Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
S

service militaire. (suite)

En revanche, à partir de 1943, le service militaire est rétabli dans les territoires libérés, successivement en Afrique du Nord, en Corse, puis en métropole. Au lendemain du conflit, il est d'abord fixé à un an, puis à dix-huit mois, compte tenu des engagements de la France dans l'Alliance atlantique. Lors de la guerre d'Indochine, qui fait essentiellement appel à des professionnels associés à la Légion et à des contingents d'outre-mer, les appelés sont minoritaires, ne représentant que le tiers des effectifs. Il n'en va pas de même en Algérie, où leur proportion frôle les 60 %. Les appelés font alors vingt-huit mois de service, parfois davantage, et servent dans toutes les unités, y compris les parachutistes.

Les remises en cause.

• Avec la décolonisation, la création de la force de dissuasion et la refonte de l'armée, le service est ramené à dix-huit mois, puis à un an, et enfin à dix mois en 1991. Il cesse dès lors d'être égalitaire : des critères médicaux ou sociaux entraînent l'exemption du quart du contingent. Il présente de plus en plus une dimension civile, avec la coopération et l'aide technique, la participation aux tâches de sécurité civile, l'affectation à un service civil des objecteurs de conscience (bénéficiaires depuis 1964 d'un statut, amélioré en 1983).

Une étape majeure intervient en 1996, avec l'annonce de la suppression du service militaire dans le cadre d'une réduction massive des effectifs, liée à la fin de la menace soviétique et au choix de la professionnalisation. En effet, une armée d'engagés semble offrir de nombreux avantages : meilleure instruction, taux de disponibilité élevé, capacité d'intervention globale à la mesure de la « projection de puissance », c'est-à-dire d'interventions extérieures. Le rétablissement d'un service national reste cependant prévu dans le cas où resurgirait une menace majeure imposant une armée d'effectifs.

Le 30 novembre 2001, les derniers appelés sous drapeaux sont libérés. La conscription est remplacée par une Journée d'appel de préparation à la Défense, à laquelle les filles sont également soumises.

Sétif (émeutes de),

soulèvement - impitoyablement réprimé - dont Sétif (située en Algérie orientale) fut l'épicentre après des événements meurtriers survenus lors d'une manifestation nationaliste organisée le 8 mai 1945.

En ce jour de la victoire alliée sur le IIIe Reich, des cortèges d'Algériens musulmans défilent dans la plupart des villes d'Algérie, à l'appel des Amis du Manifeste et de la liberté (AML), mouvement créé par Ferhat Abbas en mars 1944. À Sétif, la manifestation est autorisée par le sous-préfet, à condition qu'il n'y ait pas de banderoles nationalistes. Mais des slogans anticoloniaux surgissent dans le cortège, et des coups de feu claquent, tirés par les forces de l'ordre et par des nationalistes : le bilan est de plus de vingt morts. Dans les heures qui suivent, les troubles s'étendent à Bône (aujourd'hui Annaba) et à Guelma, et gagnent les campagnes environnantes, où des fermes isolées sont attaquées : en une semaine, une centaine de d'Européens sont tués. Quant à la répression impitoyable qui s'ensuit, organisée par le général Henry Martin, commandant le 19e corps d'armée, elle fait plusieurs milliers de morts, mais aucun chiffre précis n'a pu être prouvé.

Si l'ampleur de la répression prête à débat - les autorités algériennes ont évoqué, par la suite, le nombre de 35 000 à 45 000 victimes -, l'interprétation de l'événement est, en elle-même, un enjeu de mémoire. Révolte de la misère pour les uns, insurrection frumentaire pour les autres, les émeutes du Nord-Constantinois constituent pour certains historiens, notamment algériens, une répétition générale de l'insurrection du 1er novembre 1954. Cette interprétation doit être nuancée car le mouvement se révèle largement improvisé et spontané. Mais l'indépendance de l'Algérie a bien été revendiquée, ouvertement, le jour de la victoire des Alliés.

Sèvres (manufacture de),

établissement créé à Vincennes en 1738, et installé à Sèvres en 1756, qui produit une porcelaine de renommée mondiale.

La production de porcelaine tendre s'est perfectionnée en France entre 1675 et 1730, mais le secret de la porcelaine dure, connu des Chinois depuis le VIIIe siècle, n'a été découvert en Europe qu'en 1709, à Meissen, en Saxe. Soucieux de limiter les importations saxonnes, chinoises et japonaises, le contrôleur général Philibert Orry finance en 1738 un atelier de recherche installé dans les dépendances du château de Vincennes. Après plusieurs échecs, naît en 1745 une compagnie privée subventionnée, dotée du monopole de fabrication des porcelaines « de même qualité que celles qui se font en Saxe ». Pour la sauver de la faillite, la Pompadour la fait transformer en une Manufacture royale (1753), toujours privée, mais dont le roi possède le tiers des parts. Elle est transférée à Sèvres en 1756, entre Paris et Versailles, dans une longue bâtisse élevée par Perronet (et qui a ensuite abrité l'École normale supérieure de jeunes filles de 1881 à 1940, puis le Centre international d'études pédagogiques) ; des bâtiments annexes sont construits à Crécy, près de Dreux. À la suite de nouvelles difficultés financières, le roi s'en rend propriétaire en 1759 ; ses 250 ouvriers, au statut privilégié (chimistes, sculpteurs, modeleurs, enfourneurs, peintres, décorateurs, etc.), répondent, dans cette « usine » modèle, aux nombreuses commandes de la cour, parmi lesquelles un service royal de 1 733 pièces. Les motifs, dessinés par des artistes réputés (Boucher), les fines dorures et ciselures, la variété des couleurs, puis les biscuits (statuettes non émaillées) à partir de 1751, la font apprécier des souverains étrangers et des riches particuliers, qui visitent sa galerie d'exposition ou passent commande aux grands marchands-merciers parisiens. Elle devient la première manufacture de porcelaine d'Europe, et les cadeaux royaux - pièces de Sèvres offertes aux hôtes de marque de la France - en font un instrument diplomatique.

À partir de 1768, Sèvres s'approvisionne en kaolin de Saint-Yrieix (Limousin), comme le font d'autres manufactures qui, protégées par des membres de la famille royale et installées à Paris, Orléans, Limoges ou Marseille, commencent, après 1780, à entamer son monopole. La perte de sa clientèle lors de la Révolution est catastrophique pour cette fabrique d'objets de luxe ; mais, en 1793, Catherine II de Russie la sauve de la faillite, en réglant le solde d'une commande d'un service de 755 pièces qu'elle avait passée en 1777.