Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
G

Graufesenque (la), (suite)

La production est assurée par un ensemble de petits ateliers de travailleurs libres employant une main-d'œuvre d'esclaves pour la préparation de la pâte et le transport. On a retrouvé des bassins de décantation de l'argile grise et un réseau de dérivation des eaux de la Dourbie. Le site comporte aussi des bâtiments de stockage et d'habitation pour les esclaves, ainsi que des aires de séchage des poteries. De vastes fours à plusieurs étages, qui peuvent assurer une cuisson oxydante à haute température (1 050 oC), ont été dégagés. Plusieurs jours de chauffe étaient nécessaires avant que les fours n'atteignent la température idéale de cuisson. Ils étaient probablement utilisés par plusieurs artisans. Un temple carré à portique (fanum) atteste aussi l'existence d'une vie religieuse sur le site. Occupée jusqu'au IIIe siècle, la Graufesenque est ensuite progressivement abandonnée.

gravettien,

l'une des principales civilisations du paléolithique supérieur, qui s'est développée entre 25 000 et 20 000 ans avant notre ère.

Elle a été définie d'après les caractéristiques du site de La Gravette, sur la commune de Bayac (Dordogne), un habitat préhistorique aménagé au pied d'une falaise.

Le gravettien succède à l'aurignacien et est attesté dans une grande partie de l'Europe, depuis les îles Britanniques et la France jusqu'à la Hongrie et l'Ukraine. Son outillage comprend un certain nombre de types caractéristiques, tels que les « pointes de La Gravette », pointes de flèches ou de sagaies très effilées et retouchées sur l'un des côtés, ou encore les « pointes de La Font-Robert » ou les « burins de Noailles ». Les gravettiens fréquentaient des grottes et des abris, mais ils construisaient aussi des huttes résistantes, parfois à armatures en ossements de mammouth (Kostienki, Ukraine) ou à soubassement en dalles de pierre (La Vigne-Brun, France ; Russie).

C'est au gravettien que semble se développer véritablement l'art rupestre paléolithique, déjà faiblement attesté à l'aurignacien. On y représente les animaux de façon encore stylisée. Surtout, le gravettien a laissé des statuettes féminines, « Vénus » aux traits exacerbés et dont les formes stéréotypées supposent une grande unité culturelle de l'Atlantique à la mer Noire (Lespugue, Haute-Garonne ; Grimaldi, Italie ; Laussel, Dordogne ; Willendorf, Autriche ; Dolni Vestonice, Moravie ; Kostienki, etc.). Elles sont taillées dans la pierre ou l'ivoire, parfois modelées en argile cuite.

Dans le sud-ouest de l'Europe, le gravettien fait ensuite place au solutréen, mais il se maintient encore pendant plusieurs millénaires en Europe orientale.

Grégoire (Henri Baptiste, dit l'Abbé),

évêque constitutionnel et homme politique (Vého, près de Lunéville, Meurthe-et-Moselle, 1750 - Paris 1831).

Farouchement attaché à l'idéal de fraternité et aux droits de l'homme, l'abbé Grégoire, chrétien républicain, doit sa renommée à son combat en faveur de la citoyenneté des juifs et des Noirs, et à sa lutte constante contre l'esclavage. Fidèle à sa vocation religieuse et à son désir de former des citoyens, cet abbé opiniâtre et d'une grande intégrité ne renonce jamais à ses convictions, qu'il soit député à la Constituante (1789-1791), à la Convention (1792-1795), au Conseil des Cinq-Cents (1795-1798), au Corps législatif (1800), ou sénateur (1801-1802). Il est aussi membre de l'Institut, qu'il contribue à fonder et dont il est exclu à la Restauration (1816), et commandeur de la Légion d'honneur (1803), distinction qu'il refuse d'ailleurs.

Ce fils d'un tailleur d'habits, ordonné prêtre en 1776, devient célèbre avec l'Essai sur la régénération physique, morale et politique des Juifs (1788). Aux États généraux, il joue un rôle essentiel dans le ralliement du clergé au tiers état, puis maintient, lors de la prise de la Bastille, la cohésion de la Constituante, qu'il préside alors et dont il est l'un des plus importants orateurs. Cherchant à concilier religion et révolution, il défend le bas clergé lors du débat sur la Constitution civile du clergé, à laquelle il est le premier à prêter serment (1790). En février 1791, il est élu évêque du Loir-et-Cher, où il déploie une intense activité pastorale, puis combat avec succès la déchristianisation en l'an II, inventant le terme « vandalisme » pour dénoncer les menées des iconoclastes. Fidèle à l'Église constitutionnelle, qu'il tente de réorganiser sous le Directoire, il démissionne de son évêché à l'annonce du Concordat, en 1801, et refusera de se délier de son serment jusque sur son lit de mort.

La haine obsédante qu'il porte aux rois pousse l'abbé Grégoire à les dénoncer vigoureusement dans un discours prononcé le 21 septembre 1792, devant les membres de la Convention, qui décrète le même jour l'abolition de la royauté. Son vote en faveur de la condamnation de Louis XVI, en janvier 1793, lui vaudra l'accusation de régicide et l'interdiction de siéger après avoir été élu député de l'Isère, en 1819. Membre du Comité d'instruction publique dès 1792, il développe une pensée pédagogique centrée sur la lutte contre l'obscurantisme et l'intégration de tous dans la nation, et contribue à fonder le Conservatoire des arts et métiers ainsi que la Bibliothèque nationale. Déchu sous la Restauration, il continue cependant de militer contre l'injustice et pour la tolérance dans le monde. À sa mort, ce sont des dizaines de milliers de Parisiens qui portent son cercueil au cimetière tandis que Saint-Domingue prend le deuil public. Ses cendres sont transférées au Panthéon, en 1989.

Grégoire de Tours,

saint (Clermont, vers 538 - Tours 594).

Grand aristocrate et évêque de Tours, Grégoire participa aux luttes de son temps et composa une œuvre d'historien qui constitue le principal témoignage sur les débuts de la monarchie franque.

Grégoire naît à Clermont, en Auvergne, dans une grande famille de l'aristocratie sénatoriale gallo-romaine convertie au christianisme depuis plusieurs siècles, et dont certains membres ont été évêques de Tours, de Lyon et d'Arles. Il reçoit une éducation chrétienne auprès de son oncle Gall, évêque de Clermont, puis de son grand-oncle Nizier, évêque de Lyon. En 563, il est ordonné diacre, puis devient prêtre et officie durant quelque temps à la basilique Saint-Julien de Brioude. Il fait le pèlerinage à la basilique Saint-Martin de Tours et demeure auprès de son cousin Eufronius, évêque de Tours. En 573, il est choisi comme évêque par le roi Sigebert Ier. Grégoire se préoccupe alors de ses fonctions pastorales, en particulier du rayonnement de ses saints tutélaires : il refond la Vie de saint Martin, de Sulpice Sévère, et rédige plusieurs ouvrages sur les miracles de saint Martin et de saint Julien. Il s'engage également dans les conflits qui déchirent alors la famille royale mérovingienne. Il est ainsi le principal artisan du rapprochement de Gontran, roi de Burgondie, et de Childebert II, roi d'Austrasie, contre Clotaire II, roi de Neustrie, rapprochement que vient sanctionner le pacte d'Andelot en 587.