Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
L

légitimisme, (suite)

Implantation et modes d'action.

• Le Parti légitimiste, solidement implanté dans le Lyonnais, le Midi provençal, le Languedoc et l'Aquitaine, est également présent dans l'Ouest vendéen. Il recrute dans l'aristocratie foncière, la bourgeoisie catholique des grandes villes du Sud, parfois dans le monde paysan. Il a ses députés, roturiers comme Berryer ou nobles comme Falloux et La Rochejaquelein. Une presse, toujours puissante et de qualité, défend ses positions : l'Écho du Midi, la Gazette universelle, l'Union monarchique ou la Mode, dirigée par Alfred Nettement. L'élite littéraire - Balzac, Vigny - le soutient. Son intransigeance et le devoir impératif de fidélité aux souverains détrônés confortent son opposition à la monarchie de Juillet. Cependant, trop tourné vers le passé, le légitimisme se coupe du pays et s'étiole dans de vaines commémorations ou dans de brouillonnes agitations telles que l'expédition de la duchesse de Berry et le complot de la rue des Prouvaires. Une forme de relève apparaît pourtant : en siégeant à la Chambre, Berryer ou Falloux comprennent la nécessité de composer avec les nouvelles règles institutionnelles pour exister ; parallèlement, un néo-légitimisme, autour de Chateaubriand, s'inspire des idéaux démocratiques dans l'espoir de réconcilier la monarchie et le peuple, et se rapproche ainsi des républicains.

Un mouvement d'idées.

• Dans la seconde moitié du XIXe siècle, le légitimisme reste bridé dans son action par son refus des régimes successifs : sa fidélité au comte de Chambord ne se dément pas et, jusqu'à la mort de ce dernier en 1883, fait échouer toutes les tentatives de fusion dynastique. Politiquement, le parti revit sous l'Ordre moral, qui laisse espérer une restauration de la royauté, avant que l'Action française ressuscite l'idéal monarchique au XXe siècle. C'est d'ailleurs dans le domaine des idées que le mouvement conserve une influence dans la société française : par la défense de l'Église et en premier lieu du pape, en condamnant la politique extérieure de Napoléon III en Italie, puis en luttant contre la loi de séparation des Églises et de l'État ; par ses préoccupations sociales ensuite - le catholicisme social d'Albert de Mun renoue avec le dessein démocratique d'une monarchie religieuse attentive au peuple.

Mais l'équilibre est instable : ouvert aux idées nouvelles, l'idéal légitimiste se dissout vite dans des mouvements plus vastes (Ralliement, Action catholique), qu'il contribue néanmoins à façonner. Arc-bouté sur sa spécificité, il se coupe de la société, ne subsistant que sous la seule forme d'un intégrisme doctrinal - comme en témoigne l'intégrisme catholique qui survit dans la France contemporaine.

Leipzig (bataille de),

bataille perdue par la France pendant la campagne d'Allemagne (16-19 octobre 1813), dite également « bataille des Nations ».

La première phase de la campagne d'Allemagne au printemps 1813 laisse les belligérants épuisés. Un armistice est décidé pendant lequel les coalisés - Prussiens, Russes et Anglais - se renforcent grâce au ralliement de l'Autriche et de la Suède. Le rapport des forces en présence devient très largement défavorable à Napoléon. Malgré des succès militaires (Dresde, le 27 août), les opérations de l'été et de l'automne n'entraînent aucune décision claire. Au début du mois d'octobre, Napoléon change de tactique et fait converger ses troupes (environ 160 000 hommes) vers Leipzig, espérant contraindre l'ennemi à engager la bataille. Cette fois, les coalisés sont bien décidés à profiter de leur supériorité numérique : grâce aux renforts arrivés pendant la bataille, ils alignent presque deux fois plus d'hommes que Napoléon. Les armées engagent le combat le 16 octobre au matin. Pendant trois jours, les offensives des coalisés sont contenues par les troupes françaises, malgré la défection des Saxons, jusque-là alliés de la France. Des villages sont pris, perdus, puis réoccupés. Dans cette mêlée confuse, l'artillerie joue un rôle capital. Dans la nuit du 18 au 19 octobre, Napoléon opte pour la retraite. Le bilan est particulièrement lourd : plus de 100 000 hommes sont tués ou blessés de part et d'autre. La défaite de Leipzig provoque un soulèvement général en Allemagne : l'armée française doit abandonner le terrain et reculer au-delà du Rhin.

