Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
M

Malraux (André), (suite)

Dans les années trente, l'intellectuel Malraux est de tous les combats de l'antifascisme. Encore faut-il comprendre que, comme son ami Drieu la Rochelle, mais dans le camp opposé, il vit son engagement dans le lyrisme de l'action révolutionnaire, qui seule saura le distraire de la conscience obsédante de l'absurdité de la condition humaine : « Si nous sommes écrasés, ici et à Madrid, les hommes auront vécu un jour selon leurs cœurs. Tu me comprends ? Malgré la haine. Ils sont libres. Ils ne l'ont jamais été. [...] La révolution, c'est les vacances de la vie » (l'Espoir, 1937). Ce frôlement, imaginaire ou physique, avec la mort est aussi nécessaire à Malraux qu'à Gilles, le héros de Drieu. Malgré ses poses, malgré ses falsifications nombreuses, notamment dans les Antimémoires (tome 1, publié en 1967), de grand mystificateur, Malraux fut donc aussi un homme d'action : chef de l'escadrille España des Brigades internationales pendant la guerre d'Espagne, combattant - tardif - de la Résistance , il sut s'engager pour la révolution, passion de jeunesse, puis pour la nation, qu'il découvre dans la France meurtrie de l'Occupation.

Le chantre du gaullisme.

• Malraux choisit d'attacher ses pas au personnage qui, à ses yeux, incarne cette nation française : le général de Gaulle, dont il est le meilleur chantre, avant et après l'arrivée au pouvoir de ce dernier en 1958. Éphémère ministre de l'Information en 1945, Malraux sait faire vibrer la fibre gaulliste dans les meetings du RPF mais également lors du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon en 1964. Il devient, ce faisant, l'ami prophétique, génial, nécessaire, du général de Gaulle qui, selon la légende, lui aurait offert en 1959 un « regroupement de services » nommé Affaires culturelles, pour l'unique satisfaction de le savoir toujours à sa droite en Conseil des ministres.

Malraux a poursuivi toute sa vie une réflexion sur l'art - notamment dans le Musée imaginaire (1947) ou les Voix du silence (1951) -, qui n'est évidemment pas sans alimenter la politique culturelle menée pendant les dix ans que durera sa mission ministérielle. La culture comme antidote à la déroute de la foi, la métaphore religieuse invariablement filée - le musée comme « temple » -, l'art comme « antidestin », tous ces thèmes seront amplement développés dans nombre de discours ainsi que dans les institutions qui en portent la marque, les maisons de la culture, ces « cathédrales du XXe siècle » dont Malraux fut le prophète.

Entre l'action et le verbe, André Malraux, par ses contradictions, ses palinodies, sa mégalomanie et son narcissisme de « grand côtoyant les grands de ce monde », sa vision messianique de l'histoire et tragique de l'homme, représente l'archétype de l'intellectuel français, la référence indépassable et chatoyante d'un âge d'or désormais clos. Ses cendres ont été transférées au Panthéon, le 23 novembre 1996, ultime hommage cérémoniel de la République.

mamelouks ou mameluks,

nom donné aux cavaliers égyptiens de Napoléon Ier.

Les mamelouks sont, à l'origine, des esclaves affranchis et entraînés au métier des armes. Quand Bonaparte débarque en Égypte, ils sont environ 9 000, commandés par 24 beys, et forment un État dans l'État. Les premiers combats de la campagne d'Égypte viennent rapidement à bout de leur puissance militaire. Dès 1798, Bonaparte décide d'incorporer une partie des mamelouks vaincus dans sa propre cavalerie. Quand il quitte l'Égypte en 1799, il ramène deux d'entre eux : Roustam et Ali. Le premier trouve sa place dans la légende napoléonienne dans le rôle du fidèle serviteur. En 1801, une centaine de mamelouks sont organisés en escadron de cavalerie. Les mamelouks sont présents sur les champs de bataille où ils subissent de lourdes pertes. Les quelques survivants sont victimes de la Terreur blanche en 1815. Leurs tenues orientales et leurs cimeterres frappent l'imagination des Français ; très vite, la mode s'empare du sujet : des peintres (Girodet, Vernet, Gros) et des écrivains les représentent pour le plus grand plaisir d'un public friand d'orientalisme. La mode féminine n'est pas en reste : les turbans, les tuniques bouffantes dites « à la mamelouke », font leur apparition dans la garde-robe des élégantes.

mandat (territoires sous),

nom désignant deux anciennes colonies allemandes, le Togo et le Cameroun, quand ces territoires sont administrés par la France, mandatée par la Société des nations (SDN) entre 1919 et 1946 ; cette dénomination devient « territoires sous tutelle » après la création de l'Organisa-tion des Nations unies (ONU).

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, et en vertu du traité de Versailles, une partie des anciennes colonies allemandes du Togo et du Cameroun (les 2/3 du Togo, soit 56 000 km2 et les 4/5 du Cameroun, soit 405 000 km2) est confiée à la France (le reste l'étant à la Grande-Bretagne). Dans la pratique, le Togo est administré comme une colonie de l'Afrique-Occidentale française (A-OF) : il partage même, à partir de 1934, une administration commune avec la colonie voisine du Dahomey. En revanche, le Cameroun, plus étendu et plus peuplé, a une administration distincte de celle de l'Afrique-Équatoriale française (A-ÉF). La France poursuit l'œuvre d'équipement et d'assistance entreprise par les Allemands, surtout au Cameroun : achèvement de la ligne ferroviaire Douala-Yaoundé (1927), importante action du docteur Jamot dans la lutte contre la trypanosomiase (la maladie du sommeil) et, plus tard, réalisations médicales du docteur Aujoulat.

Dès 1940, à l'instar de l'A-ÉF, le Cameroun se rallie à la France libre . Après les hostilités, le régime du mandat est remplacé par le régime de tutelle des Nations unies et, en 1946, le Togo et le Cameroun reçoivent le statut de « territoires associés de l'Union française » : les habitants (administrés français mais non citoyens) sont représentés au Parlement français et élisent des assemblées territoriales. Ils peuvent adresser des pétitions à la Commission de tutelle de l'ONU, laquelle envoie des missions d'inspection.

L'évolution vers l'autonomie, puis vers l'indépendance se fait plus harmonieusement au Togo qu'au Cameroun. Doté d'un Conseil de gouvernement en 1955, le Togo devient, le 30 août 1956, et conformément aux recommandationsde l'ONU, une « République autonome » avec son gouvernement, son Parlement et son drapeau. Au Cameroun, la puissance de tutelle se heurte à une guérilla animée dans les provinces de l'Ouest par l'Union des populations du Cameroun (UPC, de tendance communiste, organisation dissoute en 1955). Toutefois, en mai 1957, ce pays accède à l'autonomie interne.