Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Flourens (Gustave), (suite)

Issu d'une famille d'intellectuels libéraux, il fait de brillantes études et, à l'âge de 25 ans, il est suppléant de son père, le physiologiste Pierre Flourens, au Collège de France (chaire d'histoire naturelle des corps organisés), et chargé d'enseigner l'histoire des races humaines. Ne faisant mystère ni de ses convictions antireligieuses ni de son hostilité au bonapartisme, il est suspendu par le ministre de l'Instruction, Victor Duruy.

Préférant l'exil à la disgrâce, Flourens poursuit ses recherches et son enseignement à Bruxelles, puis à Londres, et met son ardeur républicaine au service des grandes causes du moment : la libération des peuples d'Europe orientale, d'Italie et d'Irlande. Après la révolte polonaise de 1863, qu'il abandonne en raison du rôle qu'y jouent les nobles et les catholiques, il s'engage au côté des Crétois durant l'insurrection de 1866 contre les Turcs, est nommé représentant de la Crète au Parlement hellénique, avant d'être chassé d'Athènes par le gouvernement grec. De retour en France, il est avec Henri Rochefort l'un des grands propagandistes républicains. Il proclame son hostilité à l'armistice de 1870 (Paris livré, 1871) et organise la Garde nationale durant la Commune, mais ne participe pas aux combats de mars 1871. En avril, ce colonel de l'armée fédérée est contraint de se replier dans une auberge de Chatou, où il est assassiné par un officier de gendarmerie.

Enterré au cimetière du Père-Lachaise, Flourens représente une tradition républicaine insurrectionnelle mais opposée à la guerre civile, et dont le patriotisme est encore conciliable avec l'universalisme.

FNSEA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles),

organisation syndicale constituée le 13 mars 1946 au sein d'un groupement contrôlé par la gauche, la Confédération générale de l'agriculture, qu'elle quitte en 1954 sous l'impulsion de son premier président, Eugène Forget.

En 1956, le Centre national des jeunes agriculteurs (CNJA), issu de la Jeunesse agricole chrétienne, rejoint la FNSEA et appuie les réformes du ministre Edgard Pisani, qui entend moderniser l'agriculture et appliquer le programme de politique agricole commune (PAC). En 1972, l'ancien président du CNJA, Michel Debatisse, est élu à la tête de la FNSEA, avant de devenir, en 1974, ministre de l'Agriculture : une trajectoire que suivra également son successeur, François Guillaume.

Proche de la droite, elle reste le seul syndicat agricole interlocuteur des gouvernements jusqu'en 1983, lorsque Édith Cresson reconnaît la représentativité des organisations minoritaires. Quant à Michel Rocard, il ne remet d'ailleurs pas en cause la pratique de la cogestion avec la FNSEA, renforcée par François Guillaume, nommé ministre de l'Agriculture en 1986 dans le gouvernement de cohabitation de Jacques Chirac. Grâce à sa structure souple, la FNSEA, pourtant dominée par les associations de producteurs de blé et betteraves, représente l'ensemble des agriculteurs, quels que soient l'étendue de l'exploitation, le mode de faire-valoir ou le type de production : elle comptait 1,1 million d'adhérents en 1946, 750 000 en 1950, 690 000 en 1963, effectifs qui se sont stabilisés depuis.

FO ou CGT-FO (Confédération générale du travail-Force ouvrière),

confédération syndicale, qui se constitue au début de la guerre froide, en 1947.

Opposés à l'influence communiste au sein de la CGT, et considérant que la flambée de grèves ouvrières de l'automne 1947 résulte du noyautage communiste, le secrétaire général Léon Jouhaux et les minoritaires du syndicat quittent la CGT en décembre 1947 et, au nom de la continuité avec la confédération d'avant-guerre, donnent à leur organisation le nom de CGT-FO en avril 1948. FO se réclame de la Charte d'Amiens de 1906 : réformisme, indépendance syndicale, condamnation de l'intervention directe des syndicats dans le politique. Elle accepte le cadre de la démocratie libérale, renonce au neutralisme, se montre favorable à l'Alliance atlantique et à la construction européenne. Son anticommunisme lui permet de recevoir des financements des gouvernements français et américain. En 1950, forte de 350 000 adhérents, issus principalement de la fonction publique et du secteur public, FO est le troisième syndicat de France, derrière la CGT et la CFTC.

Léon Jouhaux et ses successeurs - Robert Bothereau de 1954 à 1963, puis André Bergeron de 1963 à 1989 - récusent la cogestion comme l'autogestion, se veulent contrepoids et non contre-pouvoir. L'action de FO, aux côtés de celle de la CFTC, débouche, en 1955, sur l'obtention d'une troisième semaine de congés payés et sur la création de retraites complémentaires. Des grandes centrales syndicales, FO est la plus hétérogène sur le plan politique : même si ses dirigeants sont, pour la plupart, proches des socialistes, ses militants vont « des anarchistes aux gaullistes », et elle se compose d'une majorité réformiste et de minorités gaullistes, syndicalistes-révolutionnaires ou trotskystes. Le consensus interne à l'organisation repose sur l'hostilité envers le Parti communiste et sur trois revendications : progression du pouvoir d'achat, renforcement de la protection sociale, paritarisme dans la gestion des institutions sociales. FO s'appuie sur la loi du 11 février 1950 pour négocier des conventions collectives dans le secteur privé, puis dans le secteur nationalisé et public après la grève des mineurs de 1963. Le syndicat accueille alors un courant qui prône l'autogestion, mais dont le dirigeant, Maurice Labi, rejoint la CFDT en 1973. Hostile au mouvement étudiant de 1968, FO maintient son action sur un terrain revendicatif et favorise des accords. Fortement implantée dans le sud-ouest et le nord de la France, elle revendique 600 000 membres en 1970, un million en 1980, qui se reconnaissent dans la phrase d'André Bergeron en 1973 : « La politique contractuelle [...] est un aspect de la démocratie. » Interlocuteur privilégié du patronat et du gouvernement, André Bergeron refuse cependant la politique de rigueur de Raymond Barre et s'écrie en 1977 : « Il faut trouver du grain à moudre ! » Il marque son opposition à l'entrée de communistes au gouvernement en 1981, dénonce la rigueur salariale en 1983, insiste sur l'indépendance syndicale et refuse « tout compromis historique à la française ».