Antiquité tardive, (suite)
Les caractères généraux de la société gallo-romaine du iiie au vie siècle.
• Dans les régions frontalières de l'Empire, l'armée a été un vecteur fondamental des transformations politiques et sociales. Les soldats ont été des agents de la romanisation aux Ier et IIe siècles ; dès le début du IIIe siècle, en revanche, ils sont originaires de la région de leur poste. À partir du IVe siècle, le métier des armes, comme tous les autres, devient héréditaire. L'armée accentue la tendance au particularisme local, qui, à partir du IIIe siècle, commence à battre en brèche le centralisme impérial. Ce phénomène est encore accru par la présence de nombreuses unités d'origine barbare. Par ailleurs, le poids de l'armée sur les finances va croissant à partir du IIe siècle. L'augmentation de la solde est l'un des moyens dont dispose l'empereur pour s'assurer la fidélité des armées du limes. Ce phénomène induit une incontestable prospérité dans ces régions. Mais, pour faire face aux besoins de financement de l'armée, les impôts s'alourdissent ; la création de l'annone, sous Dioclétien (284/305), a de graves conséquences : l'impossibilité de s'acquitter de cet impôt incite certains propriétaires à fuir leurs domaines, pour devenir de simples locataires de terres, ou à se lancer dans des révoltes armées. La pression fiscale suscite également une désaffection des élites pour les magistratures publiques des cités (ordo decurionum), car ces charges impliquent la responsabilité fiscale de la communauté. L'épiscopat, qui devient le sommet du cursus honorum, reste la seule fonction prisée de la classe sénatoriale. L'évêque assume la charge de défenseur de la cité. Les Barbares, nombreux dans l'Empire et installés comme lètes sur des terres laissées en friche ou en tant que peuples fédérés, ont également un rôle décisif dans la mutation de la société. Certains d'entre eux occupent des places de premier plan en Gaule, au IVe siècle : Arbogast, Bauto ou Richomer. Pour l'aristocratie foncière, ils peuvent constituer une menace (quand ils joignent leurs forces à celles de l'empereur de Constantinople, qui lutte contre les privilèges - exemption fiscale, surtout). À l'inverse, ils peuvent être des alliés contre un pouvoir central jugé trop fort.
Ces caractéristiques (provincialisation, militarisation, poids de l'impôt, « barbarisation » de l'armée) donnent l'image d'une société dans laquelle les rapports sociaux sont devenus durs, et les inégalités fortement marquées. Dans ce cadre, l'idée d'empire ne s'associe plus à la figure de l'empereur, lequel ne représente dès lors qu'une des forces en présence : pour les élites, l'appartenance à la romanité n'est qu'un simple attachement à la culture latine. Ainsi s'explique la relative facilité avec laquelle s'accomplit l'installation des royaumes barbares.