'échec de la dissolution décrétée par Mac-Mahon, le 16 mai 1877, jusqu'à la mort du prétendant Henri V, comte de Chambord (1883), et aux velléités boulangistes de son successeur, Philippe VII, comte de Paris. Rallié à la République à la demande du pape Léon XIII (encyclique Au milieu des sollicitudes, 1892), il est battu en 1893 à Pontivy, mais retrouve dès 1894 un siège de député, sous l'étiquette de « catholique rallié », et contribue avec Jacques Piou à la naissance de l'Action catholique et populaire ; il prend le parti de l'armée lors de l'affaire Dreyfus.
Conforté dans son catholicisme social par l'enseignement de Léon XIII (tel que l'exprimait l'encyclique Rerum novarum, 1891), attaché au développement de l'Action catholique de la jeunesse française (ACJF), il se retire progressivement du débat politique et social, est élu en 1897 à l'Académie française et publie un volume de Mémoires, Ma vocation sociale (1908).
Munich (accords de),
accords signés le 30 septembre 1938 par la France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne et l'Italie reconnaissant les revendications de Hitler sur la Tchécoslovaquie.
Engagé dans une succession de coups de force qui l'ont conduit à remilitariser la Rhénanie (mars 1936) puis à mettre fin à l'indépendance de l'Autriche (Anschluss, mars 1938), Hitler annonce en mai 1938 sa volonté d'annexer la région tchécoslovaque des Sudètes, où vivent 3,2 millions de germanophones. La paix en Europe est menacée, puisque, depuis 1935, la Tchécoslovaquie est l'alliée de la France et de l'URSS. Malgré une médiation de la Grande-Bretagne, Hitler confirme son projet à l'automne. En conséquence, le gouvernement français d'Édouard Daladier commence à mobiliser. C'est dans ce contexte que Mussolini propose de réunir les représentants de la France, de la Grande-Bretagne, de l'Italie et de l'Allemagne, pour dénouer la crise. La rencontre a lieu à Munich : Hitler obtient satisfaction. Les démocraties, qui n'ont pas contesté l'exclusion de la Tchécoslovaquie et de l'URSS des négociations, reconnaissent à l'Allemagne le droit d'annexer le territoire des Sudètes. Le Premier ministre britannique Arthur Neville Chamberlain est resté fidèle à sa « politique d'apaisement ». Les velléités de fermeté d'Édouard Daladier cèdent vite le pas devant le souhait, majoritaire dans la classe politique comme dans l'opinion, d'éviter la guerre par tous les moyens. De fait, à son retour, les accords sont approuvés par 537 députés contre 75, et, comme le révèle un sondage d'alors, 57 % des Français se disent favorables à la politique suivie à Munich. Valeur traditionnelle de la gauche et des radicaux, le pacifisme devient majoritairement le fait de la droite, poussée à des compromis avec l'expansionnisme hitlérien par peur de la « menace bolchevique » ; la condamnation des accords de Munich par quelques personnalités de droite, tels Paul Reynaud, Georges Mandel ou Henri de Kérillis, reste très isolée. À gauche, par antifascisme comme par solidarité avec l'URSS, les communistes sont « antimunichois », mais certains syndicalistes de la CGT comme les partisans de Paul Faure à la SFIO s'en tiennent à un pacifisme intégral.
Malgré un ressaisissement de la France et de l'Angleterre dès le début de l'année 1939, Hitler dépèce la Tchécoslovaquie, conclut un pacte avec l'Union soviétique et s'attaque à la Pologne : la guerre éclate le 3 septembre 1939. En France, le clivage entre munichois et antimunichois préfigure celui qui opposera, entre 1940 et 1944, collaborateurs, résistants et attentistes. Après la guerre, les accords de Munich, symbole de la lâcheté des démocraties face à Hitler, discréditent durablement le pacifisme.
Murat (Joachim),
maréchal de l'Empire, roi de Naples (Labastide-Fortunière, aujourd'hui Labastide-Murat, Lot, 1767 - Pizzo, Calabre, 1815).
Beau-frère de l'Empereur, Murat est l'une des figures les plus flamboyantes de la légende napoléonienne. Son extraordinaire ascension sociale s'inscrit dans les profonds changements intervenus au cours de la Révolution et de l'Empire.
Fils d'aubergiste, Murat fait ses études au collège de Cahors puis au petit séminaire de Toulouse, d'où il est renvoyé en 1787. Il s'engage alors dans le 12e régiment de chasseurs à cheval des Ardennes et connaît un début de carrière cahotique jusqu'en 1792. À partir de cette date, il gravit rapidement les échelons de la hiérarchie : maréchal des logis en mars 1793, chef d'escadron en mai. Lors de l'insurrection du 13 vendémiaire, il apporte une aide précieuse à Bonaparte contre les royalistes : le destin des deux hommes est désormais lié. Campagne d'Italie, campagne d'Égypte, 18 Brumaire : Murat, devenu général, est présent partout, soldat talentueux, diplomate à l'occasion, homme de confiance de Bonaparte. En février 1800, il épouse la plus jeune sœur du Premier consul, Caroline, avant de partir comme commandant de la cavalerie pour la deuxième campagne d'Italie : le Grand-Saint-Bernard, Milan, Marengo. Il acquiert ainsi une expérience des affaires italiennes, qu'il mettra à profit plus tard. La paix revenue, il s'affirme comme l'une des personnalités les plus en vue du nouveau régime, cumulant charges et honneurs : membre du Corps législatif, gouverneur de Paris, maréchal de l'Empire en 1804. Il mène grand train et prend sa part au faste de la vie parisienne. Mais la légitimité fondamentale de l'Empire repose sur la guerre. À la tête de la cavalerie, Murat participe à toutes les batailles aux côtés de Napoléon : Ulm, Austerlitz, Vienne, Iéna, Varsovie, et Eylau, où il mène une charge légendaire qui assure la victoire. Pour ses services et en raison de son appartenance à la famille impériale, il est fait par Napoléon roi de Naples et de Sicile en 1808. Attaché à l'Italie, soutenu par son épouse, il administre au mieux son royaume. Puis, c'est à nouveau la guerre : Borodino, Moscou, la retraite de Russie, qu'il dirige un temps avant de rejoindre Naples, la campagne d'Allemagne. Après Leipzig, Murat sent le vent tourner. Pour sauver sa couronne, il signe la paix avec l'Autriche et fait sortir Naples de la tutelle impériale (janvier 1814). Mais il se range aux côtés de Napoléon lors des Cent-Jours, conduisant les troupes napolitaines jusqu'au Pô, avant d'être battu à Tolentino (mai 1815). Déchu, il rentre en France et tente en octobre un débarquement en Calabre pour rétablir son autorité. Trahi, fait prisonnier, il est exécuté par les troupes de Ferdinand IV. Ce « brave des braves », selon les mots de Garibaldi, a laissé sa marque dans l'épopée impériale, en France comme en Italie.