Versailles (château de). (suite)
Le roi envisagea un moment de détruire le château de Louis XIII pour édifier une résidence totalement neuve, mais il revint à l'idée de transformer le bâtiment existant. L'historien Jean-François Solnon a noté que ce parti pris devait peu de chose à la piété filiale, mais prenait en compte le souci d'économie, l'attachement de Louis XIV pour cette demeure dont il ne souhaitait pas s'éloigner longtemps, et enfin le désir de profiter des bâtiments déjà aménagés. Le Vau enveloppa le château de Louis XIII de nouvelles constructions, réussissant à aménager, entre le premier édifice et son enveloppe, deux cours intérieures. Si la cour de marbre conservait son aspect ancien - avec les trois couleurs, de la brique, de la pierre et de l'ardoise -, les trois autres façades étaient de pierre, et le toit était caché par des balustres, des trophées et des pots à feu. Deux enfilades parallèles de pièces correspondaient aux appartements - ceux du roi au nord, et ceux de la reine au midi : ils se terminaient par deux pavillons, et, à l'ouest, une terrasse à l'italienne sur les jardins allait de l'un à l'autre. Le Grand Escalier, dit « des Ambassadeurs », permettait d'accéder à l'appartement du roi. Au niveau du jardin, un appartement des bains fut aménagé.
L'essentiel était réalisé en 1670, lorsque Le Vau mourut : il avait aussi édifié au nord-ouest le Trianon de porcelaine, un pavillon vêtu de faïence. D'Orbay continua l'entreprise, mais ce qui comptait surtout, c'était désormais le programme pour la décoration des appartements, que devait réaliser Le Brun, premier peintre du roi, qui dirigeait l'Académie de peinture et la Manufacture des Gobelins. Le Nôtre, Le Vau et Le Brun ont donc été à l'origine du palais de Versailles : Louis XIV a ainsi pris à son service les créateurs que son ancien surintendant Fouquet avait su distinguer pour son château de Vaux-le-Vicomte.
L'appartement du roi était composé de sept pièces, consacrées aux divinités de l'Olympe : Diane, Mars, Mercure, Apollon, Jupiter, Saturne et Vénus. Le visiteur gravissait le Grand Escalier (ou escalier des Ambassadeurs), trouvait deux salons, dont celui de Diane, traversait la Salle des gardes (Mars), l'Antichambre (Mercure), la Grande Chambre (Apollon). À l'extrémité occidentale se trouvaient le Grand Cabinet dédié à Jupiter (qui fut plus tard le salon de la Guerre), puis, sur les jardins, la Petite Chambre du roi (Saturne) et son Petit Cabinet (Vénus). Le plafond du Grand Escalier offrait une architecture en trompe l'œil et Le Brun réalisa lui-même les peintures (1674-1679). Dans l'appartement, les murs étaient décorés de marbres et d'étoffes précieuses ; de grandes toiles ornaient les compartiments des plafonds, séparés par des reliefs en stuc doré : ce fut l'œuvre des disciples de Le Brun (1671-1679). Un mobilier d'argent, dessiné par le premier peintre, était destiné à l'étage royal. Les plafonds montraient la ronde des planètes autour du Soleil et, selon Félibien, historiographe des bâtiments, « il n'y a rien dans cette superbe maison qui n'ait rapport à cette divinité ».
L'historienne Hélène Himelfarb a décelé les choix essentiels qui ordonnent les jardins : au nord, côté roi, la mer et les monstres marins (Sirène, grotte de Thétis, Pyramide, allée d'eau, Dragon) ; au sud, côté reine, la terre féconde (parterre de l'Amour, Orangerie, Labyrinthe ésopique). Des scènes solaires ponctuaient les axes : grotte, Latone, bassin d'Apollon, Saisons. Néanmoins, selon cette historienne, « le symbolisme est flou, les figures du roi varient, la sculpture vise plus à plaire qu'à instruire ». Le thème solaire relèverait de la « galanterie », du « bel esprit », dans un château construit pour les fêtes et les plaisirs, et il fut oublié lorsque Versailles changea de fonction.
Principale résidence royale
Les séjours de Louis XIV à Versailles furent de plus en plus longs et, en 1677, le roi annonça que ce palais serait sa principale résidence : c'était chose faite le 6 mai 1682. Le goût des promenades en plein air, de la chasse et de la nature explique cette décision, ainsi que la possibilité pour le monarque de réaliser sa propre résidence, selon ses souhaits. Peut-être faut-il aussi envisager une défiance tenace à l'égard d'une capitale que Louis XIV a connue rebelle pendant son enfance. Cependant, le roi avait multiplié les embellissements dans la capitale et ne se décida que bien tard pour Versailles. Sans doute ne doit-on pas négliger la volonté de regrouper en un même lieu la cour, avec la famille royale, les princes et les membres de la grande noblesse, d'un côté ; la Maison du roi, les ministres et secrétaires d'État, les Conseils, d'un autre côté. Tous « sous l'œil du roi et du public, la résidence royale étant libre d'accès » (Hélène Himelfarb). Néanmoins, Louis XIV continua à fréquenter d'autres châteaux, tel Fontainebleau.
Il fallut donner une dimension nouvelle au palais auquel devait venir s'ajouter une ville nouvelle. Ce fut Hardouin-Mansart qui fut chargé de l'ensemble et qui se fit à la fois architecte et urbaniste. Les travaux durèrent longtemps. La construction, supervisée par Colbert, entraîna d'immenses dépenses et l'emploi de nombreux ouvriers (35 000 en 1685). Louvois y fit travailler des régiments. Le palais fut sans cesse remanié, car le roi changeait d'avis et multiplia les changements : il avait « un goût évolutif, jamais étroit, nullement figé » (François Bluche). Il fallut amener l'eau : après avoir tenté de détourner l'Eure grâce à l'aqueduc de Maintenon - cette tentative, vouée à l'échec, fut coûteuse en vies humaines -, on put tirer l'eau de la Seine grâce à la machine de Marly.
De 1678 à 1689, deux grandes ailes sont ajoutées, sur jardin pour les princes, sur cour pour les courtisans : la façade sur le parc était longue de 570 mètres. La terrasse fut remplacée par la Grande Galerie, dite « Galerie des glaces ». Sous le parterre du sud fut aménagée une immense orangerie, longée par le monumental escalier des Cent Marches et prolongée par la pièce d'eau des Suisses. Du côté oriental, l'avant-cour fut encadrée par les ailes des ministres. Les avenues de la ville nouvelle convergèrent vers le château, dessinant une place d'Armes où s'élevèrent la Grande et la Petite Écuries (1679-1682). Au sud se trouvaient la Chancellerie, la Surintendance, pour l'administration de l'État, le Grand Commun, destiné aux services du palais, qui occupa l'emplacement de l'ancien village détruit (1682-1684).