Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Laval (Pierre), (suite)

Cependant, au printemps 1942, alors que les Allemands n'ont plus confiance en Darlan, le maréchal se résout à faire de nouveau appel à Laval pour diriger le gouvernement. Ce dernier poursuit la politique de collaboration, s'exprimant à la radio, le 22 juin 1942, en faveur de la victoire de l'Allemagne - qui lui paraît constituer un rempart contre le bolchevisme -, acceptant qu'une coopération s'instaure entre les polices française et allemande dans la répression de la Résistance, livrant à l'occupant les populations juives raflées par la police française au cours de l'été 1942. En novembre 1942, l'occupation totale du territoire par les Allemands, le sabordage de la flotte française à Toulon et le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord achèvent de le priver de toute « arme » politique vis-à-vis d'Hitler. Pourtant, il concède encore, en janvier 1943, la création du Service du travail obligatoire (STO), organisme chargé de procéder à l'envoi en Allemagne de jeunes travailleurs, et met sur pied la Milice - police supplétive de lutte contre la Résistance -, qui échappe d'ailleurs largement à son contrôle. Transféré en Allemagne, à Sigmaringen, après le débarquement allié, puis réfugié en Espagne, avant d'être remis aux autorités françaises en juillet 1945, Pierre Laval, condamné à mort au terme d'un procès hâtif et bâclé, est exécuté le 15 octobre 1945.

La Vallière (Françoise Louise de La Baume Le Blanc, duchesse de),

dame de cour et favorite du roi Louis XIV (Tours 1644 - Paris 1710).

Fille d'honneur d'Henriette d'Angleterre, duchesse d'Orléans, elle devient la maîtresse de Louis XIV en 1661. Durant les premiers temps de leur liaison, elle met autant de discrétion à cacher ses amours que Mme de Montespan, sa future rivale, mettra d'ostentation à les afficher. Favorite officielle, elle paraît ensuite aux côtés du roi dans toutes les cérémonies publiques : c'est en son honneur que sont donnés le carrousel des Tuileries en 1662 et les fêtes de Versailles en 1664. Deux de ses enfants sont légitimés : Anne de Bourbon, future princesse de Conti, née en 1666, et le comte de Vermandois, né l'année suivante.

Sa disgrâce commence en 1667, lorsqu'elle est supplantée dans le cœur du roi par Mme de Montespan. Elle assiste au triomphe de sa rivale et se voit infliger plus d'une humiliation par son ancien amant. En 1674, elle se retire au Carmel, sous le nom de Louise de la Miséricorde. Bossuet prononce une oraison à l'occasion de sa prise de voile. Louise devient sa pénitente de prédilection, et un opuscule d'édification lui est attribué, les Réflexions sur la miséricorde de Dieu. La discrétion de Louise de La Vallière, sa grâce et sa douceur ont été évoquées par Mme de Sévigné et par Saint-Simon, tandis que Dumas a raconté, dans le Vicomte de Bragelonne, l'histoire de ses amours et de sa progressive défaveur.

Laverdy (Clément Charles François de),

magistrat et homme politique (Paris 1724 - id. 1793).

Fils d'un grand magistrat, Laverdy devient avocat au parlement de Paris en 1743. Auteur d'un Code pénal en 1752, ce gallican intègre, janséniste, se fait remarquer lors du procès contre les jésuites. Cela lui vaut d'être nommé contrôleur général des Finances en 1763, en pleine crise politique. En effet, les parlementaires, et d'abord ceux de Paris, s'opposent à la politique fiscale de Louis XV en se présentant comme un rempart contre l'absolutisme. La nomination de l'un des leurs a pour but de les amadouer, pour sortir de l'impasse financière après les échecs successifs de Silhouette et de Bertin.

