Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
B

Bougainville (Louis Antoine, comte de), (suite)

Ses récits, publiés dans Voyage autour du monde, témoignent de l'acuité de son sens critique et de sa finesse d'analyse ; ses descriptions botaniques enrichissent considérablement les connaissances de l'époque en la matière - il a d'ailleurs laissé son nom à une plante, le bougainvillier. Son entreprise présente un caractère original - du moins, à partir de 1766 : elle n'a plus principalement une visée coloniale, comme c'était le cas aux XVIe et XVIIe siècles, mais poursuit un but scientifique. Son succès témoigne également des progrès substantiels accomplis en matière de techniques de navigation en l'espace d'un siècle.

Dès 1779, Bougainville reprend du service dans l'armée, et il participe à la guerre d'indépendance américaine. Mais, jugé responsable de la défaite infligée par Hood au large de la Martinique en avril 1782, il passe en cour martiale ; sa carrière militaire prend fin. À partir de 1790, il se consacre à ses travaux scientifiques, et entre à l'Institut en 1795. Napoléon le fera sénateur et comte d'Empire.

Boulainvilliers (Henri, comte de),

historien (Saint-Saire, Seine-Maritime, 1658 - Paris 1722).

Cet ancien élève des oratoriens de Juilly sert dans les mousquetaires jusqu'à son mariage, en 1689 ; bientôt veuf, il se voue à l'instruction de ses enfants et entreprend, à cette fin, un Abrégé d'histoire universelle, aux premières lignes duquel il rompt avec tout providentialisme en affirmant que Dieu « a abandonné le monde à notre dispute ». Sa quête de l'Histoire de l'ancien gouvernement de la France l'amène tout ensemble à exalter les libertés germaniques et à justifier la hiérarchie sociale. En réaction à la monarchie absolue, il fustige Bossuet d'avoir recouru à l'Écriture « pour forger de nouvelles chaînes à la liberté naturelle des hommes et pour augmenter le faste et la dureté des rois », et prône le rétablissement des états généraux. Convaincu de l'inégalité entre noblesse et roture, il remontre qu'elle procède de la conquête franque et s'est perpétuée par hérédité. Partant, il ne conçoit le second ordre que comme une caste militaire, exècre Philippe le Bel pour s'être « attribué la puissance d'anoblir le sang des roturiers », et défend l'égalité entre tous les membres de la noblesse, face à Saint-Simon, avocat de la prééminence des ducs et pairs. Par ailleurs, cet esprit féru d'astrologie judiciaire et doué d'une plume féconde a exposé, sous couvert de les réfuter, les théories de Spinoza, rédigé une Vie de Mahomet, et réfléchi aux Moyens d'augmenter considérablement les revenus du roi et du peuple.

Boulanger (Georges Ernest Jean Marie),

général et homme politique (Rennes 1837 - Bruxelles 1891).

Fils d'un modes-te avoué, entré à l'école militaire de Saint-Cyr en 1854, il commence sa carrière militaire en Grande Kabylie, où l'armée doit affronter un soulèvement. Il combat ensuite en Italie, puis en Indochine. Il est blessé lors de la guerre franco-prussienne de 1870. Sans participer à la « semaine sanglante » (21-28 mai 1871), qui entraîne l'écrasement de la Commune, Boulanger s'illustre dans la répression des communards. En avril 1880, il devient le plus jeune général de l'armée française. Grâce à ses relations mondaines, il bénéficie de l'appui du républicain Gambetta aussi bien que de celui du duc d'Aumale, l'un des chefs du parti monarchiste. Ses excellents états de service ainsi qu'une bonne connaissance de l'anglais lui valent d'être choisi pour conduire la délégation française invitée aux États-Unis à la célébration, en octobre 1881, du centenaire de la bataille de Yorktown. De retour à Paris en janvier 1882, il devient directeur de l'infanterie, et s'attire les sympathies de plusieurs radicaux, parmi lesquels Clemenceau, son ancien condisciple au lycée de Nantes. Également soutenu par Jules Ferry, il est nommé général de division en février 1884, et est affecté en Tunisie, où il se heurte au résident général Paul Cambon. Boulanger s'est forgé la réputation d'être un officier républicain et patriote. Le 7 janvier 1886, il devient ministre de la Guerre. Une autre carrière commence.

Un ministre républicain et populaire.

• Très actif, il promulgue en dix-sept mois soixante et un décrets et arrêtés. Il est à l'origine de l'introduction du lebel, premier fusil à répétition utilisé par l'armée française. Convaincu de la nécessité de préparer une guerre de revanche contre les Allemands, il travaille à la mobilisation des esprits : les guérites sont repeintes aux couleurs tricolores, chaque caserne est baptisée du nom d'un grand soldat français, un musée est installé dans chaque régiment. Dès son entrée en fonctions, il fait adopter un nouveau plan de bataille (le plan huit), entièrement tourné vers l'offensive. Le 26 avril 1886, il dépose sur le bureau de l'Assemblée un projet global de rénovation de l'armée, en partie inspiré par Clemenceau : une réforme profonde et égalitaire du service militaire y est prévue, mettant fin au tirage au sort qui désignait les conscrits et aux dispenses dont bénéficiaient les séminaristes. Sa popularité grandit. Chacune de ses tournées en province est un triomphe. Fier cavalier, de belle allure, connu pour ses succès féminins, Boulanger passe aussi pour un démocrate, soucieux du sort des hommes de troupe. Les conservateurs s'inquiètent à propos de ce ministre, qu'ils perçoivent comme une « créature » de Clemenceau, et qui fait placer des bustes de Marianne dans les salles d'honneur créées dans chaque garnison. Boulanger fait même rayer des cadres plusieurs membres de familles ayant régné en France. Lors des célébrations du 14 juillet 1886, il rencontre un succès personnel retentissant, qui conduit un chansonnier célèbre, Paulus, à adapter une marche de son tour de chant - En revenant de la revue -, qui devient, ainsi transformée, l'hymne du boulangisme. Multipliant les déclarations offensives et diplomatiquement maladroites, Boulanger peaufine son image de « général Revanche » : photographies, affiches, papillons, biographies, portraits, numéros spéciaux de périodiques, objets en tout genre, lui sont consacrés.

Naissance du boulangisme.