Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
F

fermier, (suite)

Au début du XIXe siècle, avec les fermiers de la Beauce « on se situe, selon Jean-Marc Moriceau, au sommet du capitalisme agricole ». À la fin du XXe siècle, un peu moins de 40 % de la surface agricole utile est en faire-valoir direct (le propriétaire est lui-même exploitant), et quelque 60 %, en fermage, le métayage ne constituant plus qu'une pratique résiduelle. Cependant, les systèmes mixtes ne sont pas rares : des fermiers achètent des terres, tandis que des propriétaires agrandissent leur exploitation en louant des parcelles libérées par l'exode rural.

fermiers généraux (mur des),

« enceinte fiscale » parisienne édifiée par la Ferme générale entre 1784 et 1787.

Conçu pour réduire la fraude sur les octrois (droits d'entrée sur les marchandises), ce mur de pierre, haut de plus de 3 mètres et long de 23 kilomètres, se substitue à la simple palissade qui séparait la ville de la campagne depuis le règne de Louis XIV. Il définit un nouveau périmètre - celui du Paris révolutionnaire - qui, annexant faubourgs et quartiers des guinguettes, passe de 1 000 à 3 400 hectares, et comprend une population très inégalement répartie.

D'emblée, le mur et ses trop somptueuses barrières provoquent un très vif mécontentement parmi les producteurs de vin, les commerçants, les consommateurs et les tenants de la libre circulation des marchandises, tel Louis Sébastien Mercier, qui tonne contre l'« inconcevable muraille » et la « rapacité financière ». Et, tandis que la célèbre formule populaire « Le mur murant Paris rend Paris murmurant » court la capitale, les fraudeurs inventent mille stratagèmes pour passer le mur. Symbole de la fiscalité abusive de l'Ancien Régime, à un moment où les prix des denrées ne cessent d'augmenter, il est la cible des Parisiens, qui incendient une quarantaine de barrières et mettent à sac les bureaux, dans la nuit du 12 au 13 juillet 1789. Reconstruites, ces dernières sont inaugurées en juin 1790 par les fermiers généraux, puis, les octrois et la Ferme générale étant supprimés en 1791, le mur est laissé un temps à l'abandon. Il reprend du service avec le rétablissement des impôts indirects sous le Directoire, en 1798 ; même si, après la création de la Régie des droits réunis (1804), les barrières ne jouent plus de rôle fiscal, elles demeurent utiles à la police.

Ferry (Jules François Camille),

homme politique (Saint-Dié, Vosges, 1832 - Paris 1893).

Il est peu d'hommes d'État dont la gloire posthume offre un contraste aussi marqué avec l'hostilité qu'ils ont subie lorsqu'ils détenaient le pouvoir. Jules Ferry est l'un des rares dirigeants de la IIIe République dont le nom soit toujours familier aux Français, ne fût-ce que parce qu'on l'a donné à nombre d'établissements scolaires ; il est aussi considéré par les historiens comme l'un des plus grands. Mais l'unanimité qui s'est faite sur la valeur de l'homme n'empêche pas son œuvre et son héritage politique d'être encore objets de débats.

Les années de formation.

• À la mort de sa mère, en 1836, Jules Ferry n'avait que 4 ans ; son père Charles-Édouard, avocat au barreau de Saint-Dié, a su veiller à l'éducation de ses trois enfants. Tout au long de sa vie, il trouvera en Charles, frère admirable, une affection, un dévouement, un appui matériel et moral indéfectibles. À son père, il doit, pour partie, son goût des études juridiques, où il s'est engagé au terme d'une scolarité exemplaire. Mais il lui doit surtout l'orientation de ses idées - aussi sa vocation peut-elle être comparée à celles de Clemenceau ou de Waldeck-Rousseau. Les Ferry appartenaient à la famille libérale. « Nos saints, les voici », aimait à dire son oncle Émile en montrant les bustes de Voltaire et de Rousseau. L'entrée de Jules dans la carrière politique a sans doute été facilitée par la réputation dont son père, libre penseur, conseiller général d'opposition sous la monarchie de Juillet, jouissait dans les milieux républicains.

En 1850, Charles-Édouard se fixe à Paris. Jules s'inscrit à la faculté de droit. Au lendemain du coup d'État, il s'enflamme pour Valette, son maître préféré, qui a lancé aux policiers : « J'ai deux titres à être arrêté aujourd'hui : je suis représentant du peuple et professeur de droit. » Ce qu'il a vu et entendu alors, Ferry ne l'oubliera jamais. Préoccupé d'assurer son indépendance à l'égard du nouveau pouvoir, le 20 décembre 1851, jour même du plébiscite, il s'inscrit au barreau de Paris. À la Conférence Molé, la plus ancienne des associations de juristes qui se proposent d'étudier les institutions françaises, et deviennent, de ce fait, un vivier de ministres, il s'affirme peu à peu comme l'un des chefs de file de la jeunesse républicaine. Il réunit tous les traits d'une culture où se mêlent les idées de Kant et de Condorcet, d'Auguste Comte (mort en 1853), de Stuart Mill, de Michelet et de Renan ; les voix des grands proscrits, Hugo, bien sûr - Ferry savait par cœur les Châtiments -, et Edgar Quinet ; mais aussi la poésie, la peinture et la musique romantique.

L'entrée en politique.

• Charles-Édouard meurt en 1856, et laisse une fortune qui permet à Jules de se consacrer de plus en plus activement à la politique. En ces temps où la presse, quoique étroitement surveillée, gagne chaque jour en influence sur l'opinion, il se révèle un polémiste de premier ordre. En 1864, sa condamnation au procès des « Treize » - treize opposants poursuivis au motif d'association illicite - le hisse au premier rang de l'état-major républicain. À la fin de 1865, il entre au journal le Temps. La série d'articles qu'il publie de décembre 1867 à mai 1868 sous le titre les Comptes fantastiques d'Haussmann, où il s'en prend à l'administration du préfet et, en particulier, au financement des grands travaux que celui-ci dirige dans Paris, lui assure un début de notoriété. On commence alors, note Maurice Reclus, à reconnaître l'homme aux grands favoris noirs - signe distinctif tant exploité, plus tard, par les caricaturistes.

Après avoir conquis de haute lutte la 6e circonscription de Paris aux élections législatives de 1869, il manifeste dans son opposition au régime une fermeté qui n'a d'égale que sa clairvoyance. Conscient de la menace que fait peser sur l'équilibre européen la défaite de l'Autriche à Sadowa, en 1866, il rompt avec son ami Émile Ollivier lorsque celui-ci se rallie à l'Empire libéral et se lance « d'un cœur léger » dans la guerre contre la Prusse. Combattant de la liberté, patriote rigoureux, Ferry se montre aussi, à partir du 4 septembre 1870, homme d'ordre et d'autorité. « Porté », suivant son propre mot, du Palais-Bourbon à l'Hôtel de Ville, aux côtés de Gambetta, pour y proclamer la République, il fait écarter du gouvernement de la Défense nationale les démagogues extrémistes. À partir de novembre, il cumule les fonctions de maire et de préfet de Paris. Du pouvoir il ne connaît d'abord que les charges les plus ingrates et l'impopularité. Sa première tâche, en effet, consiste à assurer le ravitaillement et le maintien de l'ordre. De là le surnom « Ferry-Famine », qui lui restera.