Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
M

Masque de fer (l'homme au), (suite)

Serait-il le duc de Beaufort ? L'hypothèse est séduisante : né en 1616, le petit-fils naturel d' Henri IV est le seul personnage de la famille royale à ne point laisser de cadavre. On perd sa trace après sa sortie contre les Turcs à Candie dans la nuit du 24-25 juin 1669, disparition qui arrange fort Colbert, secrétaire d'État à la Marine depuis février. Fouquet emprisonné (1661), Colbert ne souhaite pas partager le pouvoir avec le duc, grand maître de la Navigation et Commerce de France. Le 9 août 1670, à Notre-Dame, le roi clôt le débat : une messe est célébrée pour l'âme de son cousin germain ! Mais le corps de l'ancien chef de la cabale des Importants ne fut jamais retrouvé et on murmura longtemps : « C'est un coup de M. Colbert ».

Massalia,

colonie fondée vers 600 avant J.-C. par les Grecs de Phocée, sur le site de l'actuelle Marseille.

La cité installa elle-même des colonies sur le littoral méditerranéen, qu'il est souvent difficile de distinguer des comptoirs commerciaux et des simples fortins : Agatha (Agde), Antipolis (Antibes), Nikaia (Nice), Olbia, Saint-Blaise.... Elle jouit rapidement d'une grande prospérité grâce à son port et à l'exploitation d'un vaste arrière-pays, dans lequel elle introduisit la culture spéculative de la vigne et de l'olivier. L'achat et l'exportation de matières premières, le recrutement de mercenaires professionnels et le recours à une main-d'œuvre indigène ouvrirent l'économie fermée de la Gaule méridionale. En ce sens, Massalia joua un rôle moteur - qu'il ne faut pas exagérer - dans le développement proto-urbain du monde celtique. Des poteries étrusques, corinthiennes, athéniennes, rhodiennes et phocéennes, retrouvées lors des fouilles, suggèrent l'aire de diffusion du commerce massaliote.

La ville proprement dite, qui s'étendait sur une cinquantaine d'hectares, était disposée sur les buttes bordant au nord le Vieux-Port : Saint-Laurent, Moulins, Carmes, au pied desquelles la mer s'avançait plus profondément qu'aujourd'hui. Un marécage recueillait les eaux des différentes sources, mais ses rives furent consolidées à la fin du Ve siècle par des pieux en bois et des lits d'amphores. Aux IIIe et IIe siècles avant J.-C., un vaste programme d'assainissement permit d'assécher le marais, de construire des égouts et d'établir un remblai qui couvrit les anciennes nécropoles. Un nouveau rempart fut élevé, qui englobait l'ensemble des buttes, ainsi qu'un aqueduc. Un premier quai fut construit au nord-est de la corne. Les monuments de la ville grecque sont toutefois mal connus : des arsenaux, des temples dédiés à Artémis d'Éphèse, Apollon delphinien et Athéna, un théâtre.

La cité était dotée d'un conseil oligarchique de six cents timouques, célèbre dans l'Antiquité pour son bon fonctionnement. C'était aussi une thalassocratie puissante, dont les intérêts se heurtèrent rapidement à ceux des Étrusques et des Carthaginois. Une bataille navale à Alalia (Aléria, Corse) délimita en 537 avant J.-C. les aires d'influence entre ces grandes puissances. La cité entreprit aussi des expéditions. Celle de Pythéas, au IVe siècle, permit notamment de reconnaître la côte gauloise. Lors de la deuxième guerre punique (217-204), la cité s'allia, contre Hannibal, avec Rome qui intervint à plusieurs reprises pour la débarrasser de ses pirates, puis, en 125 avant J.-C., des Salyens. Les Romains en profitèrent pour créer la province de Narbonnaise, mais Massalia sut y conserver sa place de cité alliée (civitas foederata). Elle soutint toutefois Pompée contre César lors de la guerre civile et résista même à un long siège des césariens en 49 avant J.-C. Si elle conserva son statut, la cité fut amputée d'une grande part de son territoire, au profit de Nîmes et d'Arles, dont le port concurrença ses activités, sans jamais les ruiner complètement.

