Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
I

Italie (campagnes d'), (suite)

De sa propre initiative, Bonaparte organise le pays conquis en créant des Républiques sœurs. Il alimente les caisses de l'État par les tributs qu'il impose aux vaincus et en s'appropriant de nombreuses œuvres d'art. En avril 1800, les Autrichiens, membres de la deuxième coalition, reprennent l'Italie du Nord. Devenu Premier consul, Bonaparte est confronté à une situation analogue à celle de 1796. L'essentiel des forces françaises se bat sur le Rhin, et les Autrichiens s'apprêtent à entrer en Provence. Bonaparte réunit alors des troupes dans les environs de Dijon et décide de traverser les Alpes pour prendre à revers l'armée autrichienne d'Italie. Le col du Grand-Saint-Bernard est franchi au mois de mai 1800. Le 14 juin, les Autrichiens surprennent les Français dans la plaine de Marengo. Vers 15 heures, la victoire leur semble acquise. À Paris, on envisage même la succession de Bonaparte. Mais l'intervention inespérée du général Desaix renverse la situation. Cette victoire décisive met un terme à la seconde campagne d'Italie.

Italie (guerres d')

Durant plus de soixante années, de 1494 à 1559, l'histoire du royaume de France est indissociable de celle d'une péninsule italienne divisée, devenue le champ clos de la rivalité entre les grandes monarchies nationales.

Principal enjeu de la lutte pour l'hégémonie européenne que se livrent alors la France et l'Espagne, l'Italie se révèle aussi, au-delà des heurs et malheurs de la guerre, un laboratoire d'idées qui fournit aux envahisseurs d'outre-monts - grâce à une réflexion inédite sur la politique, les arts, la langue et la société de cour - une partie significative des codes sociaux de la civilisation d'Ancien Régime.

Le « voyage d'Italie »

« Le 31 décembre 1494, à trois heures de l'après-midi, l'armée de Charles VIII entra dans Rome, et le défilé se prolongea dans la nuit, aux flambeaux. Les Italiens contemplèrent, non sans terreur, cette apparition de la France, entrevoyant chez les barbares un art, une organisation nouvelle de la guerre, qu'ils ne soupçonnaient pas » : c'est ainsi que Jules Michelet choisit, en 1855, d'ouvrir le premier chapitre consacré au XVIe siècle dans sa monumentale Histoire de France. Le récit de l'entrée des troupes du jeune roi de France Charles VIII dans la capitale de la chrétienté constitue, pour l'historien romantique, un événement dont les conséquences ne sont pas que militaires : l'affrontement entre « barbares » et héritiers de Rome, l'affrontement des armes et des lettres, marquent, selon lui, le début de la Renaissance française.

Ce tournant de l'histoire de France a été rendu possible par une conjoncture nouvelle dans l'ensemble de l'Europe. Les grandes monarchies nationales ont, depuis peu, pour l'essentiel, parachevé l'unification de leur territoire. L'Espagne, après le mariage des Rois Catholiques - Ferdinand d'Aragon et Isabelle de Castille -, a mené à son terme la Reconquista, avec la prise de Grenade en 1492. En France, l'habile politique de Louis XI a permis de récupérer les héritages angevin et bourguignon, avant même que le mariage d'Anne de Bretagne et de Charles VIII ne préparât le rattachement de la Bretagne à la France. Enfin, la nouvelle dynastie anglaise des Tudor, avec Henri VII, a ramené la paix civile dans la grande île du Nord, qui apparaît ainsi, de nouveau, comme un des acteurs importants de la politique continentale. Les souverains en place ont mis à la raison les grands féodaux, instauré un meilleur système de levée des impôts et une organisation plus efficace des armées. Les trois grands royaumes acquièrent ainsi les moyens de se lancer dans des entreprises militaires au-delà de leurs frontières.

Quant à l'Italie, son apparente prospérité économique n'a d'égale que la fragilité d'un équilibre politique inchangé depuis la paix de Lodi, signée en 1454. La Péninsule est divisée en une multitude de petits États, dont les cinq plus importants - les Républiques de Venise et de Florence, le duché de Milan, le royaume de Naples et les États pontificaux - sont surtout soucieux de défendre leurs intérêts particuliers et de brider la puissance de leurs voisins, quitte à faire appel au soutien de souverains « barbares ». Convaincus de leur supériorité culturelle, ils pensent pouvoir limiter les risques de telles alliances en s'aidant de subtiles combinaisons diplomatiques. C'est en particulier le cas de Ludovic Sforza, dit le More, qui entend asseoir son pouvoir dans le duché de Milan et étendre son influence en Italie grâce à l'appui de l'armée française. Par hostilité envers les souverains aragonais de Naples, Ludovic le More presse Charles VIII de passer les monts et commence à « faire sentir à ce roy, jeune de vingt-deux ans, des fumées et gloires d'Italie » (Commynes). La prise possible du royaume de Naples nourrit aussi les rêves chevaleresques de croisades contre les Turcs pour aller reconquérir Jérusalem.

La cour de France est divisée, mais les partisans du « voyage de Naples » prennent le dessus, et, durant les premiers jours de septembre 1494, une armée de trente mille hommes franchit les Alpes pour faire valoir les droits dynastiques des Valois sur le royaume de Naples. La conquête progresse avec une rapidité déconcertante : l'avancée de l'armée n'est même pas ralentie par la puissante artillerie, car les canons sont légers et montés sur des affûts tirés par des chevaux, et non par des bœufs. La moindre tentative de résistance est impitoyablement châtiée par la mise à sac des cités rebelles et le massacre de leurs défenseurs. Violence et rapidité sont les deux aspects dominants de ces nouvelles guerres.

En novembre, après quelques escarmouches en Ligurie, les Français se font ouvrir les portes de Pise, alors sous tutelle florentine, où ils sont accueillis en libérateurs. Puis ils entrent dans Florence : à cette occasion, les habitants chassent Pierre de Médicis et instaurent une république populaire, gouvernée par trois mille cinq cents citoyens et inspirée par le verbe enflammé de Savonarole. Ce dernier monte en chaire presque chaque jour pour critiquer la curie ou le pape Alexandre VI Borgia, et annoncer la prochaine réforme de la cité, de l'Église et du monde chrétien grâce à la venue d'un « nouveau Cyrus ». Celui-ci prend les traits du roi de France et alimente les derniers sursauts d'un mythe impérial prophétique. Mais l'attente apocalyptique - toute médiévale - de l'avènement de la justice et de la paix par l'entremise d'un nouvel empereur sera vite battue en brèche par les dures réalités de la guerre à outrance.