Le Front populaire est une alliance de diverses formations et organisations de gauche, constituée en 1934-1935 en réaction aux événements du 6 février 1934, dénoncés comme une manœuvre de l'hydre « fasciste ».
Victorieuse aux élections de 1936, cette coalition exerce le pouvoir à partir du mois de juin, avant de se disloquer entre juin 1937 et novembre 1938. Malgré sa brièveté, cette « expérience », qui est associée à un mouvement social d'une exceptionnelle intensité, marquera une étape importante dans l'histoire de la gauche.
Le rassemblement antifasciste
La crise des années trente atteint la France à partir de 1932, et s'aggrave pendant les années suivantes : la poussée du chômage, le marasme de l'activité, et la politique de déflation, qui consiste surtout à réduire le traitement des fonctionnaires, engendrent une inquiétude sociale généralisée, à laquelle s'ajoutent de sérieux doutes quant à la capacité du système politique de surmonter de telles difficultés. Alors que certains cercles ou groupes - les jeunes-turcs du Parti radical, ou des hommes politiques du centre droit, tel André Tardieu - se bornent à réclamer un aménagement du système, un courant de droite autoritaire et antiparlementaire, périodiquement réactivé lors des phases de troubles, connaît un regain à partir de 1933. Cette contestation antirépublicaine se manifeste par la création de ligues, mouvements de masse dont l'objectif est, dans la première partie des années trente, de faire pression sur le Parlement par des manifestations de rue. La montée en puissance de ces organisations culmine lors de l'émeute antiparlementaire du 6 février 1934, qui apparaît, pour nombre de citoyens attachés au régime démocratique, comme une tentative de coup de force « fasciste » susceptible de déboucher sur l'instauration d'une dictature analogue à celle de l'Italie mussolinienne ou de l'Allemagne hitlérienne. La gauche va donc s'unir contre ce danger, et constituer un rassemblement antifasciste. Cet antifascisme sera le ciment politique du Front populaire, tout comme la « défense républicaine » fut, au début du siècle, le dénominateur commun des socialistes, des radicaux et des modérés pour lutter contre l'agitation nationaliste.
Toutefois, dès le départ, les réactions face aux événements du 6 février 1934 révèlent de profondes divergences entre les différentes forces de gauche. Le Parti radical est lui-même traversé par des tensions : si Édouard Herriot voit dans la formation d'un gouvernement d'Union nationale, unissant les radicaux aux groupes parlementaires de centre droit et de droite, la solution susceptible de calmer l'agitation, Édouard Daladier, qui a dû quitter le pouvoir le 7 février, sous la pression de l'émeute, est favorable, pour sa part, à une alliance des gauches. À l'extrême gauche, le Parti communiste affirme toujours son hostilité globale à la république « bourgeoise », contre laquelle ses militants ont également manifesté le 6 février. La SFIO reste, quant à elle, marquée par des années de lutte acharnée avec le PCF. De tels désaccords expliquent que les contre-manifestations de masse, organisées pour riposter aux ligues, aient lieu en ordre dispersé : le 9 février, le PCF défile contre « les bandes fascistes » et contre « les fusilleurs Daladier et Frot » (ce dernier était ministre de l'Intérieur du gouvernement Daladier) ; pour le 12, la CGT lance un mot d'ordre de grève générale, auquel s'associe la SFIO, qui convoque une grande manifestation sur le cours de Vincennes. Et un cortège communiste se joint à celui des socialistes, place de la Nation.