Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
B

bâtard. (suite)

Une marginalisation sociale croissante.

• Dans la seconde moitié du XVIe siècle, le renforcement de l'autorité paternelle, encouragé par la monarchie évoluant vers l'absolutisme, entraîne un durcissement de la législation, et plus encore des mentalités. L'édit de 1556 oblige à déclarer les grossesses ; l'ordonnance de Blois met fin en 1579 à la présomption de mariage en cas de grossesse, qui engageait par trop la famille du père. Les mariages sans témoin et sans consentement des parents sont interdits. L'Église de la Contre-Réforme comme les protestants luttent contre les mauvaises mœurs, et les naissances illégitimes reculent fortement au XVIIe siècle (en dessous de 1 % des naissances), avant de remonter à la fin du XVIIIe siècle (2,6 % vers 1789), lorsque se relâche le contrôle de l'Église sur la société. Les filles des campagnes séduites vont souvent accoucher en cachette en ville, abandonnant ensuite l'enfant. Le Dictionnaire de Furetière (1690) enregistre l'accentuation des degrés de déclassement : « Les bâtards des rois sont princes ; ceux des princes, gentilshommes ; ceux des gentilshommes, roturiers. »

Les bâtards royaux.

• La famille royale au XVIIe siècle pourrait sembler à contre-courant. Loin de cacher leurs bâtards, les rois les reconnaissent. Le fils d'Henri IV et de Gabrielle d'Estrées est fait duc de Verneuil ; les fils de la Montespan et du Roi-Soleil sont, l'un, duc du Maine et, l'autre, comte de Toulouse. Le duc de Saint-Simon a bien senti le sens politique de cette entorse à la morale commune. Louis XIV poursuit une stratégie d'union entre ses bâtards légitimés et des princes du sang : ainsi, Mlle de Blois, fille de La Vallière, se marie avec le prince de Conti, tandis que le duc du Maine et Mlle de Nantes, enfants de la Montespan, épousent des Condé, et que leur sœur, la seconde Mlle de Blois, est mariée à Philippe d'Orléans, le futur Régent. À cette union des sangs entre les Bourbons s'ajoute l'ascension en dignité des légitimés. Leur père crée en 1694 un « rang intermédiaire » qui les détache des duc et pairs ; puis, en 1714 et 1715, il en fait des princes du sang, avec droit à la succession à la couronne. Ce coup de force contre la tradition traduit une mythologie dynastique du sang royal.

La lente reconnaissance des « enfants naturels ».

• À l'époque des Lumières, certains, par humanitarisme ou par populationnisme, se préoccupent de l'abandon des bâtards. Au nom du droit naturel, la Convention abolit les discriminations et proclame les enfants naturels « enfants de la patrie ». Mais, pour défendre le mariage, elle interdit la recherche de paternité et diminue la part d'héritage de l'enfant adultérin. Le Code civil (1804) marque un recul en réduisant le droit à l'héritage pour tous les enfants naturels. Dans la société bienséante du XIXe siècle, l'enfant de l'amour déshonore ses géniteurs, et la bourgeoisie stigmatise le concubinage populaire, facteur de naissances illégitimes (8,7 % à la fin du siècle). Toutefois, la connivence sociale peut faire prétendre ignorer des secrets connus de tous : le duc de Morny, coqueluche du Tout-Paris, n'est-il pas le demi-frère adultérin de Napoléon III ? Le préjugé pèse longtemps sur la loi : il faut attendre 1972 pour que celle-ci place à égalité les filiations naturelles et légitimes, accomplissant enfin l'idéal de 1793.

Bathilde,

reine des Francs, sainte (en Angleterre, vers 635 - Chelles, vers 680).

D'origine anglo-saxonne, Bathilde entre comme esclave au palais du roi franc Clovis II, qui la remarque pour son intelligence et sa grande beauté et la prend pour femme en 648 ou 649. Elle lui donne trois fils et à la mort de son époux, en 657, gouverne le royaume neustro-burgonde en leurs noms avec l'aide du maire du palais, Ébroïn, ainsi que de plusieurs évêques du royaume, tels saint Éloi de Noyon et saint Ouen de Rouen. La politique « centraliste » de Bathilde et d'Ébroïn provoque des troubles en Bourgogne, qui sont réprimés de manière sanglante, Bathilde y gagnant ainsi une réputation de reine tyrannique, telle la Jézabel de l'Ancien Testament.

Pourtant, elle est aussi vénérée comme la sainte fondatrice de deux monastères qui suivent la règle de tradition colombanienne de Luxeuil, celui de Corbie et, surtout, celui de Chelles - où elle se retire vers 665 après avoir été écartée du pouvoir par Ébroïn et où elle est enterrée. C'est sans doute là aussi qu'a été composé le récit hagiographique de sa vie qui la présente à la fois comme une reine très chrétienne et comme une puissante souveraine. La tradition qui veut que la chemise de lin conservée à Chelles ait été le linceul de la reine Bathilde a été récemment confirmée par l'archéologie. Cette chemise porte des broderies qui reproduisent probablement les bijoux dont la reine se serait défaite par souci d'humilité et qu'elle aurait convertis en aumônes pour les pauvres.

Batz (Jean Pierre Louis, baron de),

homme politique et conspirateur (Tartas, Landes, 1754 - château de Chadieu, près de Vic-le-Comte, Puy-de-Dôme, 1822).

Issu d'une famille de petite noblesse originaire de Gascogne, il se rend très jeune à Versailles, où, courtisan accompli, il obtient le titre de baron en 1776 et reçoit, après une mission officielle en Espagne, un brevet de colonel de cavalerie. En 1787, fréquentant les milieux financiers, il fonde la première compagnie d'assurances sur la vie. Enrichi, il achète la charge de grand sénéchal d'épée du duché d'Albret, qui l'élit député aux états généraux de 1789. De 1790 jusqu'au début du Consulat, il s'engage dans la Contre-Révolution, manœuvrant le plus souvent dans l'ombre. Il est conseiller secret de Louis XVI, qui le rémunère, mais également président du Comité de liquidation, chargé de rembourser les créanciers de l'État, et il prélève alors des fonds qu'il verse aux émigrés. Après avoir vainement tenté de délivrer Louis XVI sur le parcours du Temple à l'échafaud et de faire évader Marie-Antoinette de sa prison, il compromet, par ses relations et des opérations spéculatives sur des fonds publics, les hébertistes et les dantonistes, qui sont exécutés en 1794 en compagnie de financiers véreux. Dénoncé à la Convention, il vit dans la clandestinité jusqu'au 9 Thermidor, puis, impliqué dans l'insurrection royaliste du 13 vendémiaire an IV (5 octobre 1795), il est arrêté, s'évade et se réfugie à l'étranger. Maréchal de camp de l'armée de Condé en 1797, il cesse toute activité en 1800. Récompensé pour ses services sous la Restauration, il finit ses jours en Auvergne.