Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
A

antijudaïsme, (suite)

Expulsions et exclusions.

• Le XIIIe siècle marque donc une dégradation rapide des rapports judéo-chrétiens, d'autant que les juifs, exclus de nombreuses professions, se spécialisent fréquemment dans les métiers de l'argent, ce qui renforce l'hostilité populaire à leur encontre. Les restrictions concernant leur résidence se multiplient : interdiction, à partir de 1276, d'habiter une petite ville ; obligation de regroupement dans certains quartiers à Paris (1292 et 1296). En 1289, les juifs sont chassés de Gascogne, alors possession anglaise ; la même année, une mesure similaire affecte ceux d'Anjou. En 1306, Philippe le Bel ordonne la première expulsion générale des juifs du royaume de France, qui seront néanmoins réadmis, moyennant finance, en 1315. La communauté juive continue de cristalliser les haines et les rancœurs populaires, surtout dans les périodes de crise : massacres perpétrés par les pastoureaux à Toulouse et dans ses environs (1320) ; accusation d'empoisonnement des puits avec la complicité des lépreux à Tours, Chinon et Bourges (1321) ; tueries en Alsace (1338 et 1347). Toutes ces violences préfigurent celles des années 1348-1350 : les juifs sont alors tenus responsables de la grande épidémie de peste qui ravage l'Occident. En 1394, sous le règne de Charles VI, tous les juifs sont finalement exclus du royaume. Leur absence quasi générale en France pendant de nombreuses décennies ne met pas un terme, cependant, aux accusations antijuives, qui se nourrissent d'elles-mêmes durant toute l'époque moderne, comme en témoigne l'article « Juifs » du Dictionnaire philosophique (1764) de Voltaire. Bien des thèmes de l'antisémitisme contemporain trouvent leurs racines dans l'antijudaïsme ancien.

Antilles françaises,

ensemble des possessions françaises de la mer des Caraïbes, aujourd'hui réduites aux départements de la Guadeloupe et de la Martinique.

Les débuts de la présence française dans les Petites Antilles remontent à la première moitié du XVIIe siècle : des huguenots sont à l'origine d'un premier établissement à Saint-Christophe (Saint Kitts) en 1625, puis, le 31 octobre 1626, Belain d'Esnambuc fonde la Compagnie de Saint-Christophe. En 1635, il prend possession de la Martinique, tandis que Duplessis et Liénart de L'Olive s'emparent de la Guadeloupe. D'autres établissements suivent : la Dominique et Sainte-Croix (1640), Sainte-Lucie (1642), Marie-Galante (1648), la Grenade (1650), etc., érigées en fiefs au profit de seigneurs, et notamment de l'ordre de Malte. Fondée par Colbert en 1664, la Compagnie des Indes occidentales rachète la plupart de ces îles à leurs seigneurs particuliers. Après la faillite de la Compagnie (1674), elles sont rattachées à la couronne, et des gouverneurs prennent l'administration en main au nom du roi. Tobago est prise aux Hollandais en 1677, et la partie occidentale de Saint-Domingue est cédée par les Espagnols en 1697.

Les Caraïbes, qui forment le peuplement autochtone, sont soit exterminés, soit déportés sur des îles voisines. Ainsi, les derniers Caraïbes de la Guadeloupe sont expulsés en 1658, et un traité du 31 mars 1660 (la Paix caraïbe) leur octroie la possibilité de s'établir dans les îles de la Dominique et de Saint-Vincent, qui deviennent en quelque sorte des réserves de peuplement.

L'économie de plantation sucrière se développe très tôt, ainsi que la production d'épices. De 1639 à 1660, le commandeur de Poincy fait de Saint-Christophe un établissement particulièrement florissant. Dans d'autres îles, les débuts du peuplement colonial sont assez lents. Une culture originale créole se constitue peu à peu parmi ces « Français des îles ».

Au XVIIIe siècle, la traite négrière donne lieu à une immigration massive d'esclaves en provenance du continent africain : à la Grenade, qui ne comptait en 1715 que 250 colons et 500 esclaves, on dénombre, en 1763, 700 Blancs et 18 000 Noirs. Il en résulte un important essor de la production sucrière, des exportations de coton, de café, de tabac et d'indigo...

En 1713, le traité d'Utrecht attribue Saint-Christophe à l'Angleterre et confère le statut d'« îles neutres » à certaines Petites Antilles françaises : Dominique, Grenade, Grenadines, Sainte-Croix, Sainte-Lucie, Saint-Vincent, Tobago. Celles-ci sont démilitarisées tout en restant françaises et deviennent d'actifs repaires de contrebandiers américains (smugglers). Le contrôle de Sainte-Lucie donne lieu à quelques litiges, arbitrés par la Commission des limites créée par le traité d'Utrecht. En 1750, Louis XV envisage de céder les îles neutres à son allié Frédéric II de Prusse. En 1763, le traité de Paris attribue l'ensemble de ces îles (environ 30 000 habitants) à l'Angleterre, à l'exception de Sainte-Lucie, laissée à la France, qui la perd cependant de nouveau au profit des Anglais en 1774. Le traité de Versailles (1783) restitue Tobago et Sainte-Lucie à la France.

Dès le début des guerres de la Révolution, les Petites Antilles sont occupées par les Anglais : la paix d'Amiens (mars 1802) rend à la France la Martinique, la Guadeloupe, Sainte-Lucie et Tobago, mais toutes ces îles sont reprises pendant les guerres napoléoniennes. Les traités de Paris (1814 et 1815) ne laissent à la France que la Martinique et la Guadeloupe avec ses dépendances. Saint-Domingue, en principe rétrocédée, était, en fait, perdue.

antimilitarisme,

refus absolu de l'armée (c'est alors une des formes du pacifisme) ou critique de l'institution militaire comme instrument de classe et/ou comme école de tous les vices.

Dans un pays où les rapports étroits entre l'armée et la nation relèvent du mythe fondateur, l'antimilitarisme vise davantage les assises de l'ordre social qu'il ne le fait dans le monde anglo-saxon, traversé d'attitudes religieuses et éthiques hostiles à l'usage des armes.

Au début du siècle, le mouvement le plus opposé à l'ordre social, la CGT, affiche son rejet de l'institution militaire dans des discours variés, plus ou moins radicaux, plus ou moins proches de l'antipatriotisme. C'est un groupe plus marginal, non sans liens avec elle, qui fait de l'antimilitarisme l'axe de son action : l'Association internationale antimilitariste (AIA, branche française). La mobilisation de la nation en 1914-1918 laisse cependant peu de place au discours antimilitariste. L'après-guerre célèbre l'armée de la victoire, même si la mémoire des souffrances légitime la critique de la guerre : nombre d'anciens combattants dénoncent « la forme militaire d'exercice de l'autorité » (Antoine Prost) qu'ils ont connue dans les tranchées, jugée responsable de morts inutiles. Néanmoins, dans les années vingt, c'est encore la formation politique la plus radicale - le Parti communiste - qui incarne l'antimilitarisme. L'armée, symbole et appareil de la classe bourgeoise dominante, fait l'objet de campagnes de dénonciation jusqu'au tournant du Front populaire. Dans l'entre-deux-guerres s'affirme, par ailleurs, un courant, en partie héritier de l'AIA, qui prône l'objection de conscience - refus de servir son pays par les armes -, alors assimilé par les tribunaux militaires à la désertion ou à l'insoumission. La Résistance, puis la Libération rendent moins légitime la critique de l'armée.