Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
B

Bourgogne, (suite)

L'apogée au temps des ducs valois.

• En 1363, le roi Jean le Bon concède en apanage le duché de Bourgogne, alors en déshérence, à son fils cadet Philippe le Hardi : ce dernier régnera jusqu'en 1404, et ses descendants se maintiendront jusqu'en 1477. Une habile politique matrimoniale permet à cette famille, à partir de 1384, d'étendre peu à peu son autorité sur un vaste ensemble de territoires de part et d'autre de la frontière entre la France et l'Empire germanique. Celui-ci comprend, outre le duché (agrandi en 1435 des comtés de Bar-sur-Seine, Auxerre et Mâcon), le comté de Bourgogne (Franche-Comté) et surtout une grande partie des Pays-Bas, de l'Artois à la Hollande et de la Flandre au Luxembourg : c'est une des régions les plus riches de l'Europe. De là vient l'essentiel de la puissance de ces « grands ducs d'Occident », qui permet successivement à Jean sans Peur (fils de Philippe le Hardi) d'imposer quelque temps en France l'hégémonie du « parti bourguignon » ; à Philippe le Bon de pratiquer une politique d'équilibre entre les Anglais et Charles VII, et d'obtenir en 1435 la rupture du lien de vassalité qui le rattachait à celui-ci ; à Charles le Téméraire, enfin, de rêver d'une couronne royale que lui conférerait l'empereur Frédéric III.

La Bourgogne proprement dite, desservie par le déplacement vers l'est des principales routes commerciales, affaiblie par les opérations militaires et les passages de troupes liés à la guerre de Cent Ans, apparaît comme un élément secondaire du vaste ensemble « burgundo-flamand ». La pratique du mécénat par les princes et leur entourage lui permet cependant de devenir un des lieux privilégiés de l'ultime floraison de la civilisation médiévale. Poètes et chroniqueurs écrivent évidemment en français, mais l'influence de l'art du Nord s'exerce souverainement à la chartreuse de Champmol (le « Saint-Denis » des ducs, aux portes de Dijon), où travaillent Claus Sluter et ses disciples, et à l'hôtel-Dieu de Beaune, création du chancelier Nicolas Rolin.

Les institutions du duché évoluent parallèlement à celles du royaume. Une Chambre du conseil seconde le duc et sert de tribunal suprême, concurremment avec les Jours généraux de Beaune. Une Chambre des comptes contrôle les châtelains, receveurs et baillis nommés par le duc, qui reçoit périodiquement des députés des trois ordres le droit de percevoir les impôts nécessaires au luxe de sa cour et à une politique extérieure active et souvent belliqueuse. Mais la construction géopolitique des ducs valois est artificielle et fragile : l'unité de ces territoires dispersés et disparates repose surtout sur la personne du prince. Lorsque Charles le Téméraire, incapable de concentrer ses forces contre son principal adversaire, Louis XI, meurt au siège de Nancy le 5 janvier 1477, le rattachement du duché de Bourgogne au domaine royal s'effectue sans difficulté majeure.

Une province originale.

• L'annexion n'est d'abord pas admise par les légitimes héritiers du dernier duc : la Bourgogne est revendiquée par Maximilien de Habsbourg, qui a épousé Marie de Bourgogne, fille de Charles le Téméraire, puis par leur petit-fils, l'empereur Charles Quint, jusqu'en 1544. Mais leurs prétentions ne suscitent localement à peu près aucun écho. La Bourgogne reste d'ailleurs le plus souvent à l'abri des opérations militaires grâce au traité de neutralité signé avec la Franche-Comté habsbourgeoise en 1508, et renouvelé par la suite. Elle sera cependant sévèrement atteinte par les guerres de Religion (« chevauchées » des « reîtres » protestants, puis luttes entre ligueurs et royalistes), et, surtout, après la rupture du traité de neutralité, lors de la guerre de Trente Ans, de 1636 à 1648. Il lui faudra subir encore les dures épreuves de la Fronde et les terribles famines de la fin du règne de Louis XIV. La Bourgogne connaîtra la paix et une relative prospérité pendant la première moitié du XVIe siècle, le début du XVIIe et l'époque des Lumières. À partir de 1646, la province forme un gouvernement, confié aux princes de Condé, assez peu présents, mais influents, et une généralité, dont l'intendant, installé à Dijon, est, comme ailleurs, l'agent le plus fidèle du roi. Mais deux institutions traditionnelles résistent, dominées par l'aristocratie de la province, dont elles se targuent de défendre les « libertés » : les états, dominés par le haut clergé, la noblesse et d'étroites oligarchies urbaines ; le parlement, héritier des Jours généraux, dont les officiers, issus d'anciennes lignées bourgeoises, sont quasiment tous nobles et grands propriétaires, les guerres et les crues fiscales de la période 1560-1660 ayant été très favorables aux opérations de concentration foncière et de consolidation du régime seigneurial. Réduits à l'obéissance sous le règne personnel de Louis XIV, les hauts magistrats dijonnais, tout comme leurs homologues parisiens, retrouvent, au XVIIIe  siècle, des réflexes d'opposants, et leur dénonciation du « despotisme » n'est souvent que la défense de leurs privilèges.

À la fin de l'Ancien Régime, le tableau est contrasté. La lente croissance de la production agricole et métallurgique, celle des activités commerciales (les grands vins s'exportent dans l'Europe entière), l'éclat de la vie intellectuelle et artistique dans les villes, contrastent avec l'archaïsme de la société rurale (un tiers des communautés sont encore mainmortables), le poids des droits seigneuriaux, l'insatisfaction des « hommes à talents » du tiers état privés d'influence. L'action de bourgeois entreprenants et le malaise paysan aidant, la Révolution suscitera une large adhésion et la Bourgogne du XIXe siècle sera en majorité « patriote », libérale et républicaine. En 1790, le territoire de la province est divisé en trois départements, qu'aucune institution commune ne réunira avant 1960. L'actuelle région de Bourgogne, qui inclut la Nièvre, souffre de l'attraction exercée par Paris et Lyon, et excède les limites de la zone dijonnaise, assez proche du duché du XIe siècle.