Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Pasteur (Louis), (suite)

Avec un siècle de recul, le regard porté sur le personnage tend cependant à se modifier, sans que son importance soit pour autant remise en question. À l'image de l'homme qui incarne toutes les vertus, de l'expérimentateur scrupuleux jusqu'à la plus extrême minutie, de la conscience torturée par les risques parfois assumés, se surimpose celle d'un aventurier génial de la science qui souvent céda à des intuitions, qui, dans l'histoire de la rage, n'hésita pas à traiter en cobayes les premiers vaccinés et qui, peut-être même, n'y regarda pas de trop près pour s'assurer que les chiens qui avaient mordu les jeunes Meister et Jupille étaient bien enragés. Mais, fort de ses certitudes, Pasteur avait besoin de ces premiers succès pour faire admettre des idées qui ouvraient des perspectives infinies. De fait, c'est une dimension nouvelle que l'on reconnaît au personnage, par-delà les images d'Épinal auxquelles on a voulu longtemps l'assimiler.

pastoureaux (croisades des),

croisades populaires parties du nord du royaume en 1251, puis en 1321, qui dégénèrent en violences.

En 1251, la première croisade des pastoureaux naît en Picardie et rassemble essentiellement de jeunes bergers, sous l'égide d'un vieillard ascétique. Ils s'en prennent violemment aux nobles qui n'ont pas accompagné le roi en Terre sainte, à la hiérarchie ecclésiastique, aux frères mendiants et aux juifs. D'abord bien accueilli par les bourgeois des villes de Picardie et d'Île-de-France, le mouvement est finalement condamné par la régente Blanche de Castille en raison de sa violence et de son insoumission à l'Église : les pastoureaux se dispersent alors d'eux-mêmes ou sont massacrés à Marseille, à Bordeaux et en Angleterre.

En 1321, la seconde croisade des pastoureaux apparaît en Normandie et dans le Bassin parisien avant de gagner l'Aquitaine. Elle rassemble d'abord des bergers, hommes et femmes confondus, mais, dans le contexte de crise qui suit la grande famine de 1315-1317, de nombreux vagabonds et miséreux les rejoignent. Avec l'appui des populations locales, ces bandes se livrent alors à plusieurs massacres dans les cités méridionales, avant d'être sévèrement réprimées par les agents royaux dans les régions de Toulouse et de Carcassonne.

Ces deux mouvements témoignent de la vigueur des espérances millénaristes et de l'idée de croisade, ainsi que de la virulence de l'anticléricalisme et de l'antijudaïsme dans les populations paysannes et citadines des XIIIe et XIVe siècles.

Patrie en danger (la),

proclamation du 11 juillet 1792 qui vise à mobiliser la population contre les ennemis de la Révolution.

Le thème de « la Patrie en danger » - qui se manifeste sous diverses formes depuis 1790 - est de plus en plus présent après les défaites du printemps 1792 et, surtout, après le renvoi du ministère girondin le 13 juin, confirmé par l'échec de la journée du 20 juin durant laquelle les girondins ont tenté d'utiliser la mobilisation populaire contre Louis XVI. Le 30, le député Jean Debry présente à l'Assemblée un projet de proclamation dans lequel il énumère les mesures à prendre en cas de danger imminent : mobilisation militaire, épuration des cadres dans l'armée, répression des prêtres réfractaires... Le 3 juillet, Vergniaud approuve ce programme : il s'agit pour les girondins de reprendre l'initiative politique en provoquant une mobilisation révolutionnaire limitée, destinée à faire pression sur le roi. Le projet de Debry - adopté le lendemain - prévoit de mettre toutes les autorités en état de « surveillance permanente », de mobiliser les Gardes nationales et... institue une responsabilité collective des ministres. Après avoir soutenu le pouvoir exécutif en avril et en mai, les girondins repassent donc dans l'« opposition » et adoptent certaines des mesures réclamées par Robespierre (dont Brissot insinuait quelques jours plus tôt qu'il était un « traître à la solde de l'Autriche !). Le 9 juillet, Brissot exige que la proclamation soit effective, mais les girondins ne renoncent pas à leurs manœuvres puisque Gensonné, Guadet et Vergniaud tentent secrètement de se rapprocher du roi après la chute du ministère feuillant, le 10 juillet. Louis XVI ayant refusé leurs avances, ils choisissent l'affrontement. La proclamation de « la Patrie en danger » est votée le 11, et reçoit une forme solennelle les 22 et 23 juillet, lors de cérémonies pour l'enrôlement des volontaires. Cette proclamation ne fait pas disparaître les méfiances. Ainsi, Robespierre se demande s'il ne s'agit pas d'une manœuvre supplémentaire pour préserver un accommodement avec le roi.

Indépendamment des arrière-pensées tactiques de ses initiateurs, la proclamation de « la Patrie en danger » a provoqué une mobilisation révolutionnaire imprévue : on estime à 15 000 le nombre des volontaires parisiens enrôlés en une semaine. Elle a cristallisé un mouvement de défense qui n'attendait qu'un point d'appui au sein de l'Assemblée législative pour s'opposer aux ennemis intérieurs et extérieurs de la Révolution.

patriotisme.

Le patriotisme révolutionnaire est « l'amour sacré de la patrie ». Invoqué dans le dernier couplet de la Marseillaise, il est à la fois un sentiment qui oriente la geste révolutionnaire et une ressource d'énergie pour les soldats patriotes.

Souvent confondu avec le sentiment national, sa dimension sacrée et transcendante l'en distingue pourtant très clairement dans l'usage. En 1792, on réclame des armes au nom du droit de résistance à l'oppression pour défendre « la Patrie en danger ». C'est pour la patrie qu'on peut déclarer « la liberté ou la mort ». L'amour de la patrie semble se substituer à l'amour porté au roi souverain : la patrie serait la part sacrée de la nation souveraine, une figure de l'absolu révolutionnaire. La définition qu'en donne Roland dans sa lettre au roi du 10 juin 1792 permet d'appréhender cet « être de raison » si présent dans l'affectivité quotidienne des révolutionnaires : « La patrie n'est point un mot que l'imagination se soit complu d'embellir, c'est un être auquel on a fait des sacrifices, à qui l'on s'attache chaque jour davantage par les sollicitudes qu'il cause ; qu'on a créé par de grands efforts, qui s'élève au milieu des inquiétudes et qu'on aime autant parce qu'il coûte que parce qu'on espère. »