Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
B

bonapartisme, (suite)

Louis Napoléon Bonaparte échoue dans ses tentatives de coups de force, à Strasbourg en 1836, à Boulogne en 1840. Toutefois, ses écrits renouvellent la doctrine bonapartiste : en 1832, ses Rêveries politiques visent à réconcilier l'autorité et la liberté, et affirment sa fidélité à la souveraineté populaire ; en 1839, dans Des idées napoléoniennes, il défend le principe des nationalités, et souligne les capacités de progrès du genre humain, progrès qui peuvent être encouragés par un gouvernement détenteur d'une réelle autorité, grâce au plébiscite populaire, mais respectueux de l'égalité et de la liberté individuelle. Véritable manifeste bonapartiste, cet ouvrage inscrit ce courant politique dans une opposition de gauche au régime de Juillet. Du reste, en 1844, Louis Napoléon s'attire des sympathies saint-simoniennes en publiant De l'extinction du paupérisme, où il dénonce les méfaits du libéralisme économique. En dépit de cette résurrection doctrinale et de l'essor de la légende napoléonienne, le bonapartisme connaît alors un effacement sur la scène politique. Pourtant, 1848 est l'occasion d'un retour au pouvoir.

L'ambiguïté du bonapartisme au pouvoir.

• Aux élections d'avril à l'Assemblée constituante, Louis Napoléon ne fait pas officiellement acte de candidature. Mais il bénéficie de la propagande d'un comité napoléonien formé à la hâte : il recueille ainsi 4 % des voix en Charente-Inférieure, tandis que trois autres neveux de Napoléon Ier sont élus sur des listes républicaines. Le succès de Louis Napoléon est incontestable lors des élections complémentaires de juin : il est élu dans quatre départements, dont celui de la Seine, où il a fait campagne sur un programme destiné à séduire les couches populaires. En revanche, c'est avec un discours propre à rallier les conservateurs que son élection est confirmée dans cinq départements en septembre 1848.

Dès lors, s'affirme l'ambiguïté du bonapartisme de Louis Napoléon. L'élection présidentielle du 10 décembre 1848 en apporte un nouveau témoignage : la paysannerie, nourrissant toujours une fervente admiration pour Napoléon, soutient massivement ce candidat au nom célèbre qui lui permet de voter contre une République décevante tout en s'émancipant de la tutelle des notables ; or ces derniers accordent également leurs suffrages à Louis Napoléon, puisqu'il est le candidat du parti de l'Ordre. Mais, désirant se maintenir au pouvoir au-delà de son mandat présidentiel, le prince se montre fidèle à une autre caractéristique du bonapartisme : le coup d'État du 2 décembre 1851 s'inscrit dans la droite ligne de celui du 18 brumaire et permet, un an plus tard, le rétablissement d'un Empire autoritaire. Jusqu'en 1870, celui-ci est soutenu par les ruraux, satisfaits de la hausse des prix agricoles, aussi bien que par les notables, soucieux du maintien de l'ordre.

Ainsi, même sous le Second Empire, en raison de cette ambiguïté, le bonapartisme ne peut être défini que comme une fidélité à la quatrième dynastie. Politiquement, du fait du ralliement des notables, il est rejeté vers la droite mais il reste partagé entre diverses tendances : le duc de Morny se montre favorable à un bonapartisme économiquement libéral et socialement conservateur, qui obtient, par la suite, le soutien d'Émile Ollivier ; l'impératrice Eugénie, Eugène Rouher et Bernard Adolphe Granier de Cassagnac prônent un bonapartisme autoritaire, d'esprit contre-révolutionnaire ; enfin, le prince Napoléon Jérôme demeure le chef de file d'un bonapartisme populaire, jacobin et anticlérical. Quant à l'empereur, qui n'hésite pas à exiler les opposants politiques, il ne reste fidèle qu'en théorie aux doctrines définies dans ses œuvres de jeunesse. La chute de l'Empire ne met pas totalement fin à ces divisions.

Les bonapartismes en République, ou la fusion dans la droite conservatrice.

• Les débuts de la IIIe République constituent, en définitive, la seule période où il existe réellement un parti bonapartiste : il est organisé en 1872 par Rouher, et servi par une presse virulente, dont le Pays et l'Ordre. Le nom même du groupe parlementaire bonapartiste, « L'appel au peuple », résume à lui seul son programme : le plébiscite est l'instrument de légitimation du pouvoir. Le prince impérial, fils de Napoléon III, y adhère pleinement, convaincu de la nécessité de combattre le parlementarisme et de fonder le gouvernement sur la religion, l'armée, la magistrature et la propriété. Après sa mort, en 1879, un bonapartisme populaire s'exprime, sous l'influence du prince Napoléon Jérôme, qui s'allie aux républicains, puis engage des négociations avec le général Boulanger. Mais la tendance conservatrice et autoritaire l'emporte, incarnée par le prince Victor, fils de Napoléon Jérôme. La mort de ce dernier, en 1891, permet une réunification du mouvement, qui n'échappe pas, pour autant, à une lente disparition : en 1893, il ne compte plus que treize députés, l'échec électoral du baron Eschassériaux dans son fief bonapartiste des Charentes ayant valeur de symbole.

Le bonapartisme se fond de plus en plus dans la droite nationaliste, tout en conservant quelques élus après 1919. En 1940, pour éviter toute récupération par l'extrême droite, le prince Louis dissout définitivement toutes les organisations bonapartistes. Mais les historiens débattent aujourd'hui encore d'éventuels liens entre le bonapartisme et le gaullisme.

Boniface (Winfrith, saint),

évangélisateur de la Germanie et réformateur de l'Église franque (Kirton, Wessex, vers 675 - près de Dokkum, 754).

Boniface est un Anglo-Saxon baptisé sous le nom de Winfrith. D'abord moine dans le Wessex, il souhaite participer à la conversion des peuples germaniques installés au-delà du Rhin. Après une première tentative infructueuse, il se rend à Rome en 719, où le pape Grégoire II lui impose le nom de Boniface, définit le cadre de sa mission, « la conversion de la Germanie », et le recommande à Charles Martel. Fait évêque en 722, il n'a pas de siège fixe. Durant les années 720-730, il fonde de nombreux monastères destinés à devenir des centres de rayonnement de la foi chrétienne et les points d'appui de l'évangélisation. En 732, la dignité archi-épiscopale lui est conférée. Elle fait de lui le chef de l'Église de Germanie. À partir de 741, date de l'accession au pouvoir de Pépin le Bref (auquel il confère l'onction royale en 751, légitimant ainsi son pouvoir) et de Carloman, il est appelé à réformer l'Église franque tout en poursuivant la lutte contre les pratiques païennes : il restaure la discipline ecclésiastique en chassant les clercs indignes, renforce la hiérarchie épiscopale et s'efforce de reconstruire la géographie ecclésiastique en promouvant le rôle des métropoles. Afin de consolider définitivement son œuvre en Bavière, il fonde, en 742, les trois évêchés de Würzburg, Büraburg et Erfurt, puis l'abbaye de Fulda. C'est de là qu'il part pour tenter de convertir les Frisons, mission au cours de laquelle il trouve le martyre. Son corps est enterré à Fulda.