protestants (suite)
L'influence décisive de Calvin.
• Né à Noyon, en Picardie, Jean Calvin (1509-1564) est d'abord un humaniste. Gagné aux idées de la Réforme dès 1533, il doit se réfugier à Bâle ; il y publie en 1536 la première version (en latin et en 6 chapitres) de sa grande œuvre dogmatique, l'Institution de la religion chrétienne, qu'il ne cessera de remanier et d'enrichir au fil des éditions successives (80 chapitres dans la dernière, en 1559-1560). Installé à partir de 1541 à Genève, ville libre alliée aux cantons suisses où il a déjà tenté de réorganiser l'Église en 1536-1538, il y exerce un magistère moral. Dès lors, Genève devient le principal centre de diffusion des écrits réformateurs en langue française et, tant par la doctrine (l'Institution est traduite en français en 1541, et son Catéchisme paraît en 1542) que par sa conception de l'Église, l'influence de Calvin se révèle déterminante pour les « huguenots ». L'origine de ce surnom, donné dès cette époque aux protestants français, est obscure ; en général, on le considère comme une déformation de l'allemand Eidgenossen, c'est-à-dire « confédérés » (on appelle ainsi les partisans genevois de la Réforme). C'est dans le courant des années 1540 que des communautés évangéliques commencent à se constituer en France, en s'inspirant des modèles établis à Strasbourg et, surtout, à Genève. D'abord centrées sur l'édification et la prière, elles évoluent ensuite vers des formes de culte plus élaborées, sous la direction d'un pasteur choisi par les fidèles. L'Église locale est administrée par des laïcs désignés par la communauté, appelés « anciens » et se réunissant en consistoire. Un synode, rassemblé périodiquement, composé de représentants (pasteurs et anciens) des Églises, entre lesquelles il est chargé de faire la liaison, détient l'autorité en matière doctrinale. Des synodes régionaux et un national sont prévus. Le premier synode national se tient à Paris, en 1559. Il adopte une confession de foi qui énonce les principes réformés : c'est la « Confession de foi de La Rochelle », dont le texte est définitivement mis au point lors du synode qui a lieu dans cette ville, en 1571. Il établit aussi des règles institutionnelles et morales (appelées « Discipline ») proches de celles de Genève, et qui seront modifiées à plusieurs reprises. Dans les Églises réformées, le pasteur est avant tout un prédicateur qui, chaque dimanche, explique la Bible ; d'où l'attention toute particulière portée à sa formation.
Les guerres de Religion.
• La fondation d'Églises réformées engendre la constitution d'un parti protestant, qui tantôt lutte contre le roi, tantôt négocie avec lui. En 1562, en effet, on évalue le nombre de ces Églises à environ 2 000. Elles sont situées plutôt dans la moitié sud (Aunis et Saintonge, sud du Poitou, Guyenne, Gascogne, Béarn, et surtout Languedoc-Cévennes, Vivarais, Dauphiné) et, dans une moindre mesure, dans les pays de la Loire et en Normandie ; elles rassemblent près de 2 millions de fidèles (soit 10 % de la population). Leurs membres, dont bon nombre sont alphabétisés, proviennent avant tout des villes : clercs, juristes, artisans, marchands, mais aussi une fraction des catégories supérieures de la société - hauts magistrats et membres de la haute noblesse, voire des princes du sang (comme les Bourbons) et de nombreux gentilshommes. Ce dernier groupe conduit les protestants à se politiser, les adeptes de la Réforme aspirant à une reconnaissance légale, et même à la conquête du pouvoir. En janvier 1562, ils obtiennent un premier succès, lors de la signature, par la régente Catherine de Médicis, d'un édit accordant aux réformés la liberté de culte hors des villes. Mais le parti catholique, qui s'est également constitué, s'en indigne ; et, en mars 1562, le massacre de protestants réunis à Wassy pour célébrer leur culte donne le signal de la première guerre de Religion.
En fait, pendant une trentaine d'années, de 1562 à 1598, les deux partis, encadrés l'un et l'autre par des familles nobles (en particulier les Condé et les Coligny du côté protestant, les Guises du côté catholique), se livrent une lutte armée qui a pour enjeux la place des Églises réformées dans le royaume et le contrôle du pouvoir, tandis que, dans les bastions protestants (surtout dans le Midi), une sorte d'« État » huguenot s'organise, avec armées, finances, lois, justice et « assemblées politiques ». On compte ainsi huit « guerres », entrecoupées de trêves et d'édits de pacification favorables à l'un ou à l'autre camp, selon les circonstances. Les opérations militaires se mêlent aux violences populaires. L'épisode le plus connu est le massacre de la Saint-Barthélemy (24 août 1572) : l'amiral de Coligny et 200 gentilshommes huguenots (venus à Paris à l'occasion du mariage du protestant Henri de Navarre - futur Henri IV - avec Marguerite de Valois) sont assassinés, tandis que le peuple de Paris, approuvé par le clergé, se déchaîne pendant trois jours contre les protestants, massacrant entre 2 000 et 3 000 hommes, femmes et enfants, et que d'autres tueries font de nombreuses victimes en province.
À partir de 1577, le chef du parti protestant est Henri de Navarre, qui devient l'héritier du trône après l'assassinat d'Henri III (1589) ; malgré son abjuration en 1593, il doit lutter pendant dix ans pour conquérir son royaume. En 1598, l'édit de Nantes, relativement favorable aux huguenots, met fin à cette période agitée. Cependant, ces guerres ont considérablement affaibli la communauté protestante, qui ne compte plus qu'un million d'adeptes à la fin du XVIe siècle, tandis qu'environ un tiers des Églises ont disparu, surtout au nord de la Loire.
Le temps de l'édit de Nantes (1598-1685)
L'édit et le retour des affrontements jusqu'en 1629.
• L'édit de Nantes ne consacre pas la liberté religieuse, mais la coexistence de deux confessions, dont l'une, protestante - appelée officiellement « religion prétendue réformée » -, possède un statut inférieur. Les huguenots ne jouissent nullement de la liberté religieuse ; ils n'ont le droit de célébrer publiquement leur culte que dans un millier de localités, les villes importantes, dont Paris, leur étant souvent interdites. Les armées protestantes sont supprimées ; mais, pour leur assurer néanmoins une certaine sécurité, le roi accorde aux huguenots plusieurs places de sûreté (villes, ou forteresses, avec une garnison). Par ailleurs, le culte catholique est rétabli partout, même dans les localités où toute la population est protestante, et les huguenots paient la dîme au clergé catholique ; mais ils bénéficient de la liberté de conscience et de l'égalité civile. Des tribunaux spéciaux, dits « chambres de l'édit », réunissant des magistrats des deux confessions, doivent trancher les conflits théoriquement de manière impartiale.