Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
T

triumvirat,

terme désignant pendant la Révolution française, sous la Constituante, le groupe constitué d'Antoine Barnave, d'Adrien Duport et d'Alexandre de Lameth.

Hostiles à la société d'Ancien Régime - le premier a défendu le principe de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le deuxième est à l'origine du vote par l'Assemblée de l'arrêté du 4 août 1789 relatif à l'abolition du régime féodal, le troisième se prononce en faveur de la séparation des pouvoirs et du veto suspensif –, ces constituants bénéficient d'une importante popularité au début de la Révolution. Ils défendent, par la suite, des idées modérées proches de celles de Mirabeau, dont ils poursuivent en quelque sorte le combat après sa mort, le 2 avril 1791. Partisans d'une monarchie constitutionnelle disposant d'un exécutif puissant, ils militent en faveur du renforcement des pouvoirs du roi et de l'élévation du cens. Ils sont hostiles à l'émancipation des hommes de couleur comme à l'abolition de l'esclavage dans les colonies (Lameth a pourtant été membre de la Société des amis des Noirs), et cherchent à arrêter le cours de la Révolution, qu'ils estiment menacée, entre autres, par la radicalisation des revendications populaires. Ils fondent alors le Club des feuillants en quittant, après la fuite de Louis XVI à Varennes (1791), le Club des jacobins. Mais, à ce moment, les triumvirs sont de plus en plus isolés. Parallèlement à leurs activités publiques, au cours de l'été 1791, ils deviennent les conseillers clandestins du roi, avant d'être contraints à l'exil (Duport et Lameth) ou condamnés à la guillotine (Barnave).

Trocadero (bataille du),

principale victoire française pendant l'expédition d'Espagne, remportée le 31 août 1823.

En 1820, un pronunciamento a imposé une Constitution libérale au roi Ferdinand VII d'Espagne, devenu quasiment prisonnier des Cortes. Réunis à Vérone à l'automne 1822, les représentants des puissances de la Sainte-Alliance, sous la pression des ultras, décident de confier à la France une intervention militaire pour rétablir l'absolutisme. Louis XVIII et le Premier ministre Villèle sont réticents, mais Chateaubriand, qui vient d'être nommé ministre des Affaires étrangères, leur force la main. Commandée par le duc d'Angoulême, l'armée française entre à Madrid, sans résistance, le 24 mai 1823, et poursuit le gouvernement libéral, qui s'est réfugié à Cadix. Le 31 août, la prise du fort Trocadero, qui défend cette ville, est décisive et permet la libération de Ferdinand VII.

Contrairement aux soldats de Napoléon quinze ans plus tôt, ceux de Louis XVIII sont accueillis en libérateurs, par une population majoritairement royaliste. Paradoxalement, c'est avec ses alliés, les absolutistes espagnols, que le duc d'Angoulême a le plus de mal. Il s'oppose courageusement à leurs excès et se brouille ainsi rapidement avec Ferdinand VII, refusant le titre de prince de Trocadero qui lui est offert. Il regagne la France, laissant sur place un corps expéditionnaire de 45 000 hommes, jusqu'en 1828.

Le succès de l'expédition d'Espagne consacre en France le triomphe des ultras, qui viennent par ailleurs de démanteler la charbonnerie. Cette « simple promenade » militaire rétablit, à bon compte, le prestige international de la France, humiliée depuis 1814.

Trochu (Louis Jules),

général et homme politique, président du gouvernement de la Défense nationale (Le Palais, Morbihan, 1815 - Tours 1896).

Aide de camp de Bugeaud en Algérie, de Saint-Arnaud en Crimée, où il devient général de brigade en 1854, il fait la campagne d'Italie de 1859 en tant que général de division. Chargé d'étudier la réorganisation de l'armée, il publie en 1867 l'Armée française, ouvrage critique où transparaissent des sentiments orléanistes, ce qui lui vaut d'être laissé sans emploi jusqu'en août 1870. Trochu se voit alors confier l'organisation du XIIe corps au camp de Chalons, avant d'être nommé gouverneur de Paris par Napoléon III, dont il doit précéder le retour. Tenu à distance par le comte de Palikao, il est en revanche soutenu par l'opposition et bénéficie d'une certaine popularité ; il accepte d'entrer dans le gouvernement de la Défense nationale (4 septembre 1870), à condition de le présider. Mais la longueur du siège de Paris et l'échec des tentatives de sortie, auxquelles il refuse d'associer la Garde nationale, le rendent impopulaire et le conduisent à démissionner de son poste de gouverneur après le dernier échec de Buzenval, en janvier 1871. Élu député en février, il doit faire face aux critiques de tous bords sur son bilan. Devenu favorable à un régime républicain conservateur, il répond aux rapports de la commission d'enquête parlementaire sur les actes du gouvernement de la Défense nationale par des discours puis par une série d'ouvrages, publiés entre 1871 et 1874 ; il intente même un procès au Figaro en mars 1872. Retiré de la vie publique dès 1872, il laisse des Œuvres posthumes en forme de plaidoyer pour son action.

trois ans (loi de),

loi du 9 août 1913 allongeant d'une année la durée du service militaire obligatoire, instauré en 1905.

La faiblesse démographique du pays, la crainte d'une brusque attaque allemande avivée par les projets de réarmement outre-Rhin et le souhait de conforter l'alliance franco-russe incitent les milieux dirigeants militaires (Joffre) et politiques (Poincaré, Briand, Barthou) à proposer cette réforme, qui va susciter une vive polémique. Les nationalistes, certains catholiques (Albert de Mun), les modérés de la droite jusqu'au centre gauche (Clemenceau) - ces derniers obéissant à des motifs défensifs –, la jugent nécessaire. Leur campagne de presse présente cette affaire comme une question « nationale » devant transcender les clivages politiques. En face, les antimilitaristes, les pacifistes, la CGT, les socialistes, une partie des radicaux (Caillaux), s'y opposent fermement. La SFIO organise une campagne de masse (pétitions, meetings) ; avec Jaurès (l'Armée nouvelle, 1911), elle met en avant l'idée de « nation armée » reposant sur des milices et d'efficaces troupes de réserve. L'agitation dans certaines casernes incite le pouvoir à renforcer la surveillance des milieux d'extrême gauche. Adoptée au Parlement après un débat houleux, la loi reste contestée ; mais ses détracteurs sortent encore minoritaires des élections de 1914. Avec ce texte, qui n'a pas eu d'utilité militaire directe, sont apparues d'inquiétantes divisions mais aussi un rapprochement des forces de gauche et un discours d'« union sacrée ».