Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
N

nation (suite)

À partir des années 1950, l'État-nation triomphe sur tous les continents, même si ce modèle emprunté au colonisateur reste souvent, en Afrique, un simple cadre regroupant des ethnies variées dans des frontières héritées de la colonisation. Il devient le modèle de toute communauté politique circonscrite à un territoire et gérée juridiquement par un seul gouvernement. Un singulier paradoxe veut néanmoins que ce modèle entre en crise au moment même où il s'universalise. Omniprésent, l'État-nation n'est plus une utopie mobilisatrice, ni dans les pays anciens qui l'ont vu naître, ni dans les pays neufs où son acclimatation est parfois difficile. L'idée de sacrifice ne fait guère recette dans des sociétés où chacun cherche davantage son propre bonheur que le bien commun. La question se pose donc de savoir si l'identité nationale (en période de paix ou une fois achevée la décolonisation) reste une identité majeure et « chaleureuse ».

Dans les années 1990, la question du déclin ou de la résurgence des nations a pris de nouvelles dimensions et une acuité inédite. Certains politologues affirment que la généralisation du modèle national ira de pair avec sa quasi-disparition au sein d'identités apaisées (en Europe ou dans une future communauté mondiale). En effet, les nations actuelles sont parcourues par des flux économiques qui leur échappent : les firmes multinationales, les marchés financiers, les organismes de régulation supranationaux, remettent en cause leur souveraineté. À cette érosion de souveraineté par le haut correspond, par le bas, une remise en cause par des communautés ethniques qui valorisent leurs différences. Ce multiculturalisme à l'anglo-saxonne est-il un facteur d'enrichissement ou est-il porteur d'un risque de fragmentation de la communauté nationale ? La communauté plus proche ne sera-t-elle pas préférée un jour à la nation ? Le modèle national, qui allait de soi en 1914, pose de nouveau problème aujourd'hui.

National (le),

quotidien, d'abord orléaniste, puis républicain, fondé en 1830 par Armand Carrel, Adolphe Thiers et Auguste Mignet, sous l'égide du libraire Sautelet.

Lancé le 3 janvier 1830, le National répond à un projet politique clair, ainsi défini par Thiers : « Enfermer les Bourbons dans la Charte, de manière à les mettre dans la nécessité de sauter par la fenêtre. » Favorable à la monarchie constitutionnelle et harcelant le régime de la Restauration, il s'illustre pendant la révolution de Juillet, qui porte Louis-Philippe sur le trône. Le 26 juillet, jour où le ministère Polignac publie les fameuses ordonnances liberticides qui, notamment, visent à bâillonner la presse, Thiers rassemble dans les locaux du National les représentants de tous les journaux d'opposition. La protestation qu'ils rédigent alors constitue le premier acte de la révolution de 1830. Interdit, son imprimerie saisie, le National organise la résistance en diffusant des éditions réduites reproduisant la pétition des journalistes, ainsi que des papillons appelant au soulèvement.

Sous la monarchie de Juillet, qui promeut Thiers et Mignet, Carrel se retrouve seul maître à bord. Le quotidien, après s'être montré bienveillant à l'égard de Louis-Philippe, désapprouve d'abord sa politique extérieure, puis évolue, dès 1832, vers un républicanisme modéré, qui lui vaut d'être condamné à deux reprises pour offense au roi. Mais, en 1832 (année où Carrel est arrêté et emprisonné) comme en 1834, le journal est autorisé à poursuivre ses activités. Malgré un faible tirage (entre 3 000 et 4 000 exemplaires), le National joue un rôle influent parmi les élites hostiles à la monarchie. Après la mort de Carrel, tué en 1836 lors d'un duel l'opposant à Émile de Girardin (le directeur de la Presse), le quotidien est animé par Armand Marrast, qui durcit les attaques contre le pouvoir. L'érosion de son lectorat et la concurrence de la Réforme, qui affiche un républicanisme plus radical, n'empêchent pas le National de participer activement à la révolution de 1848. Marrast fait partie du gouvernement provisoire de la IIe République, qui a été conçu en grande partie dans les bureaux du National. Méfiant à l'égard de la révolution sociale, le quotidien exprime le point de vue de la bourgeoisie républicaine et approuve la répression de Juin. À l'élection présidentielle, le National se distingue comme l'un des plus fermes soutiens de Cavaignac, mais il paiera le prix fort pour son opposition au nouveau président, Louis Napoléon Bonaparte : moins d'un mois après le coup d'État du 2 décembre, le journal est interdit. Il disparaît définitivement le 31 décembre 1851.

nationalisation,

opération par laquelle l'État prend le contrôle d'une entreprise privée. La France a connu deux grandes vagues de nationalisations, en 1945-1946, puis en 1981-1982.

Les prémices.

• L'idée de nationalisation naît à la fin du XIXe siècle dans les milieux de la gauche syndicale et politique, en réaction à l'ordre libéral, qui condamne l'intervention directe de l'État dans l'économie. Mais, si au cours de la Première Guerre mondiale le rôle économique de l'État se développe, la droite et les radicaux restent hostiles aux nationalisations. Bien qu'adopté par la CGT à partir de 1918-1921, puis défendu par la SFIO, le principe de nationalisation suscite des réserves à gauche, d'aucuns redoutant qu'il ne serve davantage une « étatisation » de l'économie qu'une « socialisation » des forces de production. Les nationalisations sont absentes du programme du Front populaire, qui réforme néanmoins le statut de la Banque de France et fait passer les industries d'armement sous le contrôle de l'État. L'ampleur de la crise impose aussi un système d'économie mixte dans le domaine des transports : création d'Air France en 1933 et de la SNCF en 1937.

De la Libération à 1982.

• Une rupture décisive se dessine dans les sphères de la Résistance : sous l'impulsion des socialistes, le programme du CNR (15 mars 1944) prévoit « le retour à la nation de tous les grands moyens de production monopolisés ». À la Libération, les nationalisations font l'objet d'un consensus politique et social : gaullistes et modérés du MRP y voient un moyen de moderniser l'économie, de préserver l'indépendance de l'État et de mener une politique favorable à la croissance et à l'investissement ; pour la gauche et les syndicats, il s'agit de renforcer les droits des salariés au sein des entreprises. Discréditées, les élites patronales ne sont pas en mesure de s'opposer à un projet élaboré dans le cadre de l'édification de l'État-providence et de l'extension du service public. Mené pour l'essentiel par la première Constituante, et achevé au printemps 1948, le programme de nationalisations concerne le secteur monopolistique de l'énergie (Charbonnages, Électricité et Gaz de France), les moyens de transport (Air France, la RATP), ainsi que la Banque de France, quatre grandes banques de dépôt et les neuf principales compagnies d'assurances. Dans le secteur de l'industrie concurrentielle, l'État procède à la nationalisation- sanction de Renault et de Gnome et Rhône. Gérées dans des conditions proches de celles du secteur privé, les entreprises nationalisées apparaissent vite comme des réussites techniques et économiques plutôt que des « vitrines » sociales. Malgré certaines critiques, leur statut n'est pas remis en cause durant les années de croissance des Trente Glorieuses.