gallicanisme, (suite)
Après la Révolution, ni la monarchie ni la faculté de théologie de Paris ne retrouvent l'appui de l'opinion publique sur des thèmes gallicans. Les évêques, soumis à l'État depuis le concordat de Napoléon, trouvent en Rome un contrepoids. La position gallicane est alors marginalisée. Quelques théologiens, surtout Dupanloup et Maret, maintiennent cependant une recherche théologique de grande qualité, pour éviter la mainmise du pouvoir pontifical sur l'Église.
Le gallicanisme théologique contre la primauté et l'infaillibilité pontificales.
• Les grands gallicans - Gerson, Bossuet, Maret - ont toujours été des modérés, s'opposant à des formes extrêmes de catholicisme, à la « mariodulie » comme à la « papolâtrie ». Leur opposition s'appuie sur les traditions de l'Église française, au prix d'un immense effort d'érudition. Ils refusent les développements absolutistes donnés à la puissance pontificale dans la mise en application de la Contre-Réforme, en particulier aux positions ultramontaines - le mot naît au XVIIe siècle - de Robert Bellarmin. Ils témoignent, dans l'histoire des doctrines ecclésiologiques, du refus d'identifier l'Église à la papauté. Bossuet refuse de parler d'infaillibilité du pape, il parle d'« indéfectibilité », exprimant par là que les erreurs, si elles se produisent, ne peuvent prendre racine dans l'Église de Rome, et qu'elles sont passagères et personnelles.
En 1794, la condamnation du gallicanisme (bulle Auctorem fidei) tient à sa liaison avec le jansénisme. En 1870, le concile de Vatican I déclare le pape « père et docteur de tous les fidèles ». Les jugements du Saint-Siège sont souverains, et même infaillibles lorsqu'il parle ex cathedra pour définir un point de dogme ou de morale. Ces jugements sont désormais irréformables par eux-mêmes, et non selon le consensus de l'Église : les positions gallicanes ne sont plus tenables.
En fait, Rome et les gallicans ne partaient pas des mêmes conceptions de l'Église et du ministère hiérarchique. Les ultramontains posaient d'abord le pouvoir pontifical, et faisaient tout découler de lui. Les gallicans posaient d'abord l'unité de l'Ecclesia, du corps des fidèles, et ensuite seulement le service hiérarchique de ce corps. Pour eux, l'autorité spirituelle est partagée à la fois par le pouvoir pontifical et par le pouvoir épiscopal, de sorte que l'un ne peut s'exercer sans l'autre. C'est pourquoi, selon eux, les décisions dans l'Église n'ont force de loi qu'une fois reçues par les évêques.
Le gallicanisme joue ainsi sur l'une des lignes de faille permanentes du catholicisme : les tensions entre pouvoir central et communautés locales, entre Église universelle et Églises locales. Des tensions redoublées, depuis le concile de Vatican II, par l'abandon de la définition « bellarminienne » de l'Église comme société hiérarchique, au profit de celle de « peuple de Dieu ».
Bien qu'il reste quelques groupes schismatiques se réclamant du gallicanisme (les Vieux Catholiques, l'Église d'Utrecht...), celui-ci survit aujourd'hui dans le catholicisme français comme un état d'esprit, et non comme un principe d'action. Il existe une sensibilité catholique française particulière, fort susceptible, parfois rebelle à toute ingérence déraisonnable de Rome dans le fonctionnement des Églises locales, mais celle-ci reste très atténuée dans les faits. L'apport des traditions ecclésiologiques françaises demeure cependant important dans les débats concernant l'équilibre entre Églises locales et Église universelle.