Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Constituante ou Assemblée nationale constituante,

première Assemblée nationale française (17 juin 1789-30 septembre 1791).

Le 17 juin 1789, considérant qu'ils représentent les quatre-vingt-seize centièmes de la nation, les députés du Tiers, rejoints par dix-neuf curés, décident, sur proposition de Sieyès, d'abandonner le nom d'« états généraux » pour celui - avancé par Legrand, député du Berry - d'« Assemblée nationale ». Ce faisant, ils opèrent un véritable transfert symbolique de souveraineté : ils ne sont plus les députés d'un ordre, convoqués par le roi pour le conseiller et pouvant être renvoyés par lui, mais deviennent les représentants de l'ensemble de la nation, détentrice de la souveraineté. En tant que tels, le même jour, ils s'arrogent le droit de consentir l'impôt sans l'accord du roi.

Une révolution juridique.

• Premier acte fondamentalement révolutionnaire de 1789, cette transformation ouvre la voie à la « révolution juridique » (ou « parlementaire ») : le 20 juin, par le serment du Jeu de paume, les députés du Tiers jurent de ne pas se séparer avant d'avoir « établi » une Constitution ; le 23, ils refusent d'obéir au roi qui leur ordonne de siéger par ordre. Finalement, Louis XVI cède : le 27, il invite le clergé et la noblesse à se joindre au Tiers. Après avoir créé un comité de Constitution le 7 juillet, l'Assemblée nationale se proclame « Assemblée nationale constituante » le 9 juillet. Siégeant d'abord à Versailles, où avaient été réunis les États généraux, elle suit le roi à Paris en octobre 1789, et s'installe dans la salle du Manège du palais des Tuileries. Elle est composée des 1 315 députés aux États généraux : 25 % d'entre eux sont des membres du clergé ; 18 %, des militaires (nobles, en grande majorité) ; 40 %, des avocats, hommes de loi ou titulaires de charges publiques ; seulement 7 % des députés appartiennent aux milieux d'affaires ; les campagnes sont sous-représentées, et le peuple urbain est absent. Très vite apparaissent des divergences d'opinion. Les députés les plus favorables à la Révolution siègent à la gauche du président, alors que les « aristocrates » se regroupent à sa droite. Mais les positions évoluent vite, et nombreux sont ceux qui, figurant à gauche en 1789, se retrouvent à droite en 1791.

Les fondements d'une nouvelle société.

• La Constituante n'a pas seulement légué un vocabulaire politique : en deux ans, elle accomplit une œuvre immense, rompant avec l'Ancien Régime et construisant une société nouvelle. Durant la nuit du 4 août 1789, alors que les campagnes sont en révolte (la Grande Peur), elle abolit les privilèges et la féodalité : même si le décret du 11 août limite ces mesures (la majorité des droits seigneuriaux sont déclarés rachetables), les fondements de l'Ancien Régime sont mis à bas. Dans le même élan, les députés décident de déclarer solennellement de nouveaux principes, ceux du droit naturel : le 26 août, ils votent la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, fondement (théorique) de la Constitution. Ce double mouvement de destruction et de reconstruction se retrouve dans tout le travail législatif et constitutionnel de l'Assemblée : réformes fiscale, judiciaire, administrative ; unification du territoire national ; affirmation du libéralisme économique ; avènement d'une monarchie constitutionnelle, etc. Les débats sont parfois longs et animés, notamment lorsque la majorité de la Constituante contrevient aux principes qu'elle a elle-même affirmés dans la Déclaration des droits (en adoptant le suffrage censitaire ou en maintenant l'esclavage dans les colonies, par exemple). La Constituante est aussi confrontée aux premières crises de l'histoire révolutionnaire : problèmes économiques et sociaux, conflit religieux ouvert par la Constitution civile du clergé (12 juillet 1790), organisation de la Contre-Révolution, fuite du roi (juin 1791) et montée d'un sentiment républicain réprimé dans le sang le 17 juillet 1791 (fusillade du Champ-de-Mars). Le 3 septembre 1791, les constituants adoptent une Constitution qui est acceptée par le roi dix jours plus tard. Après avoir décidé leur non-rééligibilité, ils se séparent, le 30, aux cris de « Vive le roi ! Vive la nation ! », pour laisser place à l'Assemblée législative.

Constitution de 1946,

loi fondamentale de la IVe République, ratifiée par référendum le 13 octobre 1946 et promulguée le 27. Elle résulte d'un difficile compromis.

D'un référendum à l'autre

• . À la Libération, l'espoir d'un renouveau, largement partagé par les Français, se traduit par « le double rejet de la IIIe République et du régime de Vichy » (Serge Berstein). Le référendum du 21 octobre 1945 confirme cette tendance de l'opinion, puisque 96 % des électeurs répondent « oui » à la première question posée : « Voulez-vous que l'Assemblée élue ce jour soit constituante ? » Il s'agit d'une victoire du général de Gaulle et des trois grands partis (PCF, SFIO, MRP), qui, tous, ont appelé à l'élaboration d'une nouvelle Constitution. Cette tâche s'avère plus longue et plus ardue que prévu. Après la démission du général de Gaulle (20 janvier 1946) et l'accord sur le « tripartisme » (coalition gouvernementale) conclu entre le PCF, le MRP et la SFIO, un premier projet de Constitution est adopté par l'Assemblée le 19 avril 1946. Il se caractérise par un esprit « progressiste », insufflé par la forte poussée des partis de gauche : une Assemblée unique issue du suffrage universel y apparaît comme « l'organe politique essentiel et souverain » (André Siegfried) ; elle élit le président de la République et le président du Conseil, et dispose de pouvoirs presque sans limites. Pour la première fois dans l'histoire du pays, un projet soumis aux citoyens par référendum est repoussé le 5 mai 1946 : les « non » (10 584 359) l'emportent assez nettement sur les « oui » (9 454 034). Ce refus, imputable en partie à une peur du communisme, provoque l'élection d'une seconde Assemblée constituante, le 2 juin 1946. Le deuxième projet de Constitution ne s'écarte pas fondamentalement du premier. Après le plaidoyer du général de Gaulle en faveur d'un exécutif fort (discours de Bayeux, 16 juin 1946), les parlementaires tiennent à affirmer la prééminence du pouvoir législatif. Le nouveau texte adopté par l'Assemblée le 30 septembre 1946 est soumis aux Français par référendum, le 13 octobre. Le « oui » l'emporte, mais de justesse, avec 53,5 % des suffrages exprimés (soit 36,1 % des inscrits), contre 46,5 % (31,3 % des inscrits), le taux d'abstention étant très élevé (31,2 % des inscrits).