Devenu Saint Louis vingt-sept ans après sa mort, le roi Louis IX est sans doute, entre son grand-père Philippe Auguste et son petit-fils Philippe le Bel, l'une des figures les plus prestigieuses de la monarchie française.
L'hagiographie, relayée par une imagerie simplificatrice, n'a guère restitué la mesure de cette personnalité complexe, dont la richesse continue d'intriguer et de fasciner les historiens contemporains. Le roi à la piété fervente, le croisé hanté par la reconquête de la Terre sainte, est aussi le réformateur énergique de son royaume, l'arbitre que toute l'Europe a sollicité pour ses vertus de conciliation.
Les années de formation
Deuxième des huit fils de Louis VIII et de Blanche de Castille, le futur Louis IX naît sans doute à Poissy le 25 avril 1214. Il n'a que 12 ans lorsque son père meurt, au retour d'une expédition victorieuse en Languedoc (1226). De crainte d'avoir à affronter une coalition de féodaux, sa mère et les conseillers de Louis VIII hâtent son adoubement et son sacre, auquel certains barons s'abstiennent de paraître. Mais la reine sait se concilier le comte de Champagne et déjouer une tentative des grands pour s'emparer de la personne du roi ; elle conduit l'armée royale en Champagne et en Bretagne pour tenir les opposants en respect. Son principal succès est, en 1229, la conclusion du traité qui ramène le comte de Toulouse dans l'obéissance au roi.
L'éducation donnée par la reine Blanche de Castille à son fils marque profondément le futur monarque : elle allie de solides principes moraux et religieux à un apprentissage du métier royal qui inclut à la fois l'art du combat et les disciplines intellectuelles. Si les historiens ont insisté, à juste titre, sur le rôle de sa mère, il faut également faire la part des vieux conseillers de son père dans ces années de formation.
Marié en 1234 à Marguerite, fille du comte de Provence, Louis continue d'associer sa mère au gouvernement. Mais des dangers à la fois intérieurs et extérieurs menacent son royaume. Il doit affronter une coalition qui réunit le roi Henri III d'Angleterre, les comtes de la Marche et de Toulouse, soutenus par l'empereur Frédéric II. Ses victoires décisives de Taillebourg et de Saintes (1242) entraînent la soumission des deux comtes et la retraite du roi d'Angleterre.
La croisade
La chute de Jérusalem (août 1244) est certainement à l'origine de la prise de croix du roi, qui émet son vœu durant une grave maladie, indépendamment de la proclamation de la croisade par le pape. Préparée avec beaucoup de soin sur le plan logistique et financier, l'expédition met à contribution les églises et les villes. Le roi y ajoute une préparation morale : des religieux mènent une grande enquête sur les torts que ses agents et ceux de ses prédécesseurs ont pu infliger aux sujets du royaume, ce qui le conduit à prendre des sanctions contre certains de ses gens. Partie d'Aigues-Mortes le 25 août 1248, l'expédition séjourne longuement à Chypre, avant de se porter sur Damiette, port égyptien, que ses défenseurs abandonnent. On attend cependant la fin de la crue du Nil pour entamer une marche sur Le Caire. Mais la croisade tourne mal dans les mois qui suivent : la progression est difficile, et l'armée ne parvient pas à s'emparer de la forteresse de Mansourah (8 février 1250) ; exténuée par une épidémie, elle est obligée de battre en retraite, avant d'être écrasée par les Égyptiens. Comble de l'humiliation, le roi et une partie de son armée sont faits prisonniers (6 avril 1250).