Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

Cambon (Paul),

diplomate (Paris 1843 - id. 1924).

Après des études de droit, il entre dans l'administration, puis devient directeur de cabinet de Jules Ferry en 1870. Il entame ensuite une carrière dans la préfectorale : secrétaire général de la préfecture de Nice, puis de Marseille, il est nommé préfet de l'Aube en 1872 (poste dont il est révoqué en mai 1873), puis du Doubs en 1876, enfin du Nord en 1877. Il participe directement à la création du protectorat sur la Tunisie (traité du Bardo, 1881), dont il est ministre résident en 1882, puis résident général en 1885. Afin de soustraire le pouvoir civil aux empiétements des militaires, il obtient le rappel en France du général Boulanger, en poste à Tunis. En 1886, il entre dans la diplomatie : ambassadeur de France à Madrid, puis à Constantinople en 1890, où il contre l'influence allemande. Nommé à Londres après l'affaire de Fachoda (1898), il met en œuvre la politique de rapprochement entre les deux pays définie par Delcassé : il liquide ainsi le contentieux colonial et gagne la confiance du roi Édouard VII, en organisant la visite en France du souverain britannique, en 1903. Son action aboutit à l'Entente cordiale, signée le 8 avril 1904. En 1907, il intervient pour que le rapprochement entre la Grande-Bretagne et la Russie soit effectif et contribue de façon déterminante à l'élaboration de la Triple-Entente. En 1911, il permet le rapprochement entre les états-majors français et britannique. Il demeure ambassadeur à Londres pendant la guerre de 1914, avant de prendre sa retraite en 1920.

Cambon (Jules),

diplomate (Paris 1845 - Vevey, Suisse, 1935).

Frère de Paul Cambon, également diplomate, avocat en 1866, auditeur à la commission remplaçant le Conseil d'État en 1871, il entre au gouvernement général d'Algérie en 1874, puis devient préfet de Lyon en 1887, avant d'être nommé gouverneur général de l'Algérie de 1891 à 1897. Ambassadeur à Washington de 1897 à 1902, il négocie l'avenir du canal de Panamá et joue un rôle de médiateur dans la guerre entre les États-Unis et l'Espagne en 1898. Il est ensuite nommé à Madrid en 1902, puis à Berlin en 1907, où il reste jusqu'en 1914. Là, il cherche une issue à la crise d'Agadir, redoutant une guerre qu'il envisage toutefois en 1913 : « Il faut tenir notre poudre sèche », écrit-il au Quai d'Orsay. En août 1914, les Allemands l'humilient en le chassant de Berlin avec tout le personnel de l'ambassade. Le 30 octobre 1915, secrétaire général du Quai d'Orsay, il tente, en vain, de parvenir à une paix séparée avec l'Autriche. C'est la raison pour laquelle Clemenceau, partisan de la guerre à outrance, le marginalise. Élu à l'Académie française en 1918, Jules Cambon est l'un des cinq délégués de la France à la Conférence de la paix. En 1920, il préside la Conférence des ambassadeurs, chargée de veiller à l'application du traité de Versailles. Mis à la retraite en 1922, il écrit un roman, le Diplomate (1925), mais refuse de rédiger ses Mémoires. Il entre au conseil d'administration de la Banque de Paris et des Pays-Bas, de la Compagnie du canal de Suez, et donne régulièrement des articles à la Revue des deux mondes.

Cambronne (Pierre Jacques Étienne),

général de division, baron puis comte de l'Empire, vicomte de la Restauration (Nantes 1770 - id. 1842).

Cambronne est l'archétype des hommes dont la destinée a été modifiée par les guerres révolutionnaires et impériales. Né dans une famille de la bourgeoisie d'affaires, il suit ses études au collège des oratoriens de Nantes. Son cursus militaire est conforme à celui de nombreux anoblis. Il s'engage comme volontaire en 1792 et se fait rapidement remarquer par sa bravoure, sa générosité et son humanité. Il se distingue particulièrement à Iéna, en tant que colonel, puis durant la campagne d'Allemagne. Il devient baron de l'Empire en 1810 et général de brigade en septembre 1813. Il participe à la campagne de France pendant laquelle il est grièvement blessé. Il n'en demande pas moins l'autorisation d'accompagner Napoléon à l'île d'Elbe, où il assume les fonctions de commandant de Portoferraio. De retour à Paris en mars 1815 en compagnie de Napoléon, il refuse, arguant de sa jeunesse, le grade de général de division, mais accepte le titre de comte et la charge de pair de France. La résistance de sa division à Waterloo est demeurée célèbre même si l'énergie verbale qu'il y manifesta alors ne reflète pas sa bonne éducation. Figurant sur la liste des généraux accusés d'avoir pris les armes contre le gouvernement de Louis XVIII, il est aquitté en 1816 et réintégré dans l'armée, puis admis à la retraite en 1822. Il se retire près de Nantes. Il est rappelé une dernière fois dans ses fonctions militaires lors de la révolution de 1830.

camisards (révolte des),

soulèvement des protestants cévenols, de 1702 à 1710, contre Louis XIV.

Depuis les années 1550, les Cévennes et la plaine limitrophe sont un bastion calviniste. La révocation de l'édit de Nantes en 1685 y a provoqué un traumatisme alors que le protestantisme imprégnait toute la vie quotidienne. Au début du XVIIIe siècle, les protestants cévenols subissent de plein fouet la violente campagne d'acculturation menée par l'Église catholique et le pouvoir royal : surveillance des « nouveaux convertis », assistance obligatoire à la messe et au catéchisme, emprisonnements et déportations aux galères. La pratique secrète du culte protestant, les « assemblées au Désert », entretiennent un sentiment de culpabilité et une attente apocalyptique, mais la répression est efficace : après l'exécution de Claude Brousson en 1698, les prédicateurs itinérants se réfugient à l'étranger.

Les « enfants de Dieu ».

• Cependant, une autre forme d'expression se fait jour : depuis 1689, en Vivarais, des prophètes inspirés par l'Esprit-Saint, souvent des femmes et des enfants, annoncent le temps de la vengeance. Les rêves sont autant de signes divins ; on entend des psaumes résonner dans les cieux. Le prophétisme déferle sur les Cévennes en 1700-1701. La guerre de la Succession d'Espagne, qui met Louis XIV en difficulté, accélère le processus. Le 24 juillet 1702, un prêtre aux méthodes violentes, l'abbé du Chayla, est assassiné au Pont-de-Montvert, au pied du mont Lozère. Rapidement, la révolte embrase la région. Paysans ou artisans, les camisards, combattants « en chemise », se donnent des chefs issus du peuple, tels Cavalier dans la plaine, Castanet sur l'Aigoual, Abraham Mazel sur le Lozère ou Roland dans les basses vallées des Gardons. Exploitant le relief montagnard, la guérilla tient tête, avec moins de 4 000 hommes, à 20 000 soldats réguliers auxquels s'ajoutent les milices catholiques. Ces « enfants de Dieu », comme ils se nomment, sont vite appelés « fanatiques » par l'opinion française et européenne surprise par les événements. Ils s'abandonnent à des convulsions prophétiques, se déplacent selon les inspirations de l'Esprit-Saint et attaquent en chantant le psaume 68 (« Que Dieu se montre seulement... »). Alternant défaites et victoires, ils forment un abcès à l'intérieur de la France en guerre.