Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
N

Normandie (débarquement de), (suite)

La stratégie.

• Les grandes lignes de l'invasion sont arrêtées lors de la conférence de Téhéran, fin 1943. Mais les Alliés hésitent encore sur le lieu du débarquement. Ils pensent au Pas-de-Calais, plus proche à la fois des côtes britanniques et des frontières de l'Allemagne. Cependant, le secteur est puissamment défendu par les 58 divisions du maréchal Gerd von Runstedt et par les fortifications du mur de l'Atlantique. Aussi, Eisenhower, soucieux de provoquer une surprise stratégique, choisit-il la Normandie, plus éloignée de l'Angleterre, mais où l'ennemi est moins bien préparé. Par l'opération de deception (intoxication) « Fortitude », les Alliés feront croire aux Allemands que l'assaut en Normandie n'est qu'une diversion et les contraindront donc à maintenir une partie de leurs réserves dans le Pas-de-Calais.

Quant aux Allemands, ils hésitent sur la stratégie à appliquer. Rommel souhaite détruire les forces d'invasion sur les plages, grâce aux divisions blindées tenues en réserve. Von Rundstedt entend, lui, livrer bataille à l'intérieur des terres. Hitler tranchera en subordonnant toute intervention des chars à son accord personnel.

Les moyens.

• Les forces alliées ont massé en Angleterre des centaines de milliers de soldats, des dizaines de milliers de chars et de véhicules, et des milliers d'avions. L'opération initiale mobilise sept divisions d'infanterie, blindées et aéroportées. Ces dernières doivent être parachutées aux deux extrémités de la zone où débarqueront les forces terrestres alliées. Les Américains doivent débarquer sur deux plages situées de part et d'autre de l'estuaire de la Vire. - Omaha et Utah -, avec 57 000 hommes et 15 500 soldats aéroportés, et les Britanniques, sur trois plages du secteur de Caen - Juno, Sword et Gold -, avec 75 000 hommes et 8 000 soldats aéroportés.

Les moyens navals sont à la hauteur des forces terrestres. Le plan « Neptune » prévoit en effet que 4 000 navires convoieront, outre les hommes, 1 500 blindés et 16 000 véhicules. 1 500 bâtiments de guerre doivent appuyer de leur feu les forces d'invasion. La part qui revient aux forces aériennes est tout aussi considérable, avec 11 000 avions chargés de s'assurer la maîtrise de l'air et de couper les lignes de communication allemandes. En attendant de prendre Cherbourg, les Alliés prévoient en effet de faire transiter le flux logistique indispensable par un port artificiel, le Mulberry. Le ravitaillement en carburant sera assuré par un oléoduc courant sous la Manche.

Le jour « J ».

• Le mauvais temps retarde l'attaque jusqu'au 6 juin. Dans la nuit qui précède l'assaut amphibie, les troupes aéroportées parviennent à s'emparer d'un certain nombre de points stratégiques, non sans pertes importantes. À l'aube, les forces alliées commencent à débarquer, rencontrant une résistance plus ou moins forte selon les plages. Au soir du 6, les Anglo-Américains sont parvenus à établir leurs têtes de pont en territoire français, au prix d'une dizaine de milliers d'hommes perdus - beaucoup moins que ne le craignait Eisenhower. Mais la ville de Caen, objectif de la première journée, n'a pas été atteinte. Une dure, longue et meurtrière bataille attend encore les Alliés. Elle durera jusqu'au milieu du mois d'août, aboutissant à une défaite sans appel des forces allemandes.

Normandie (Échiquier de),

instance suprême de contrôle des finances du duché de Normandie, dénommée ainsi en raison de la table à damiers sur laquelle on dispose les jetons servant aux comptes.

Même si l'Échiquier anglais est attesté dès le début du XIIe siècle, rien ne prouve que son homologue normand en soit un simple décalque : au XIe siècle, déjà, le système financier du duché semble en effet très perfectionné et assez proche de celui que révèle plus tard, en 1180, le premier rôle (transcription des arrêts pris en séance) de l'Échiquier normand. En réalité, cette émergence correspond à la réorganisation menée dans l'administration de Normandie par le justicier Richard d'Ilchester, lui-même rompu aux méthodes de l'Échiquier anglais. Dès lors, la cour normande, réunie deux fois par an au château de Caen, contrôle étroitement les officiers ducaux, qui doivent lui rendre leurs comptes, et auxquels elle donne quitus ; d'autre part, les particuliers souhaitant faire valider leurs contrats recourent à sa juridiction gracieuse. Après la conquête de la Normandie par Philippe Auguste en 1204, l'Échiquier est maintenu en l'état et constitue une exception dans un royaume qui ne disposera d'une véritable Chambre des comptes qu'au XIVe siècle. Il juge toujours en dernier ressort, mais le caractère temporaire de ses réunions et l'instabilité de son personnel poussent les justiciables à s'adresser directement au parlement de Paris. En 1499, Louis XII transforme l'Échiquier en cour souveraine permanente, qui reçoit le nom de parlement de Rouen en 1515.

Normands,

terme désignant les « Hommes du Nord », plus généralement connus sous le nom de « Vikings », venus envahir les côtes occidentales de l'Empire carolingien, au IXe siècle.

Danois, Norvégiens et Suédois déferlent, tour à tour, à partir des années 819-820, semant la terreur, dans les estuaires de la Loire et de la Seine, puis plus au sud en Aquitaine. Utilisant leurs navires (snekkjur) pour remonter les fleuves, les assaillants pénètrent profondément dans le territoire franc, au point d'assiéger Paris en 845 puis, plus longuement, entre novembre 885 et octobre 886. Poussés par une soif de richesses, ils s'attaquent aux centres d'échanges, mais aussi aux monastères, dont les chroniqueurs nous ont laissé des récits épouvantés. En 911, un des chefs normands, vraisemblablement d'origine danoise, Rollon, conclut avec le roi Charles III le Simple l'accord de Saint-Clair-sur-Epte : Rollon devient le maître d'un vaste territoire sur la basse Seine, érigé en duché autour de Rouen, étendu en 924 au Bessin et au Maine, puis, en 933, au Cotentin et à la Manche ; en contrepartie, il entre dans la vassalité du roi de Francie occidentale et reçoit le baptême (912). Ainsi se trouve constituée une importante principauté du royaume de France, la Normandie, l'une des rares entreprises de colonisation scandinave appelée à connaître un grand avenir et dont la toponymie actuelle conserve encore le souvenir.