Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
L

Lusignan, (suite)

Puissants barons du royaume de France, les Lusignan jouent habilement du fait que leurs domaines sont situés dans les fiefs des Plantagenêts, faisant appel tantôt au roi de France, tantôt au roi d'Angleterre. Ainsi, Hugues IX parvient-il à récupérer le comté de la Marche - passé dans la famille de Montgomery et vendu au roi d'Angleterre Jean sans Terre - grâce à Philippe Auguste. Il y perd sa fiancée, Isabelle Taillefer, enlevée par le Plantagenêt ; Angoulême reviendra aux Lusignan une génération plus tard, quand la même Isabelle épousera Hugues X.

En Orient, la fortune sourit aux frères d'Hugues IX. Le plus jeune, Gui de Lusignan, épouse en secondes noces Sybille (1180), sœur du roi Baudouin IV le Lépreux et mère de Baudoin V ; à la mort de ces derniers - respectivement en 1185 et en 1186 -, il est associé au trône de Jérusalem par Sybille, devenue reine. Son intelligence médiocre semble expliquer le désastre de Hattin (1187), qui ouvre à Saladin les portes du royaume de Jérusalem. Récusé par les barons, Gui est fait roi de Chypre, récemment con-quise par Richard Cœur de Lion (1192). Son frère Amaury II lui succède deux ans plus tard, et reprend la couronne de Jérusalem en 1197. Tous les prétendants ultérieurs au titre tiennent leurs droits des Lusignan.

Sous les Lusignan, Chypre devient une nouvelle puissance, vitale pour l'Orient latin, base des croisades tardives. Le royaume atteint son apogée au milieu du XIVe siècle, alors que la branche aînée de la famille s'est éteinte. En 1308, en effet, Yolande, la dernière héritière directe de la seigneurie après la mort de ses frères Hugues XIII et Gui, vend toutes les terres de la famille au roi de France Philippe le Bel. En Orient, les Lusignan conservent Chypre jusqu'en 1489, date à laquelle l'île est vendue à Venise.

Au destin déjà exceptionnel de cette famille, la légende ajoute l'histoire merveilleuse de la fée Mélusine, qui construit villes et châteaux, dont celui de Lusignan, et se transforme en sirène un jour par semaine. La transgression du tabou - après l'avoir surprise pendant sa métamorphose, son mari ne peut la voir ce jour-là - et le thème du mortel marié à une déesse de la fécondité - Mélusine a dix enfants - renvoient, selon l'historien Jacques Le Goff, à un avatar médiéval de la déesse-mère.

Luxembourg (François Henri de Montmorency-Bouteville, duc de),

maréchal de France (Paris 1628 - Versailles 1695).

Appartenir à l'illustre lignage des Montmorency ne permet pas au fils posthume du comte de Bouteville de bénéfi-cier de la bienveillance royale : son père a été décapité pour avoir bravé les édits royaux contre la pratique du duel, et son cousin, gouverneur du Languedoc, pour lèse-majesté. Protégé des Condé, il suit le Grand Condé à la guerre, puis à la Fronde et au service de l'Espagne. Rentré avec son maître en 1659, il épouse l'héritière de la maison de Luxembourg, ce qui lui permet de revendiquer un des tout premiers rangs parmi les ducs et pairs. Cependant, le retour en grâce devant le roi est lent ; Luxembourg reprend du service en Franche-Comté en 1668, puis dans la guerre de Hollande, imposant au pays une occupation très dure. Toujours dans l'ombre de Condé, il participe à la victoire de Seneffe (1674) ; il est fait maréchal en 1675 et s'affirme contre Guillaume d'Orange en 1677-1678. Détesté par Louvois, qui le compromet dans l'affaire des Poisons et le fait embastiller quelques mois, il atteint finalement la gloire avec les victoires de Fleurus (1690), Steinkerque (1692) et Neerwinden (1693), mêlées sanglantes où Luxembourg fait reculer Waldeck et Guillaume d'Orange, généraux médiocres.

Chef talentueux et courageux, « le Tapissier de Notre-Dame » (surnom qu'il doit aux nombreux drapeaux pris à l'ennemi qui ornent les voûtes de la cathédrale) a beaucoup bénéficié de la disparition de Condé et de Turenne ; il meurt avant d'affronter les grands capitaines de la génération suivante, le duc de Marlborough et le prince Eugène.

Luxembourg (palais du),

résidence parisienne édifiée entre 1612 et 1620 pour Marie de Médicis, et aujourd'hui siège du Sénat.

Après avoir acheté l'hôtel du duc de Piney-Luxembourg (appelé par la suite « Petit Luxembourg », et actuelle résidence du président du Sénat), la régente fait construire un nouveau palais à côté, dans l'axe de la rue de Tournon qui dégage la vue jusqu'au Louvre. Bâti en bordure du faubourg Saint-Germain-des-Prés, où sont installés de riches Italiens, le palais médicéen illustre l'affirmation du pouvoir personnel de la reine mère. Fait alors exceptionnel à Paris, le bâtiment dessiné par Salomon de Brosse est visible de tous côtés (rues et jardin). Son style est celui des hôtels parisiens du début du XVIIe siècle, qu'il dépasse en majesté par ses dimensions imposantes (un quadrilatère d'environ 100 mètres de côté), un dôme rehaussé d'or, des façades ornées de sculptures, pilastres et colonnes, ainsi que de bossages à l'italienne. À l'intérieur, une galerie d'apparat accueille la série de vingt-quatre tableaux peinte à la gloire de Marie par l'atelier de Rubens entre 1621 et 1625. Le palais est agrémenté d'un vaste jardin aménagé sur un terrain cédé par les chartreux de Saint-Bruno, qui y étaient établis depuis le XIIIe siècle. Grottes et fontaines, dont il ne subsiste que le nymphée (devenu « fontaine Médicis », et déplacé depuis), sont imaginées dans le goût italien par le fontainier florentin Tommaso Francini, et nécessitent la construction d'un aqueduc d'alimentation. À partir de 1625, la reine mère réside dans son nouveau palais, où se déroule, en novembre 1630, la journée des Dupes, qui la condamne à l'exil.

La famille royale possède le palais du Luxembourg jusqu'à la Révolution. En 1750, il accueille le premier « Salon » : un musée de peintures provenant du Cabinet royal, et ouvert au public. Le comte de Provence, frère de Louis XVI et futur Louis XVIII, qui réside au Petit Luxembourg de 1776 à 1791, acquiert le palais en 1778 et le fait réaménager par Soufflot, puis par Chalgrin. Transformé en prison pendant la Terreur, l'édifice héberge les chefs du Directoire, puis abrite le sénat du Consulat, du Premier et du Second Empire (1800-1814 et 1852-1870), et la Chambre des pairs des derniers rois (1814-1848). Sous le Premier Empire, il est considérablement transformé par Chalgrin, son architecte de 1780 à 1811, avant qu'Alphonse de Gisors ne l'agrandisse vers le jardin, de 1836 à 1841, conservant une façade peu différente de la primitive. Sans affectation entre 1848 et 1852, diversement occupé entre 1870 et 1879, il accueille depuis lors le Sénat de la République (« Conseil de la République » de 1946 à 1958), avec une parenthèse entre 1940 et 1946, lorsque s'y établissent l'état-major de l'aviation allemande pour l'ouest européen, puis, de 1944 à 1946, diverses institutions provisoires.