Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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droite (suite)

Vigueur du libéralisme.• 

La droite libérale, a contrario, s'est maintenue au premier plan. En 1919, elle s'est présentée en continuatrice de l'« union sacrée » pour gagner la paix, relever le pays et le « sauver du bolchevisme », et a pu ainsi accueillir une partie des radicaux dans le Bloc national (1919-1924), qu'elle a dominé. Après la victoire du Cartel des gauches en 1924, Raymond Poincaré revient au pouvoir dès 1926. Dans les années trente, l'Alliance démocratique et la Fédération républicaine, sans jamais être majoritaires (la droite, dans son ensemble, obtient environ 45 % des voix), jouent un rôle important au pouvoir ou dans l'opposition. Bien implantées dans la bourgeoisie et la paysannerie, ces forces politiques sont attachées à l'orthodoxie économique et budgétaire, et ne manquent pas de condamner les « folies » du Front populaire. Unanimes contre le bolchevisme, elles sont divisées jusqu'en 1939 face à l'Allemagne nazie, et de 1940 à 1944 face au régime de Vichy. L'après-guerre, placé sous le signe du changement, est d'abord désastreux pour la droite classique, qui, discréditée par l'engagement pétainiste de certains de ses membres, tombe à quelque 15 % des voix, nombre de ses électeurs lui ayant préféré le MRP démocrate-chrétien.

C'est ensuite une renaissance entrecoupée de rechutes. Grâce à une conjoncture à nouveau favorable (la guerre froide, le retour progressif à la liberté économique, bientôt la rupture entre SFIO et MRP), les libéraux, rassemblés depuis 1949 dans le Centre national des indépendants, redeviennent de 1951 à 1956 une composante indispensable de la majorité parlementaire. Victorieux en 1958, dans le sillage du gaullisme, ils se divisent ensuite face à celui-ci : en 1962, tandis que le CNI, hostile à l'indépendance algérienne et au « pouvoir personnel » du chef de l'État, prend ses distances et s'engage dans une voie de plus en plus conservatrice, d'autres, réunis autour de Valéry Giscard d'Estaing, restent dans la majorité, qu'ils voudraient plus européenne et plus libérale. Ils finissent par remporter de grands succès : élection de leur leader à la présidence de la République en 1974 ; désignation de Raymond Barre comme Premier ministre en 1976 ; naissance d'une organisation plus structurée, le Parti républicain, en 1977 ; rassemblement à ses côtés de groupements issus de la démocratie chrétienne (le Centre des démocrates sociaux) et du radicalisme dans l'Union pour la démocratie française (UDF) en 1978. Il s'agit alors de prendre appui sur le « groupe central à vocation majoritaire » apparu dans la société pour mettre en œuvre un « libéralisme avancé » à contenu social. En fait, l'UDF se heurte à la concurrence néogaulliste et ne séduit guère plus d'un Français sur cinq. Valéry Giscard d'Estaing ayant perdu la présidence en 1981, on assiste ensuite à un net rapprochement avec le RPR sur la base d'une commune hostilité au « socialisme » et d'une évolution vers l'ultralibéralisme économique. Mais, en raison de la faiblesse de ses structures et de son recrutement militant, l'UDF reste moins puissante que son allié et rival. Et ce d'autant plus qu'en 2002, une partie de l'UDF, Démocratie libérale, rejoint le RPR pour fonder l'UMP (Union pour un mouvement populaire), tandis que le Parti radical, autre composante de l'UDF, a un statut de membre associé.

Du nationalisme au gaullisme.• 

Ce dernier est-il l'héritier de la droite autoritaire, aux lointaines origines bonapartiste ? Cette droite s'est incarnée entre les deux guerres dans de multiples formations, dont la crise des années trente a favorisé l'activité. Elles ont évolué dans deux directions différentes : d'une part, une radicalisation qui a pu, dans certains cas, aller jusqu'au fascisme (tel fut le cas de la Solidarité française, du Francisme ou du Parti populaire français de Jacques Doriot) ; d'autre part, un ralliement à l'action légale et électorale, qui caractérise avant tout les Croix-de-Feu du colonel de La Rocque, transformés en 1936 en Parti social français (PSF). La thématique de ce parti l'apparente à un national-populisme modéré. Son succès a contribué à l'échec du fascisme en France.

L'adhésion au vichysme et à la Collaboration d'une bonne partie de la droite extrême a entraîné sa quasi-disparition en 1945. Il lui faudra dès lors plusieurs décennies pour se reconstituer.

Mais l'année 1947 a vu l'apparition d'une force bien différente : le gaullisme. Patriote avant tout, démocrate, mais homme d'autorité, le général de Gaulle a exposé ses idées constitutionnelles dans son discours de Bayeux dès juin 1946. Le Rassemblement du peuple français (RPF), parti de masse fondé l'année suivante pour les faire prévaloir, a compté plus de 400 000 adhérents. Certains historiens ont pu y voir une ressemblance avec le PSF d'avant-guerre. Il n'a pas mieux réussi que ce dernier : la consolidation de la « troisième force », à laquelle il s'oppose, a enrayé sa progression ; et le retour de la droite libérale a provoqué son éclatement. Ce n'est qu'en 1958 que le général de Gaulle, revenu à la tête de l'État, a pu créer un régime nouveau. Celui-ci présente des traits « bonapartistes » : renforcement de l'exécutif entre les mains d'un homme qui, à partir de 1962, devra être l'élu direct du peuple et peut, dans certains cas, retremper sa légitimité par voie de référendum ; gouvernement dépendant à la fois du président de la République et d'un Parlement aux pouvoirs limités. Chef charismatique, de Gaulle fait appel à l'unité nationale, par-delà les querelles des partis, et proclame sa volonté de réaliser le progrès social par l'union des classes, aspirant ainsi à suivre une troisième voie entre libéralisme et marxisme. Le maintien d'un régime politique de type parlementaire et le respect des libertés fondamentales suggèrent un rapprochement avec la période « libérale » du Second Empire. Le gaullisme, par ailleurs, s'appuie sur un parti organisé : l'UNR, puis l'UDR. Malgré la présence d'une aile gauche, on peut le situer clairement à droite, où il trouve ses seuls alliés fidèles, les Républicains indépendants. Après le départ du Général, qui avait su attirer à lui une partie de l'électorat de gauche, une évolution conservatrice est perceptible sous la présidence de Georges Pompidou. Elle est suivie, à partir de 1974, d'un rééquilibrage de la droite, au détriment du gaullisme : malgré la création, en 1976, par Jacques Chirac, d'un parti de masse très solidement structuré (le RPR), le mouvement gaulliste n'obtient désormais guère plus de 22 % des voix aux élections législatives. Passé en 1981 d'une demi-opposition au giscardisme à un affrontement direct avec la gauche au pouvoir, le RPR se rallie au libéralisme économique, paraissant abandonner la « troisième voie » gaulliste. Au cours des années quatre-vingt-dix, enquêtes et sondages montrent que ses militants et ses électeurs sont globalement plus conservateurs que ceux de l'UDF. Des hommes tels que Philippe Séguin et Jacques Chirac ont cherché par la suite à réaffirmer la vocation sociale du mouvement gaulliste. Dans le but de renouer avec une grande formation populaire, allant de la droite au centre, le RPR avec une partie de l'UDF cède la place à l'UMP en 2002. Conçue à l'origine comme un mouvement destiné à soutenir Jacques Chirac, l'UMP est depuis 2004 dirigée par Nicolas Sarkozy.