nation (suite)
À partir des années 1950, l'État-nation triomphe sur tous les continents, même si ce modèle emprunté au colonisateur reste souvent, en Afrique, un simple cadre regroupant des ethnies variées dans des frontières héritées de la colonisation. Il devient le modèle de toute communauté politique circonscrite à un territoire et gérée juridiquement par un seul gouvernement. Un singulier paradoxe veut néanmoins que ce modèle entre en crise au moment même où il s'universalise. Omniprésent, l'État-nation n'est plus une utopie mobilisatrice, ni dans les pays anciens qui l'ont vu naître, ni dans les pays neufs où son acclimatation est parfois difficile. L'idée de sacrifice ne fait guère recette dans des sociétés où chacun cherche davantage son propre bonheur que le bien commun. La question se pose donc de savoir si l'identité nationale (en période de paix ou une fois achevée la décolonisation) reste une identité majeure et « chaleureuse ».
Dans les années 1990, la question du déclin ou de la résurgence des nations a pris de nouvelles dimensions et une acuité inédite. Certains politologues affirment que la généralisation du modèle national ira de pair avec sa quasi-disparition au sein d'identités apaisées (en Europe ou dans une future communauté mondiale). En effet, les nations actuelles sont parcourues par des flux économiques qui leur échappent : les firmes multinationales, les marchés financiers, les organismes de régulation supranationaux, remettent en cause leur souveraineté. À cette érosion de souveraineté par le haut correspond, par le bas, une remise en cause par des communautés ethniques qui valorisent leurs différences. Ce multiculturalisme à l'anglo-saxonne est-il un facteur d'enrichissement ou est-il porteur d'un risque de fragmentation de la communauté nationale ? La communauté plus proche ne sera-t-elle pas préférée un jour à la nation ? Le modèle national, qui allait de soi en 1914, pose de nouveau problème aujourd'hui.