Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Grandes Chroniques de France, (suite)

Ces chroniques connaissent un succès considérable - trois cents manuscrits recopiés -, la clientèle étant principalement composée de princes et de grands nobles. C'est, en outre, le premier ouvrage imprimé à Paris en 1477, dont le récit se poursuit jusqu'à la mort de Charles VII en 1461. Mais, à partir du XVIe siècle, ces chroniques ne sont plus éditées, car elles sont à bien des égards caduques, beaucoup doutant, par exemple, des origines troyennes des Francs.

Grand Hiver,

expression désignant l'hiver de 1709, qui impressionna les contemporains par sa rigueur, ainsi qu'en témoignent les nombreuses mentions dans les registres paroissiaux, les livres de raison ou les correspondances administratives.

Dès l'automne 1708, des gelées annoncent un hiver précoce. Mais le Grand Hiver commence véritablement « aux Rois », le 6 janvier 1709 : une vague de froid d'une intensité inhabituelle s'abat sur l'ensemble du pays et, pendant près de trois semaines, des températures inférieures à -10 oC, descendant parfois jusqu'à - 20 oC, sévissent. La désolation est générale : rivières et côtes prises par les glaces ; faune décimée ; vignes et arbres - noyers, châtaigniers et oliviers notamment - détruits ; et, surtout, blés gelés dans le sol. Pour conjurer la famine qui menace, une déclaration royale du 27 avril enjoint d'ensemencer « en orge, bled-sarrazin ou autres espèces de grains convenables à la saison présente ». Grâce à une conjonction de facteurs favorables, la récolte d'orge est toutefois exceptionnelle. Cela n'écarte pourtant pas la famine, que la seule rareté des grains ne suffit pas à expliquer. Ceux qui disposent de réserves (les « usuriers du grain », selon le procureur d'Aguesseau) les retiennent, alimentant une « cherté », qui, compte tenu de la médiocrité de la récolte de 1708, avait fait sentir ses effets dès l'automne précédent. Ainsi, à Gonesse, au nord de Paris, le prix du setier de froment (156 litres), égal à 10 livres en 1708, atteint 70 livres en octobre 1709, à l'époque des semailles. Le prix des orges, malgré leur abondance, passe de 5 à 40 livres.

C'est cette « cherté » qui, en rendant le prix du pain prohibitif, plonge dans la misère une grande partie de la population, déjà éprouvée par la guerre de la Succession d'Espagne. Paysans, artisans, ouvriers vont par milliers grossir le nombre déjà élevé des « errants ». En quête de moyens de survie, refoulés des villes où ils ont cru trouver refuge et pitance, ces miséreux se jettent sur n'importe quelle nourriture : herbes, racines, « pain de fougère », voire charognes... À la fin de l'été 1709 et jusqu'en 1710, les maladies - dysenterie, scorbut, rougeole, variole - frappent ces organismes mal nourris, provoquant une brutale hausse de la mortalité, tandis que la natalité chute. Au total, selon les estimations de Marcel Lachiver, le froid, la faim et la maladie auraient provoqué la mort de 630 000 individus. Et, si l'on tient compte du déficit des naissances, les pertes consécutives au Grand Hiver dépasseraient le million.

Si cet épisode a marqué la mémoire collective, il n'est pourtant ni la seule ni la plus grave des « mortalités » que la France ait connues sous l'Ancien Régime : la crise de 1693-1694 a entraîné des pertes encore plus lourdes (1,5 million de morts). Mais l'hiver de 1709 s'inscrit dans la série des « années de misère » du « tragique XVIIe siècle », ponctuées de mauvaises récoltes imputables au « petit âge glaciaire » que traverse alors l'Europe. Les historiens sont partagés quant à l'origine alimentaire de ces grandes « mortalités ». Pourtant, la chronologie de la crise de 1709 suggère que c'est bien, sinon la rareté, du moins le prix élevé des subsistances qui est à l'origine de l'hécatombe ; à quoi s'ajoutent les maladies endémiques et les « malheurs de la guerre ». Une conjugaison de calamités que les contemporains exprimaient dans leurs prières : A peste, fame et bello libera nos Domine ! (« De la peste, de la faim, de la guerre, délivre-nous, Seigneur ! »).

Grand Schisme,

conflit qui divise la chrétienté d'Occident de 1378 à 1417. La mort du pape Grégoire XI, quelques mois après son retour à Rome - retour qui mettait fin au séjour de la papauté en Avignon -, ouvre une crise sans précédent dans l'histoire de l'Église.

Deux obédiences.

• Sous la pression de la foule romaine, le Sacré Collège élit, le 8 avril 1378, un Italien, Bartolomeo Prignano, qui devient pape sous le nom d'Urbain VI. Mais, devant son attitude agressive, treize des seize cardinaux invalident cette décision, et, le 20 septembre 1378, élisent le cardinal Robert de Genève, qui prend le nom de Clément VII, et retourne en Avignon. Ce dernier a l'appui du roi de France Charles V, qui fait proclamer son élection. Mais Urbain VI ne se déclare pas vaincu, et, bientôt, princes et rois doivent choisir d'obéir à l'un ou l'autre pape, créant ainsi deux « obédiences ». La France, la Savoie, l'Écosse, la Navarre, la Castille, l'Aragon, l'Autriche, le Portugal et Naples sont « clémentistes » ; l'Angleterre, l'Empire, la Hongrie, la Pologne, la Scandinavie et la Flandre sont « urbanistes ». La guerre de Cent Ans se livre aussi sur le terrain religieux.

Dès l'origine, des clercs et des personnalités politiques se sont employés à « réduire » le schisme, en imaginant plusieurs moyens : la voie de fait (la guerre), la voie de cession (ou le compromis, les deux papes étant invités à se démettre) et la voie du concile. Cette dernière aura raison du schisme.

Les expéditions militaires, peu efficaces, sont rapidement abandonnées au profit des démarches diplomatiques, surtout après la mort d'Urbain VI, en 1389. Mais les partisans du défunt pape élisent immédiatement un nouveau pape italien, Boniface IX, qui campe sur ses positions. Le décès de Clément VII ne met pas fin au schisme puisqu'en 1394 un nouveau pape est élu en Avignon, le cardinal aragonais Pedro de Luna (Benoît XIII). Les clercs du royaume de France, réunis en assemblée en février 1395, se déclarent favorables à la démission spontanée des deux papes, puis décident, en 1398, de ne plus obéir à Benoît XIII, procédant ainsi à la « soustraction d'obédience », qui est votée dans une période propice, puisque les rois de France et d'Angleterre sont en paix. Si la soustraction d'obédience n'a pas de suite - car les relations franco-anglaises se détériorent rapidement -, elle permet au clergé français de faire l'apprentissage de l'autonomie à l'égard de l'autorité papale.