Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Fénelon (François de Salignac de La Mothe), (suite)

Empêché par la disgrâce de donner sa pleine mesure, Fénelon a remporté une double victoire posthume : auprès des philosophes du XVIIIe siècle, qui ont considéré ce pacifiste brimé par l'absolutisme comme l'un de leurs prédécesseurs, et auprès des historiens de la spiritualité, qui estiment que sa condamnation a jeté pour deux siècles la suspicion sur la mystique, au profit d'une conception moralisatrice de la religion.

féodalité

Phénomène complexe, qui ne se limite pas au système juridique du fief, la féodalité est un aspect majeur de la France médiévale : elle concerne les institutions et les structures politiques, autant que l'état de la société et de l'économie.

Si les révolutionnaires de 1789 ont fait de cette notion l'emblème d'un ordre archaïque, dont la destruction, à leurs yeux, s'imposait, les historiens contemporains sont de plus en plus sensibles aux rapports subtils qu'ont entretenus au fil des siècles féodalité et développement du pouvoir central. Au sens strict, le terme « féodalité » désigne une réalité d'ordre juridique : un ensemble d'institutions régissant les liens réels établis entre deux hommes libres - le seigneur et son vassal - et impliquant des devoirs et des services réciproques. Ces obligations sont définies dans un contrat souligné par des rites publics (hommage, serment, investiture), la remise au vassal par son seigneur d'un bien, à l'origine temporaire, appelé « fief », étant destinée à permettre au vassal d'accomplir ces services. Au-delà de cette définition juridique, le mot féodalité évoque souvent un type de société. Pour les historiens marxistes, qui utilisent plutôt la notion de « féodalisme », la féodalité constitue un stade d'organisation économique et sociale intermédiaire entre l'esclavagisme et le capitalisme, les modes de production et d'exploitation des hommes mis en place entre le IXe et le XIIIe siècle ayant perduré, dans certains de leurs aspects, jusqu'à l'époque moderne. Pour comprendre les caractéristiques de la féodalité, on étudiera les éléments historiques ayant conduit à l'émergence d'un « régime féodal ». On considère souvent que ce régime, caractérisé par la généralisation des liens d'homme à homme, est venu se substituer, dans une période marquée par la domination des « seigneurs » et de leurs chevaliers, à un État et à un service public défaillants ou inexistants. Pourtant, l'émergence des seigneuries et la formation d'une classe dominante pourvue de privilèges - la noblesse - sont liées à des conditions économiques, sociales et politiques au sein desquelles les institutions féodo-vassaliques ne sont qu'un élément, dont il ne faut sans doute pas exagérer l'importance.

Conditions d'apparition de la « féodalité »

Dès l'Antiquité tardive apparaît le phénomène de la recommandation, que l'on retrouvera, à un niveau plus élevé, dans la féodalité : pour faire face à l'insécurité de ces temps troublés par les invasions germaniques et par les tensions sociales, des paysans libres se mettent sous la protection et le patronage des grands propriétaires terriens, lesquels, par ce moyen, se constituent des clientèles de dépendants. La disparition de l'Empire romain et l'apparition des royautés « barbares » entraînent, surtout dans la France du Nord, le développement des relations privées, d'homme à homme, comme système de gestion et de transmission du pouvoir. En fait, cette forme de gouvernement monarchique dérive à la fois de la conception germanique du roi - chef de guerre auquel ses guerriers ont juré fidélité - et de la conception d'origine romaine d'un service public qui confère à celui qui gouverne le statut de garant de l'ordre, du droit et de la justice. Le roi (plus tard l'empereur) délègue l'exercice de ces fonctions à des personnages qu'il nomme et qui jouent le rôle de véritables fonctionnaires : ce sont les comtes et les évêques, issus des aristocraties gallo-romaine et franque. Dans une société essentiellement rurale, la rémunération de ces fonctions est principalement foncière. Par ailleurs, pour se concilier l'appui des aristocraties locales, les rois achètent, en quelque sorte, la fidélité de ces aristocraties en leur attribuant à titre de bienfait (beneficium, « bénéfice ») des terres du fisc (c'est-à-dire, les domaines de l'ancien Empire romain). Cette société rurale est également guerrière : les rois, mais aussi les grands, sont entourés de leurs dépendants armés (« clientes », « satellites »), hommes libres qu'ils font vivre et dont ils rémunèrent les services par la concession d'un revenu appelé lui aussi « bienfait » ou « bénéfice ». Il s'agit généralement d'une tenure, d'une terre, remise à ces guerriers qui deviennent leurs vassaux (du latin vassus, ou vassallus, « subalterne »).

À la fin de l'ère mérovingienne, Charles Martel, premier des aristocrates, maire du palais et vainqueur des Arabes à Poitiers (732), accentue ce phénomène. Pour s'assurer la fidélité des grands dans sa conquête du pouvoir, et disposer ainsi de leurs guerriers, il généralise la vassalité au sein de l'aristocratie et distribue à ces vassaux des terres confisquées à l'Église, qui est à l'époque le plus riche propriétaire terrien. Toutefois, pour ne pas spolier totalement l'Église, trop puissante et utile, il lui laisse la « nue propriété » de ces terres, dont il concède seulement l'usage (sorte d'usufruit) en bénéfice à ses vassaux. Cette pratique aurait ainsi généralisé l'union de la vassalité et du bénéfice, multiplié le nombre des vassaux et élevé leur niveau social à l'époque carolingienne, en particulier sous le règne de Charlemagne.

La vassalité carolingienne

Charlemagne s'est heurté au difficile problème de l'administration de son vaste Empire. Pour y assurer l'ordre, la justice, la levée des impôts, il nomme plus de trois cents comtes et évêques, et encourage le système des relations vassaliques, renforcé par le serment de fidélité qu'il exige de tous les hommes libres de l'Empire. Après sa mort, celui-ci est partagé, l'autorité centrale décroît et les grands vassaux - comtes et évêques - parviennent à rendre héréditaires d'abord les charges « publiques », puis les bénéfices qui en étaient primitivement la rémunération. Ainsi, les institutions vassaliques, au lieu de renforcer le pouvoir central, contribuent à l'affaiblir.