rois fainéants, (suite)
Dans son Histoire du déclin et de la chute de l'Empire romain (publiée en 1776-1781 et traduite de l'anglais par Guizot en 1812), Edward Gibbon écrit : « Le malheur ou la faiblesse des derniers rois de la race mérovingienne avait attaché à leurs noms le titre de fainéants [...]. Toutes les années aux mois de mars et de mai, un chariot attelé de six bœufs les menait à l'assemblée des Francs... » Ferdinand Lot, quant à lui, dans la Fin du monde antique et le début du Moyen Âge (1927), affirme : « Louis XV parlait comme eût parlé un roi mérovingien, si celui-ci eût été capable de réfléchir sur la nature du pouvoir qu'il exerçait. » Le mépris à l'égard des derniers successeurs de Mérovée a longtemps été véhiculé par les manuels scolaires républicains. Même Dagobert, le « roi qui met sa culotte à l'envers », n'échappe pas à la dérision dans la chanson enfantine qui le présente comme un monarque stupide, impuissant et lâche, heureusement flanqué d'un sage conseiller en la personne de saint Éloi.
Cette image des « rois fainéants » émane directement de la propagande antimérovingienne orchestrée par les Carolingiens pour jeter le discrédit sur la dynastie précédente. Évoquant les derniers rois mérovingiens, Éginhard, le biographe de Charlemagne, écrit ainsi vers 826 : « S'il fallait aller quelque part, c'était sur un char traîné par un attelage de bœufs qu'un bouvier menait à la manière des paysans. » L'impotence des derniers successeurs de Clovis n'est pourtant pas due à leur « fainéantise », ni à la dégénérescence de leur race (comme le pensaient les historiens du XIXe siècle), mais à des circonstances historiques précises : la montée en puissance des maires du palais (famille des Pippinides) qui accaparent le pouvoir, les multiples partages du royaume franc, les guerres fratricides et les nombreuses régences causées par la minorité des rois.