scrutin, (suite)
Un moyen de contrôle.
• Les incertitudes et les excès de la période révolutionnaire conduisent, au XIXe siècle, à des tentatives de contrôle de la représentation nationale. Aussi, jusqu'en 1848, superpose-t-on les collèges électoraux. Trois degrés sous l'Empire, quand le suffrage est universel, deux sous les monarchies, quand il redevient censitaire, permettent de filtrer le corps électoral par réductions successives afin de faire primer les choix personnels sur les questions politiques. Les idées qui président à l'avènement définitif du suffrage universel masculin (5 mars 1848) imposent un changement de méthode à une classe politique animée du même souci. Le Second Empire, la IIIe République à ses débuts, ou lorsqu'elle est en crise après l'affaire Boulanger (1889), optent pour le scrutin d'arrondissement. Le caractère uninominal de ce dernier personnalise l'élection et dénature le suffrage universel ; l'exiguïté de la circonscription, dont la délimitation est laissée à la discrétion du gouvernement, facilite les pressions, crée des dépendances, et assure la prédominance des personnalités locales ; enfin, le jeu des candidatures multiples permet la composition artificielle de majorités. Parfois, des sursauts libéraux se produisent : sous la IIe République, puis en 1871 et en 1885. Le contrôle s'assouplit ; le scrutin devient « de liste » et départemental. Ce ne sont là qu'épisodes : ils laissent subsister l'affirmation que les modes de scrutin ont édifié la « France des notables ».
Une doctrine.
• Mais les forces politiques changent et, avec elles, les idées. À l'orée du XXe siècle, à droite comme à gauche, le scrutin majoritaire, jusque-là seul connu, fait l'objet de critiques acerbes : sa personnalisation interdit l'émergence de véritables groupes politiques structurés à partir de programmes, et son principe prive de représentation les opinions minoritaires. Pour structurer l'action politique et réaliser enfin les conditions du jeu parlementaire, il faut construire des partis ... et tous, les représenter. Une autre technique électorale doit s'appliquer, c'est la représentation proportionnelle (« RP »), mise au point par le mathématicien belge Hondt à la fin du XIXe siècle. La question divise l'opinion, bientôt partagée entre « erpéistes » et « antierpéistes ». En 1919, une loi Dessoye transige en combinant scrutin de liste départemental et systèmes majoritaire et proportionnaliste. L'expérience s'achève en 1927 avec le retour au scrutin d'arrondissement.
L'esprit démocratique qui anime la Constitution de 1946 conduit ses auteurs à revenir à la « RP » : la doctrine républicaine impose l'équité. Mais la représentation des extrêmes compromet l'émergence de majorités solides, et la doctrine se retourne contre le régime. En 1951, un nouveau compromis complique le scrutin proportionnel par le système des apparentements ; la réforme sauve provisoirement le régime. Mais la question revient en 1958. Or, la leçon de l'histoire est claire : l'efficacité exige des majorités. On rétablit donc pour les législatives un scrutin majoritaire et uninominal, qui devient l'emblème des nouvelles institutions. Puis le succès électoral des partis de gauche en 1981 impose, en 1985, l'adoption de la « RP », jusqu'à ce que la droite, revenue aux affaires en 1986, dicte le retour au statu quo ante.
Au fil des ans, le volume des débats sur le mode de scrutin est devenu le baromètre de la santé politique d'une démocratie. Depuis 1793, la sagesse des constituants leur dicte de ne plus enfermer les dispositions électorales dans les textes constitutionnels.