Collaboration, (suite)
Vers la soumission totale.
• En novembre 1942, avec le débarquement allié en Afrique du Nord, l'occupation consécutive de la totalité du territoire français et le sabordage de la flotte à Toulon, le régime de Vichy perd les seuls arpents de souveraineté qui pouvaient encore justifier le choix de la collaboration. Il fait néanmoins de l'utilisation de son administration et de sa police l'objet d'ultimes négociations, qui tournent au bénéfice de l'occupant. À partir de février 1943, les services français veillent à l'enrôlement de la main-d'œuvre vers l'Allemagne, dans le cadre du Service du travail obligatoire (STO) : en 1944, plus de quatre millions de Français travailleront directement pour l'économie allemande, en France même ou outre-Rhin. Quant à la police française, elle continue de traquer juifs, communistes et résistants. Elle est bientôt doublée par les hommes de la Milice, dont le secrétaire général Joseph Darnand, qui a prêté serment de fidélité à Hitler, rejoint le gouvernement au mois de janvier 1944. D'autres collaborationnistes, tels Marcel Déat et Philippe Henriot, font aussi leur entrée à Vichy. Après avoir envisagé de prendre leurs distances par rapport à l'occupant en décembre 1943, Pétain et Laval acceptent l'entière soumission du régime de Vichy aux intérêts du Reich.
Les collaborationnistes.
• La plupart des collaborationnistes sont restés opposés à Vichy jusqu'en 1944. Admirateurs du national-socialisme, ils rêvent d'une véritable alliance avec l'Allemagne, et reprochent à Pétain et à ses proches un certain attentisme. Regroupés, pour l'essentiel, à Paris, ils dirigent des partis - le Parti populaire français, de Jacques Doriot ; le Rassemblement national populaire, de Marcel Déat - et animent des journaux tels que Je suis partout (auquel collabore l'écrivain Robert Brasillach), qui bénéficient de l'appui financier de l'occupant. Mais leur outrance leur aliène le soutien de l'opinion. Le collaborationnisme évolue au cours de l'Occupation : limité d'abord à une activité de propagande, il fournit, par la suite, des hommes à la Milice ainsi qu'aux armées qui combattent sur le front de l'Est, sous uniforme allemand. Ces combats de la dernière heure attirent souvent des hommes jeunes et socialement déclassés.
Face à l'avancée des Alliés sur le territoire français, collaborationnistes et vichyssois gagnent l'Allemagne, au mois d'août 1944. C'est à Sigmaringen que l'État français connaît ses derniers jours.
Les interprétations.
• Dès les lendemains de la guerre, les défenseurs de Vichy ont voulu accréditer la thèse du double jeu ou de la raison d'État, alors que ses détracteurs ont assimilé l'attitude de Pétain, de Darlan ou de Laval à celle des collaborationnistes. En 1968, le politologue Stanley Hoffmann formule le concept de « collaboration d'État ». Puis, en 1972, Robert Paxton propose, dans la France de Vichy, des analyses qui font désormais autorité : Hitler n'a jamais considéré la France comme une alliée potentielle. Voulue par Vichy, la collaboration d'État a servi les intérêts des Allemands en leur garantissant la neutralité du vaincu et une occupation à peu de frais. Contrairement aux thèses des thuriféraires de Vichy, elle n'a guère amélioré le sort des Français ; tout au plus a-t-elle légitimé dans la société des comportements d'« accommodation » à la présence allemande, selon le terme de l'historien Philippe Burrin.