Sous la houlette de Choiseul, Laverdy se révèle en fait un réformateur libéral décidé. D'un côté, il poursuit la libéralisation du commerce des grains amorcée par Bertin. De l'autre, il entreprend une réforme municipale qui vise à briser les privilèges oligarchiques, supprimer les offices vénaux et rétablir les élections des corps de ville : les édits d'août 1764 et mai 1765 entendent à la fois favoriser la participation des administrés et améliorer la gestion des finances urbaines. Par ces mesures libérales, Laverdy espère faire accepter à terme une réforme fiscale. Mais il est renvoyé en 1768, quand sa politique de liberté commerciale est rendue responsable de la flambée du prix des grains. Il se retire alors sur ses terres, et se livre à des travaux érudits et à des expériences agronomiques. Accusé d'accaparement, il est exécuté en 1793.

Lavigerie (Charles Martial Allemand),

cardinal (Bayonne 1825 - Alger 1892).

Docteur en théologie en 1853, il est chargé d'un cours d'histoire ecclésiastique à la Sorbonne. À partir de 1857, il dirige l'œuvre des écoles d'Orient et, en 1860, à la suite de massacres de chrétiens par les Druzes, remplit une mission de secours en Syrie, qui lui vaut une certaine notoriété. Nommé évêque de Nancy en 1863, proche du Gouvernement, il joue un rôle croissant en matière de nominations épiscopales. En 1867, il est ordonné archevêque d'Alger et s'oppose rapidement, tant aux administrateurs des bureaux arabes qu'au gouverneur général Mac-Mahon, qui sont attachés à la neutralité religieuse et considèrent d'un mauvais œil son œuvre de prosélytisme auprès des musulmans. Le conflit s'envenime lorsque Mgr Lavigerie met en cause l'action du Gouvernement général lors de la grande famine de 1868. La fondation des Pères blancs (1868) et des Sœurs missionnaires de Notre-Dame d'Afrique (1869) lui permet alors de donner plus de poids à l'action entreprise depuis Alger. Son rôle comme chef de l'Église d'Afrique, après la réunion de l'archidiocèse de Carthage au siège d'Alger (1884), et son prestige, encore renforcé par la campagne antiesclavagiste de 1888, le désignent, aux yeux de Léon XIII, comme la personne idéale pour amorcer la politique du ralliement des catholiques français au régime républicain : c'est le sens du « toast d'Alger », porté par le cardinal Lavigerie à la fin d'un banquet organisé en l'honneur de l'escadre de la Méditerranée, le 12 novembre 1890.

Lavisse (Ernest),

historien (Le Nouvion-en-Thiérache 1842 - Paris 1922).

Ce normalien et agrégé d'histoire est remarqué par le ministre de l'Instruction publique Victor Duruy, qui le recommande comme précepteur du prince impérial (1868). Après la défaite de 1870, Ernest Lavisse part pour Berlin, où il travaille à sa thèse (1875). Enseignant à l'École normale supérieure (1876), puis professeur titulaire à la Sorbonne (1888), il se préoccupe davantage de restauration nationale que d'érudition, comme en témoignent son Histoire de France (1903-1911), dont il rédige le volume sur Louis XIV et la conclusion, et son Histoire de la France contemporaine (1921-1922). À ces ouvrages de synthèse universitaire, auxquels collaborent les historiens les plus réputés, s'ajoute le « Petit Lavisse » (1876, refondu en 1884) : utilisé par des millions d'écoliers, le manuel célèbre les destinées indissociables de la nation et de la République, car l'historien a « le devoir social de faire aimer et de faire comprendre la patrie ». Cependant, Ernest Lavisse demeure un modéré, ainsi qu'en témoigne son appel à la réconciliation à la veille de la révision du procès Dreyfus (1899). À cette époque, son influence est à son apogée : entré à l'Académie française en 1893, conseiller de Louis Liard pour la réforme des universités en 1896, il devient directeur de l'École normale supérieure en 1904. Ses multiples distinctions institutionnelles attisent les attaques convergentes de Péguy et de l'Action française (1912), qui voient en lui l'introducteur des méthodes germaniques. Mais son œuvre de propagandiste au cours de la Première Guerre mondiale le réconcilie avec ses détracteurs.