Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
T

tournois,

monnaie médiévale devenue progressivement la monnaie de compte du royaume.

Denier d'argent frappé à l'abbaye Saint-Martin de Tours, entre le VIIIe et le XIIIe siècle, le tournois est très répandu au Moyen Âge. Après la conquête de la Touraine par Philippe Auguste (1205), l'atelier de frappe de Tours devient un atelier royal, mais le tournois subsiste aux côtés des autres monnaies du royaume, denier parisis (plus fort d'un cinquième) ou denier provinois. En 1266, devant l'essor des échanges commerciaux, Louis IX décide la création du « gros tournois » d'argent, ou « gros », valant douze deniers tournois. Dès lors, le tournois d'un denier devient une monnaie d'appoint, monnaie de billon qui disparaîtra au XVIIe siècle. Afin de lutter contre l'anarchie monétaire et de faire prévaloir la monnaie royale, Louis IX fait également de la livre tournois - non matérialisée par des pièces - l'unité de compte officielle du royaume. Devenue l'unique monnaie de compte à la disparition de la livre parisis (1667), la monnaie tournois est définitivement remplacée par le franc durant la Révolution.

Tournon (François de),

cardinal et homme politique (Tournon, Ardèche, 1489 - Saint-Germain-en-Laye 1562).

Chanoine à 12 ans, archevêque d'Embrun à 28, puis de Bourges quelques années plus tard, grand esprit et habile négociateur, il exerce une très grande influence sous le règne de François Ier. Il signe le traité de Madrid (1526), par lequel il obtient la liberté du roi, prisonnier de Charles Quint depuis la bataille de Pavie (1525), prend une part active au traité de Cambrai (1529), qui ramène pour un temps la paix, et négocie le mariage de François Ier avec Éléonore d'Autriche (1530), ce qui lui vaut l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés et le chapeau de cardinal. Ce grand protecteur des arts et des lettres verse aussi dans l'art militaire : lieutenant général, il repousse les troupes de Charles Quint en Provence et signe la paix de Nice (1538). Écarté du pouvoir par Henri II, qui le nomme ambassadeur à Rome (1547-1559), où il est fait archevêque de Lyon, il retrouve son crédit sous François II et Charles IX. Très hostile à la Réforme, il fonde à Tournon un collège dont la direction est confiée à des jésuites et se montre très intransigeant lors du colloque de Poissy (1561), réuni pour tenter de rétablir la concorde entre protestants et catholiques.

Tours (congrès de),

congrès national du parti socialiste SFIO, tenu du 25 au 30 décembre 1920, qui consacre la rupture historique entre les familles socialiste et communiste, désormais rivales.

La SFIO au lendemain de la Grande Guerre.

• La SFIO d'avant 1914 avait connu des débats doctrinaux difficiles portant sur les rapports entre les perspectives révolutionnaires à long terme et les nécessités de l'action immédiate, législative et parlementaire ; mais elle était toujours parvenue à maintenir son unité, grâce notamment à Jean Jaurès. Cependant, le déclenchement de la Grande Guerre avait mis en lumière l'incapacité des socialistes à peser dans le sens du maintien de la paix, et l'horreur provoquée par l'hécatombe de 1914-1918 avait suscité un sentiment pacifiste généralisé et aiguisé la volonté de mettre fin au système capitaliste, considéré comme responsable du massacre. Toutefois, la révolution russe d'octobre 1917 n'avait pas été immédiatement perçu comme un modèle applicable à la France. En effet, le mouvement ouvrier et socialiste français, tout en proclamant son attachement à la révolution prolétarienne, ne faisait guère référence à la pratique centralisée, autoritaire et violente des bolcheviks. La SFIO, d'une part, donnait la priorité à une action politique qui, combinant le combat électoral et parlementaire avec une action d'éducation des masses, aboutirait à une démocratisation de la société, prélude à l'appropriation collective des moyens de production. D'autre part, une tradition propre au mouvement syndical, incarné par la Confédération générale du travail (CGT), prônait la transformation de la société par un moyen spécifiquement ouvrier, la grève générale. Or, les deux formations subissent au lendemain de la Grande Guerre un cuisant échec : aux élections générales de novembre 1919, le parti socialiste recueille 23 % des suffrages et n'obtient que 68 élus. Par ailleurs, la vague de grèves, qui culmine au printemps de 1920, ne débouche sur aucun résultat et affaiblit le mouvement ouvrier, laminé par une sévère répression.

Pour ou contre la IIIe Internationale ?

• Ce double échec survient alors que le recrutement du parti se renouvelle profondément, les nouveaux adhérents, plus jeunes, subissant plus fortement l'attraction du bolchevisme. À partir de 1920, le parti socialiste se divise sur la question de l'adhésion à la IIIe Internationale, créée par les bolcheviks en 1919, et destinée à remplacer la IIe Internationale, accusée de réformisme et d'impuissance face à la guerre. Au début de 1920, une majorité se déclare en faveur d'une « reconstruction » de l'organisation par la fusion des éléments de la IIe Internationale « restés fidèles au principe de la lutte des classes » et des partisans de la révolution bolchevique. Dans le courant de l'été 1920, deux des « reconstructeurs », le secrétaire général du parti, Ludovic Oscar Frossard, et le directeur de l'Humanité, Marcel Cachin, envoyés à Moscou pour négocier l'adhésion à l'Internationale communiste, prennent connaissance des « 21 conditions » requises pour y être admis. Soumission des militants et des parlementaires à l'autorité d'un organe central faisant régner une « discipline de fer », création d'une direction clandestine à côté de l'organisation légale, exclusion des réformistes, noyautage des syndicats, agitation antimilitariste : ces pratiques orientées vers des modes d'action radicaux vont à l'encontre de celles de la SFIO, décentralisée et ouverte à la discussion démocratique. Au cours des mois suivants, plusieurs positions s'affrontent au sein du parti. Frossard et Cachin, soutenus par une majorité, sont favorables à l'adhésion : outre la fascination qu'exerce sur eux le premier exemple mondial de pouvoir prolétarien, ils estiment que la IIIe Internationale peut offrir un cadre à la reconstruction et ne prennent guère au sérieux les « 21 conditions ». Cependant, Jean Longuet, petit-fils de Karl Marx et militant très respecté, propose d'adhérer en émettant des réserves, notamment sur la possibilité d'expression des minorités au sein du parti. Mais, quand le congrès s'ouvre, les jeux sont déjà faits. Au cours des débats, un télégramme de l'Internationale jette l'exclusive contre Longuet, dont la motion n'obtient que 22 % des mandats, contre 69 % aux partisans de l'adhésion pure et simple - 8 % des votants s'abstenant, à la demande de Léon Blum. Ce dernier, en effet, a déclaré son attachement à la SFIO, « la vieille maison », à laquelle restent fidèles 40 000 adhérents sur les 180 000 que compte alors le parti, ainsi que la majorité des parlementaires, un grand nombre d'élus locaux et le journal le Populaire, alors que l'Humanité devient l'organe de la Section française de l'Internationale communiste (futur Parti communiste français). Un an plus tard, la scission du parti est suivie par la rupture de l'unité syndicale : les éléments procommunistes de la CGT se séparent de celle-ci pour former la Confédération générale du travail unitaire (CGTU).