Maastricht (traité de),
traité signé le 7 février 1992 par les douze États membres de la Communauté européenne.
Étape clef de la construction européenne, le traité de Maastricht prévoit, entre autres, la création d'une monnaie unique européenne. Les négociations sont engagées en décembre 1990. Si l'intégration européenne est alors portée par la dynamique de l'Acte unique (1986), qui prévoit la suppression des frontières intérieures à partir de 1993, elle doit aussi s'inscrire dans un contexte géopolitique nouveau marqué par la chute du communisme à l'Est et la réunification de l'Allemagne. Le traité, qui prévoit le passage de la Communauté économique européenne (CEE) à l'Union européenne (UE), comporte deux volets principaux : l'Union économique et monétaire (UEM) établit le calendrier de la création d'une monnaie unique, fixée au plus tard à 1999, et à laquelle participeront les pays ayant respecté les critères de convergence établis par l'Institut monétaire européen, future Banque centrale de l'UE ; l'Union politique traduit la volonté des États d'adopter des positions communes dans les domaines de la défense et de la politique étrangère, ainsi que d'étendre leur coopération en matière d'affaires intérieures et de justice. La dimension politique du traité est aussi symbolisée par la création d'une citoyenneté européenne, mais son volet social, vivement souhaité par François Mitterrand, ne figure que dans un protocole annexe. Le principe de subsidiarité doit permettre de départager les compétences respectives des États et de l'Union.
Dans les différents pays de l'Union, la ratification du traité ne s'est pas faite sans difficultés ; en France, ce n'est qu'à une très faible majorité que le « oui » l'emporte à l'issue du référendum du 20 septembre 1992, malgré l'engagement personnel de François Mitterrand et le soutien du Parti socialiste, du RPR et de l'UDF. Les opposants au traité sont issus de la droite comme de la gauche, du Front national au Parti communiste, en passant par une fraction du RPR regroupée derrière Charles Pasqua et Philippe Séguin, et les fidèles de Jean-Pierre Chevènement au sein du Parti socialiste. Une rupture se dessine entre une France « intégrée » favorable à la construction européenne et une France socialement plus fragile, plus populaire et plus méfiante. Les débats se focalisent autour de la monnaie unique : les partisans du traité y voient un instrument indispensable à la puissance et à la prospérité de l'Union ; ses adversaires dénoncent la perte de souveraineté qu'elle suppose, la rigidité des critères de convergence et le triomphe d'une conception allemande de la politique économique et monétaire.
Alors que la dimension politique de l'Union peine à s'affirmer, ainsi que le montre l'impuissance de la diplomatie européenne lors du conflit yougoslave, la marche vers l'« euro » est confirmée par le Conseil européen de Madrid (décembre 1995) ; mais, en France, le clivage qui s'est dessiné autour du traité de Maastricht reste profond, comme en témoigne le rejet par référendum du projet de constitution européenne en 2005.
Mabillon (Jean),
religieux et érudit (Saint-Pierremont, Ardennes, 1632 - Paris 1707).
Fils de laboureur, poussé à l'étude par un oncle curé, Mabillon fréquente le collège de Reims, puis le séminaire, avant d'entrer chez les mauristes, rameau de l'ordre bénédictin créé en 1618 et voué à l'étude. À l'abbaye de Corbie, puis à celle de Saint-Germain-des-Prés, où il se fixe en 1664, il collabore à des éditions (Œuvres de saint Bernard, de saint Augustin, Actes des saints bénédictins...), où l'hagiographie s'enrichit de la recherche minutieuse des textes authentiques et des faits vérifiés, écartant interpolations et miracles douteux. Il définit les critères de la diplomatique (De re diplomatica, 1681), précisant les règles de la critique historique. Cette recherche de l'authenticité sans crainte des autorités établies est un trait de sa génération (il est contemporain de Spinoza), mais, à la différence de Richard Simon, dont l'Histoire critique de l'Ancien Testament fit scandale (1678), Mabillon, conseiller de Bossuet, reste dans le cadre de l'orthodoxie. Infatigable voyageur en quête de manuscrits en France comme en Italie ou en Allemagne, il polémique dans son Traité des études monastiques (1691) contre Rancé, abbé de la Trappe, qui juge le travail intellectuel inutile pour les moines. Membre de l'Académie des inscriptions et médailles (1701), dénonciateur des superstitions et des fausses reliques pour mieux défendre la foi, Mabillon a toujours uni la rigueur de l'historien à l'exigence du croyant.
Mably (Gabriel Bonnot de),
philosophe (Grenoble 1709 - Paris 1785).
Descendant d'une famille de noblesse de robe, il est le frère de Condillac. Mably ne poursuit pas ses études de théologie, préférant se consacrer à l'histoire ancienne. Il collabore avec le cardinal de Tencin, secrétaire d'État aux Affaires étrangères, dont il est parent et pour lequel il prépare des dossiers diplomatiques, mais se retire rapidement de la politique active pour retourner à ses études. Il rédige, d'une part, le Droit public de l'Europe (1748) et Des principes de négociations (1757), fruit de son expérience diplomatique, d'autre part, un Parallèle des Romains et des Français par rapport au gouvernement (1740), devenu Observations sur les Romains (1751), ainsi que des Observations sur les Grecs (1749). Sa passion pour l'histoire antique est fondée sur un idéal d'égalité et de liberté qui s'exprime sans détour dans un traité politique non publié de son vivant, Des droits et des devoirs du citoyen (1758), et dans les Entretiens de Phocion sur les rapports de la morale avec la politique (1763), dialogue philosophique entre Phocion, où l'on a voulu voir Mably lui-même, et Aristias, qui serait le marquis de Chastellux. Sa réflexion porte sur la France dans les Observations sur l'histoire de France (1765), souvent rééditées, et sur les débats contemporains les plus brûlants : critique de la propriété privée et réfutation de la physiocratie (Doutes proposés aux philosophes économistes, 1768), étude de l'« anarchie » polonaise qui avait déjà inspiré Rousseau (Du gouvernement de Pologne, 1781), étude de la révolution et de la toute nouvelle république américaines (Observations sur le gouvernement des États-Unis d'Amérique, 1784). Il redit sa foi en une vie publique débarrassée des intérêts économiques privés dans De la législation ou Principe des lois (1776), et tire les conclusions sur sa méthode dans De l'étude de l'histoire (1778) et De la manière d'écrire l'histoire (1783). Son idéal républicain et vertueux, sa dénonciation de l'aliénation provoquée par la propriété privée ont été revendiqués par les jacobins, qui voient en Mably et Rousseau les inspirateurs de la Révolution française, puis par les socialistes du XIXe siècle, qui l'ont intégré dans la tradition des utopistes dont ils se voulaient les héritiers. Mais, au-delà de ces filiations, les travaux historiques de Mably ont été au cœur des débats législatifs des états généraux de 1789 et de la Révolution.