Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

chouannerie, (suite)

Une guerre contre-révolutionnaire complexe.

• Globalement, trois grandes étapes se détachent. De la fin de 1793 au printemps de 1795, en une suite de guérillas locales, les bandes terrorisent les campagnes, mais elles ne peuvent rien contre les villes. Puisaye réussit à créer une coordination, qu'il fait reconnaître en Angleterre. Cependant, son adjoint Cormatin négocie avec la République, au traité dit « de La Mabilais » (23 avril 1795). Du printemps de 1795 au printemps de 1796, cette paix incomplète - Cadoudal ne la respecte pas - est troublée par le débarquement de Quiberon, dont l'échec cuisant désunit les insurgés. Hoche, par habileté militaire et politique, obtient la reddition de certains chefs (Cadoudal, Guillemot), et réduit les autres (en même temps qu'il vient à bout de Charette et de Stofflet). Les royalistes modérés espèrent accéder au pouvoir par le jeu politique. Mais après le coup d'État de fructidor (4 septembre 1797), la répression sévit à nouveau, entraînant la reprise des hostilités et la renaissance d'une chouannerie. Celle-ci regroupe autour de leurs chefs des combattants qui n'avaient jamais été vraiment soumis, ainsi que de jeunes nobles arrivés clandestinement par la mer. Autour de Cadoudal, Frotté, Scépeaux, elle s'étend à tout l'Ouest et lance de véritables actions coordonnées. Mieux organisées, les bandes attaquent de grandes villes (Saint-Brieuc, Le Mans, Nantes...) à l'automne 1799, lors d'opérations qui devaient être articulées à une offensive généralisée sur les frontières.

Le coup d'État du 18 brumaire et la « pacification armée » de Bonaparte rompent cet élan. Les armées chouannes sont vaincues, et le concordat de 1801 les prive d'argument religieux. La chouannerie s'enfonce dans le brigandage. La pacification n'est pas achevée en 1814, lorsque les Cent-Jours relancent la guérilla. En 1832, une mobilisation politique autour de la duchesse de Berry réveille des cadres militaires en sommeil, mais sans vraie vigueur.

Un enjeu de mémoire.

• La chouannerie laisse derrière elle des souvenirs complexes. Les érudits partisans de la « celtomanie » s'en saisissent et l'inscrivent progressivement dans la « matière bretonne » dès le début du XIXe siècle. Les romantiques (Balzac et ses Chouans), tout comme les peintres, la requièrent dans leur goût pour l'exotisme et l'histoire immédiate. Les hommes politiques préfèrent, jusque dans les années 1850, oublier l'indépendance chouanne, les actes de brigandage, avant de redécouvrir l'usage populiste qu'il est possible d'en faire contre l'État laïque et républicain. Dans le courant du XXe siècle, on amalgame fréquemment chouannerie et Vendée, les connotations romanesques liées à la chouannerie l'emportant dans notre imaginaire national.

Christine de Pisan (

ou Pizan), femme de lettres (Venise, vers 1365 - ? vers 1430).

Elle est la fille de l'astrologue bolonais de Charles V. Cette familiarité avec le pouvoir lui inspire plusieurs ouvrages d'histoire : Livre des faits et bonnes mœurs du sage roi Charles V (1405) ; Lamentation sur les maux de la guerre civile (1420) ; Livre de paix (1412) ; ou encore Livre de la mutation de fortune (1403), qui constitue, à bien des égards, une réflexion sur la philosophie de l'histoire. Néanmoins, ce sont ses malheurs privés (veuvage dès 1390 et, donc, situation matérielle précaire) qui l'amènent indirectement à occuper une place originale dans la mémoire collective. En effet, si Christine reste dépendante de la tradition - thèmes empruntés à la poésie courtoise, formes fixes -, sa conscience de représenter un douloureux cas particulier détermine un ton personnel qui débouche sur la défense de la condition féminine. L'Épître au dieu d'amours (1399) marque ainsi le début de la querelle du Roman de la Rose : les idéologies courtoise et ovidienne sont dénoncées en tant qu'elles participent d'un ordre instauré par les hommes et pour les hommes. Suivront divers textes qui, tels le Dit de la rose (1400), la Cité des Dames (1405) ou le Livre des trois vertus, peuvent valoir à Christine le titre de première « féministe ». À la merci des commandes que lui passent les grands, condamnée au succès, elle est aussi la première femme écrivain professionnelle consciente d'exercer un métier. Auteur d'une vingtaine d'ouvrages, elle fait soigneusement copier et diffuser sa production. Sa dernière œuvre, le Ditié en l'honneur de la Pucelle (1429), résume bien son originalité : en prise avec l'actualité (la levée du siège d'Orléans), Christine de Pisan y célèbre une figure de femme exemplaire.

Chrodegang ou Rotgang (saint),

réformateur de l'Église franque (Hesbaye, Brabant belge, vers 712 - Metz 766).

Issu d'une grande famille d'Austrasie, Chrodegang est d'abord chancelier de Charles Martel, puis évêque de Metz (742). En 748, il fonde, en Lorraine, l'abbaye de Gorze, qui deviendra un grand foyer de la réforme monastique aux Xe et XIe siècles. Proche de Pépin le Bref, il fait partie de ceux qui l'encouragent à imposer la dynastie carolingienne (751). En juin 754, Chrodegang est choisi par le pape Étienne II pour succéder à saint Boniface en tant que légat en Gaule. Il poursuit alors la réforme de l'Église désirée par Pépin et par le pape, qui souhaitent tous deux renforcer et uniformiser les structures ecclésiastiques du royaume franc. À ces fins, il convoque régulièrement des conciles (755-757, 762) qui rassemblent, en présence du roi, les dignitaires ecclésiastiques des provinces septentrionales. Ces conciles réaffirment l'autorité des évêques et des métropolitains, et instituent le principe de la dîme, destinée à compenser la perte des biens ecclésiastiques sécularisés par Charles Martel. Par ailleurs, Chrodegang fait de Metz la capitale de la réforme de la vie canoniale et de la liturgie. S'inspirant de la règle bénédictine, il rédige, pour les clercs de sa cathédrale, une règle qui promeut la vie commune et la pauvreté personnelle. Il favorise l'adoption de la liturgie romaine, et encourage l'usage d'un nouveau chant liturgique, le plain-chant, appelé plus tard « chant grégorien ». Chrodegang est inhumé à Metz, aux côtés de saint Arnoul, ancêtre de Pépin, et se trouve ainsi symboliquement associé dans la mort à la royauté carolingienne.