Lenclos (Anne, dite Ninon de),

courtisane (Paris vers 1620 - id. 1705).

Belle, légère et instruite, Ninon aima suffisamment pour devenir un mythe, mais pas assez pour rencontrer l'amour. Abandonnée par son père, Henri de L'Enclos, officier épicurien de la suite de M. d'Elbeuf, en fuite après l'assassinat (déguisé en duel) du baron de Chaban, elle hérite de lui sa vision hédoniste de l'existence et son amour du luth. Entretenue d'abord par le conseiller Coulon (500 livres mensuelles), elle devient une courtisane patentée, et s'active alors dans l'entourage libertin de Gaston d'Orléans, prenant pour amants Coligny, Méré, Jarzé, Gersay, Sévigné, La Châtre, le duc d'Enghien... Les dévotes s'indignent. Anne d'Autriche l'interne dans un couvent : aux Madelonnettes, puis à Lagny. Libérée au bout d'un an, installée dans le Marais, Ninon, rendue prudente, se fait philosophe ; elle lit Montaigne, écrit la Coquette vengée (1659) et tient un salon où se presse tout ce que Paris compte de beaux esprits.

Morte à 85 ans, Ninon laissa un fils, Louis de La Boissière de Mornay (1645-1730), capitaine de vaisseau à Toulon. Qui en est le père : l'écrivain Saint-Évremond, le maréchal d'Estrées, ou l'abbé Effiat ? Ninon leur fit apporter trois dés : ils déclarèrent d'Estrées père de l'enfant ; mais c'est Villarceaux qui légitima le seul fruit de la belle Ninon.

Lendit (foire du),

au Moyen Âge, importante foire annuelle qui se tient au mois de juin, près de Saint-Denis, au nord de Paris.

Pendant le haut Moyen Âge, ce que l'on appelle « l'Endit » est un pèlerinage, mais pas encore cette foire célèbre que les légendes font remonter à tort au règne de Dagobert. D'après les sources, des pèlerins, dès l'époque carolingienne, viennent chaque année, le jour de la saint Jean - au moment de l'Endit, ou indictum -, vénérer les reliques de la Passion précieusement conservées à l'abbaye de Saint-Denis. Cette fête religieuse prend peu à peu de l'importance à partir du Xe siècle, et s'accompagne désormais d'une foire qui se tient dans l'abbaye même, puis dans le bourg et enfin, selon la volonté du roi Louis VI (1081-1137), dans la plaine de Saint-Denis entre Saint-Ouen, Aubervilliers, La Chapelle et Saint-Denis. Cette manifestation dure trois semaines, du premier mercredi de juin (où l'on fête saint Barnabé) jusqu'à la saint Jean, et se déroule après la fin de la foire de Provins (en mai) et avant le début de celle de Troyes (fin juin). À son apogée au XIIIe siècle, cette foire, située à proximité d'un grand carrefour de voies de communication, attire des marchands venus de toute la France du Nord et même des Pays-Bas et d'Italie. Ceux-ci vendent et achètent des draps de laine ou la production de vin qui reste de l'année précédente, mais aussi du parchemin. Ainsi, c'est auprès d'eux que l'Université de Paris vient s'approvisionner annuellement en parchemin, ce qui donne lieu à des fêtes et des tumultes. En louant les emplacements aux marchands, les moines de l'abbaye de Saint-Denis tirent d'importants profits de la foire, de même que le roi, qui prélève des taxes sur les échanges.