Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Pelletier (Madeleine),

intellectuelle et militante féministe (Paris 1874 - Perray, Vaucluse, 1939).

Fille de petits boutiquiers parisiens, autodidacte, Madeleine Pelletier étudie la médecine, l'anthropologie, la psychologie, la psychiatrie. Auteur d'une thèse remarquée sur l'Association des idées dans la manie aiguë et dans la débilité mentale, elle devient la première femme interne des asiles d'aliénés, en 1903. Elle milite en outre pour la justice sociale et l'émancipation politique des femmes, dans le cadre de la franc-maçonnerie, puis au sein des mouvements socialistes et féministes où elle accède à de hautes responsabilités. Propagandiste infatigable et radicale, auteur d'un nombre considérable d'articles et d'ouvrages, elle revendique notamment le droit à la liberté sexuelle des femmes (l'Émancipation sexuelle de la femme, 1911). Après le congrès de Tours (1920), elle rejoint le Parti communiste : d'abord enthousiaste - en 1921, elle se rend clandestinement en Russie -, elle finit par prendre ses distances à partir de 1926 et fréquente les milieux libertaires. La fin de son existence est tragique : frappée d'hémiplégie, poursuivie en 1939 devant les tribunaux pour avoir pratiqué des avortements, elle s'éteint dans un asile d'aliénés, seule et désespérée.

Pelloutier (Fernand),

militant syndical et théoricien du syndicalisme révolutionnaire (Paris 1867 - Sèvres 1901).

Il fait ses études à Saint-Nazaire comme interne dans une pension religieuse. Très jeune, il se lance dans le journalisme et l'action politique. D'abord républicain, il évolue vers le socialisme et adhère, en 1892, au Parti ouvrier de Jules Guesde, dont il se sépare au bout de quelques mois, n'étant pas parvenu à le convaincre des vertus de la grève générale. Attiré par les questions économiques, il participe en outre à la fondation de la bourse du travail de Saint-Nazaire. En 1895, il devient secrétaire général de la Fédération nationale des bourses du travail après s'être rapproché des anarchistes. En février 1897, il fonde la revue l'Ouvrier des deux mondes. Malgré une grave maladie et d'importants problèmes d'ordre financier, il ne cesse d'affirmer une pensée forte dans la plus grande indépendance, accomplissant au sein de la fédération un travail considérable. Le philosophe Georges Sorel, qui l'admire, parvient à lui obtenir, par l'entremise de Jaurès, un poste à l'Office du travail, qui lui permet de vivre plus décemment.

Soucieux de conserver au syndicalisme toute son autonomie par rapport à l'action politique, méfiant à l'encontre de la « geôle collectiviste », Pelloutier représente une tradition non jacobine du socialisme français. Sa haute figure morale est restée légendaire au sein du mouvement ouvrier.

Pépin II de Herstal,

maire du palais (vers 640 - Jupille 714).

Descendant de la puissante famille issue de l'alliance d'Arnoul de Metz et des Pippinides, le petit-fils de Pépin Ier de Landen reconquiert l'Austrasie vers 680, après l'assassinat de son oncle Grimoald, maire du palais, en 662. Ses immenses domaines, situés entre Rhin et Meuse, sont le fondement de son pouvoir. Pouvoir qu'il raffermit en poursuivant l'œuvre de ses ancêtres par des fondations religieuses qui lui assurent une assise spirituelle. Son mariage avec Plectrude lui permet d'étendre sa domination sur l'ensemble du territoire austrasien.

Les sources historiques font très peu mention de lui : il y est signalé en tant que duc d'Austrasie, vers 675. Opposant d'Ébroïn, maire du palais de Neustrie, il doit d'abord s'enfuir en 679. Mais, après l'assassinat d'Ébroïn (680) - auquel il n'est probablement pas étranger -, Pépin profite du trouble régnant pour écraser ses adversaires de Neustrie-Bourgogne à la bataille de Tertry (687), dans la Somme. Il réussit alors à concentrer entre ses mains les trois mairies du palais (Neustrie, Bourgogne, Austrasie), et étend sa domination à l'ensemble du regnum Francorum tout en laissant régner les Mérovingiens. À la mort du roi Thierry III (691), il place sur le trône Clovis III (691/695), puis Childebert III (695/711). Sous couvert d'une continuité dynastique, le pouvoir réel se transmet dès lors chez les Pippinides. En effet, les sources postérieures le gratifient volontiers des titres de dux, regnator, voire de princeps Francorum. Son règne est marqué par une paix relative à l'intérieur des trois royaumes et par des conflits aux frontières du Nord-Est.

Pépin III le Bref,

maire du palais puis premier roi carolingien des Francs après la déposition du dernier souverain mérovingien en 751 (Jupille 715 - Saint-Denis 768).

Fils cadet de Charles Martel, Pépin est élevé à l'abbaye de Saint-Denis. À la mort de son père (741), il doit partager le gouvernement du royaume franc avec son frère aîné Carloman : ce dernier obtient la mairie du palais d'Austrasie et le contrôle des régions orientales, et Pépin hérite de celle de Neustrie et de la domination sur la Bourgogne et la Provence. La retraite de Carloman à l'abbaye du Mont-Cassin (Italie centrale), en 747, laisse Pépin seul maître du royaume. Dès lors, il entend exercer la royauté et mettre fin au pouvoir factice des derniers rois mérovingiens. Il dispose pour cela de l'appui des aristocraties austrasienne et neustrienne et de ses proches conseillers ecclésiastiques, tels Chrodegang, évêque de Metz, Burchard, évêque de Würzburg, et Fulrad, abbé de Saint-Denis. Mais c'est le soutien du pape Zacharie, désireux d'obtenir l'aide de Pépin dans sa lutte contre les Lombards, qui le décide à déposer Childéric III en 751. Pépin se fait alors élire « roi des Francs » par les grands du royaume, puis sacrer par les évêques francs et par le légat pontifical Boniface, à Soissons. En 754, Pépin est de nouveau sacré, à Saint-Denis, par le pape Étienne II, qui lui donne en outre le titre de « patrice des Romains ». Le sacre, qu'ignoraient les rois mérovingiens, confère à la nouvelle dynastie une dimension religieuse particulière, inspirée du modèle des rois de l'Ancien Testament et des rites wisigothiques et celtiques : Pépin est roi parce qu'il a été choisi par Dieu.

Il entreprend d'abord de porter secours au pape : à la suite de deux campagnes militaires, en 754 et en 756, Pépin soumet les Lombards et accorde au pape l'exarchat de Ravenne et plusieurs villes d'Italie centrale - qui constituent le fondement de l'État pontifical. La papauté est ainsi définitivement liée au royaume franc, au détriment de l'Empire byzantin. Pépin se préoccupe ensuite de l'extension de son royaume : entre 752 et 759, il conquiert la Septimanie sur les Arabes, puis, entre 760 et 768, il met fin à l'indépendance de l'Aquitaine. À l'intérieur du royaume, il reprend la politique de réforme de l'Église franque commencée en 743-747 par son frère Carloman et par Boniface. Avec l'aide de Chrodegang, il réunit plusieurs conciles, renforce la hiérarchie épiscopale et la discipline ecclésiastique, étend la levée de la dîme à tout le royaume (756), et promeut la diffusion de la liturgie et du chant romains. Par ailleurs, il réorganise l'administration palatiale sous la direction de Fulrad, en particulier la chancellerie, confiée à des clercs, et restaure le monopole royal sur la monnaie (755). Pépin apparaît ainsi comme le maître incontesté de l'Occident chrétien.