Masséna (André),

maréchal de l'Empire, duc de Rivoli, prince d'Essling (Nice 1758 - Paris 1817).

Élevé dans la petite bourgeoisie niçoise, Masséna s'engage de son propre chef, à l'âge de 13 ans, comme mousse sur un navire marchand. Mais, en 1775, il s'enrôle dans le régiment royal italien au service de la France ; il est adjudant sous-officier dès 1784. Privé de tout espoir de promotion supplémentaire en raison de ses origines roturières, il revient à la vie civile en août 1789. Séduit par les idées révolutionnaires, il s'engage parmi les volontaires du Var en 1792 et sert jusqu'en 1798 dans l'armée d'Italie. Il y devient général de division en décembre 1793. Son brillant succès lors du franchissement du pont de Lodi, le 10 mai 1796, lui donne l'occasion de se faire remarquer par Bonaparte. Après son rôle essentiel durant la bataille de Rivoli, il reçoit du général en chef le surnom d'« enfant chéri de la victoire ». À la tête de l'armée d'Helvétie en 1799, il se distingue à la bataille de Zurich. Un nouveau commandement dans l'armée d'Italie lui est confié après le 18 Brumaire. Relevé de cette fonction à la suite de la capitulation de Gênes, accusé d'avoir abusé du pillage, il est en outre soupçonné de se rapprocher des opposants au régime. Pour mieux s'assurer sa fidélité, Napoléon le fait maréchal en 1804. Boudant la cour, où il se sent peu apprécié, Masséna n'en devient pas moins duc en 1808, puis prince en 1809 après s'être brillamment conduit à Essling et à Wagram. Son commandement au Portugal en 1810-1811 s'étant achevé par une retraite, il est disgracié par Napoléon, auquel il se rallie pourtant pendant les Cent-Jours, si bien qu'il doit se retirer de toute vie publique à la seconde Restauration.

Massilia (affaire du),

épisode de la débâcle de 1940, survenu entre les 19 et 24 juin.

Après l'anéantissement du dispositif militaire français, et depuis le 14 juin 1940, les autorités de l'État - président de la République, gouvernement, membres des assemblées - se sont réfugiées à Bordeaux. Alors que le maréchal Pétain, nommé le 16 à la tête du gouvernement, fait transmettre aux Allemands une demande d'armistice, les présidents des assemblées - Jules Jeanneney et Édouard Herriot - envisagent un départ des autorités pour l'Afrique du Nord : il est prévu de faire partir les trois présidents (Albert Lebrun, président de la République, Herriot et Jeanneney) et les ministres de Port-Vendres, tandis que les membres du Parlement s'embarqueraient à Bordeaux sur le navire Massilia mis le 19 juin à leur disposition par l'amiral Darlan. Le même jour, les Allemands font savoir qu'ils acceptent le principe d'un armistice. Une très forte pression, émanant notamment de Pierre Laval, entouré d'un groupe de parlementaires ultrapacifistes, s'exerce alors sur les présidents pour qu'ils renoncent à cette expédition. Lebrun décide ainsi, le 21 juin, de rester en métropole, tandis que, le même jour, le Massilia appareille, dans des conditions parfaitement régulières. Il emporte à son bord 27 parlementaires, pour la plupart de gauche (13 radicaux, 7 socialistes, 3 divers gauche, 3 députés de droite et Georges Mandel), dont 7 avaient été ministres du Front populaire à des postes de premier plan, tels Édouard Daladier, Yvon Delbos, Jean Zay. Arrivés à Casablanca le 24 juin, après la signature de l'armistice, ces personnalités sont aussitôt mises en cause pour leur « fuite » et retenues en Afrique du Nord jusqu'au 18 juillet, certaines d'entre elles faisant l'objet de poursuites.